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Euro 2021 – Christian Eriksen va porter un défibrillateur : "Tu hésites puis tu finis par l'oublier", témoigne Anthony Van Loo

La Fédération danoise de football a annoncé jeudi que Christian Eriksen avait accepté l'implantation d'un défibrillateur sous-cutané.

Article rédigé par Andréa La Perna, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6 min
Anthony van Loo en spectateur lors d'un match entre Courtrai et Zulte Waregem, le 26 décembre 2018, sept mois après son deuxième arrêt cardiaque sur le terrain. (KURT DESPLENTER / BELGA MAG)

Comme d'autres sportifs avant lui, le footballeur Daley Blind ou encore le coureur cycliste Elia Viviani, Christian Eriksen va désormais vivre avec un défibrillateur implanté dans sa poitrine, comme l'a annoncé la Fédération danoise de football, jeudi 17 juin. Cette opération ne veut pas nécessairement dire que celui qui a été victime d'un arrêt cardiaque dimanche dernier lors de Danemark-Finlande à l'Euro 2021 va reprendre sa carrière. 

Le footballeur belge Anthony van Loo a lui aussi évolué pendant dix ans en Jupiler Pro League avec ce boîtier inséré dans sa poitrine (122 matchs dans l'élite belge entre 2008 et 2018 avec Roulers, Malines et Courtrai), qui lui a sauvé la vie à deux reprises sur un terrain de football, en juin 2009 puis en mai 2018. Retiré des terrains depuis trois ans, l'ancien défenseur détaille le fonctionnement de ce défibrillateur sous-cutané et tente de se projeter avec nous sur la vie d'après de Christian Eriksen.

Franceinfo sport : Comment ce défibrillateur sous-cutané marche-t-il exactement ?

Anthony van Loo : Il existe deux types de défibrillateurs, externes ou internes. La première fois, ils m’ont placé le défibrillateur sous mes côtes à cause des contacts liés à la pratique du football. C’est généralement le cas pour tous les sportifs exposés aux contacts, sinon il est placé au-dessus du cœur. Maintenant, c’est à cet endroit qu’il est placé chez moi. Les médecins l’ont déplacé parce que je ne joue plus. Le fonctionnement est le même dans les deux cas.

Si quelque chose se passe avec ton cœur, l’appareil envoie une décharge pour retrouver un rythme normal. S’il bat trop vite ou pas assez, il envoie des petits chocs, comme des tests. Et si c’est plus grave et donc pas suffisant, la machine envoie une décharge plus puissante. La sensation est terrible. Pour ce qui est du suivi, le boîtier est testé deux fois par an et j’ai aussi un moniteur dans ma chambre qui envoie en direct les signaux à l’hôpital.

Quel a été votre sentiment quand il a été implanté dans votre poitrine en 2008 ?

Pour moi, c’était positif même si c’était douloureux. C’était difficile physiquement et mentalement, avec la menace sur ma vie. Même quand j’ai fait mon retour sur la pelouse, on m’avait dit que tout allait bien et que je pouvais y aller, ce n’était pas aussi facile que ça. Au début, tu hésites un peu mais après un peu de temps, sur le terrain et à l’entraînement, les sensations reviennent et vous oubliez. A ce moment, il faut éteindre le bouton dans votre tête et avancer. Dans le cas contraire, si vous avez des doutes, il vaut mieux s’arrêter.

Anthony van Loo (allongé au sol) après avoir été réanimé par son défibrillateur interne contre Mouscron le 11 mai 2018. (KURT DESPLENTER / BELGA MAG)

Vous saviez dès le départ que vous vouliez continuer à jouer ?

Oui, j’étais très jeune et je n’avais qu’une passion, le football. Le premier docteur, à Roulers, m’a dit qu’il fallait que j’arrête. Je ne voulais pas de ça. J’ai donc demandé un deuxième avis, au docteur Pedro Brugada qui est très célèbre en Belgique. D’après lui, c’était soit j’arrêtais, soit je subissais cette opération. Pour moi, c’était facile de faire ce choix, même si c’était conditionné à la décision des docteurs. J’ai pu vivre ma passion pendant dix ans et continuer à réaliser mes rêves, pour moi c’est un succès. Ma carrière aurait pu être meilleure mais j’en suis content surtout avec toutes les blessures que j’ai subies, au genou notamment.

Qu’est-ce qu’on ressent quand son cœur s’arrête ?

Pour moi, la première et la deuxième fois étaient différentes. A Roulers en 2009, la première fois, je sentais que je m’échappais de mon corps, que mon énergie disparaissait. Mais c’était tellement rapide que je n’ai pas pu réagir. J’étais sur le sol et tout, autour de moi, est revenu et j’ai compris ce qu’il s’était passé. Mais je n’ai pas senti la décharge parce que j’étais parti.

La deuxième fois, j’ai senti vingt secondes avant cette même sensation. Je sentais que ça allait arriver et j’ai ressenti les chocs de tests. J’ai essayé de revenir à un rythme normal mais ça n’a pas marché. Puis, la machine a dû se préparer à envoyer une plus grosse décharge. Si vous voyez les images, je n’ai pas paniqué. Vous pouvez même me voir envoyer des signes au banc de touche et puis le choc est arrivé. C’était bien plus douloureux que la première fois.

C’est à ce moment, en 2018, que vous avez arrêté votre carrière, parce que vous aviez besoin d’une opération...

J’avais besoin d’une opération et c’était aussi une décision qui venait de moi, de ma femme, de ma famille et du docteur. Je fais encore du sport, du tennis padel, mais j’y vais doucement. Je joue avec mes enfants. Mais c’est évident que je ne pars jamais courir 18 kilomètres en une heure. Je ne fais plus de compétition.

Quand vous avez vu Christian Eriksen s’effondrer contre la Finlande, vous avez tout de suite compris ce qu’il se passait ?

J’étais chez mon ami Ruud Vormer (un international néerlandais qui joue aussi en Belgique, au Club Bruges). J’ai vu directement ce qu’il s’était passé. Directement. Je l’ai regardé et je lui ai dit : “ce n’est pas possible”. Ça m'a donné la chair de poule. C’était vraiment très difficile pour moi de regarder.

Christian Eriksen peut-il s’identifier à votre histoire ? Vous étiez plus jeune que lui quand vous avez subi votre premier arrêt cardiaque, mais il a à peu près le même âge que le vôtre lors du deuxième qui a mené à la fin de votre carrière…

Il a déjà mené une belle carrière. Il a joué au plus haut niveau, encore cette saison. Mais il a sa femme et une vie de famille. Lors de mon premier incident, je n’avais rien. C’était football, football, football. Mais aujourd’hui j’ai mes enfants et ma femme. Le sens que je donne à la vie a complètement changé. J’apprécie beaucoup plus les petites choses, ce que je ne pouvais pas faire avant.

Avez-vous des conseils à lui prodiguer concernant la suite de sa vie et de sa carrière ?

Ce serait bien qu’on puisse se parler et partager nos expériences. J’aimerais lui dire qu’il n’a pas à s’inquiéter si les médecins et sa femme lui disent que ça va aller. Il doit aussi s’écouter. Je ne sais pas s’il voudra continuer à jouer au football. Tout ce que je peux dire, c’est que peu importe si vous êtes sportif professionnel ou non, allez consulter un cardiologue. Vous allez bien chez le dentiste, pourquoi n’iriez-vous pas faire des examens pour votre coeur ?

Pensez-vous qu’on ne parle pas assez de cette question et qu’elle est de toute manière écrasée par la constante recherche de performance ?

Peut-être oui. Il a fallu que quelque chose de grave se produise pour que tout le monde réalise que c’est important. C’est problématique.

Il y a eu un débat concernant la responsabilité du réalisateur lors de Danemark-Finlande à propos des images qu’on peut montrer ou non. Diriez-vous que ces images ont eu le mérite de mettre une question importante sur le devant de la scène ?

Oui. Si c’est à la télévision, tout le monde le voit. Ils étaient beaucoup quand ça m’est arrivé et même des millions quand Eriksen est tombé. Je pense qu’ils ont besoin de montrer ces images pour que ça serve d’exemple pour les prochaines fois. Pour moi, ce n’est pas un problème. Beaucoup de gens subissent des crises cardiaques et ça n’est pas filmé par une caméra. En direct, ça fait peur mais le fait de filmer ces images n’est pas négatif en soi.

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