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Incendie de Notre-Dame : enquête, reconstruction, budget... Nous répondons aux questions que vous nous avez posées

Combien y a-t-il eu de départs de feu ? Le jeu vidéo "Assassin's Creed" peut-il aider à reconstruire la cathédrale ? Vous nous avez interrogés dans le live de franceinfo. Voici nos réponses. 

Article rédigé par Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Une grue et des pompiers sur le site de la cathédrale Notre-Dame de Paris, après l'incendie qui l'a ravagée. (THOMAS SAMSON / AFP)

Trois jours après le terrible incendie qui a en partie ravagé la cathédrale Notre-Dame à Paris, le sinistre soulève toujours de nombreuses questions. Vous nous avez interpellés dans le live de franceinfo, par le biais du hashtag #VraiOuFake, sur certaines interrogations liées au sinistre. Nous y répondons, jeudi 18 avril. 

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Les pompiers ont-il mis du temps à intervenir à cause des embouteillages ?

FAUX. "Aucun retard n'a été constaté", déclare à franceinfo le lieutenant-colonel Gabriel Plus, porte-parole des pompiers de Paris. "Il s'est écoulé moins de dix minutes entre le premier appel et le premier départ d'engins de la caserne de la rue du Cardinal-Lemoine", située dans le 5e arrondissement, à environ un kilomètre de Notre-Dame. "Nous enregistrons tous les appels, toutes les réponses et tous les départs en intervention, c'est assez facile à déterminer", assure l'officier.

Et dès le début des opérations, vers 19 heures, un important dispositif est mis en place. Très vite, 400 pompiers sont à pied d'œuvre avec 18 lances à incendie. Certains soldats du feu sont juchés sur des bras mécaniques à des dizaines de mètres de hauteur. L'eau est pompée directement dans la Seine, à quelques dizaines de mètres, à l'aide de petites embarcations reliées à de longs tuyaux. Un hélicoptère et un drone survolent la cathédrale et permettent de mieux coordonner les opérations.

Dès 22h50, les "deux tours de Notre-Dame [sont] sauvées" et sa structure est "sauvée et préservée dans sa globalité", selon le général Jean-Claude Gallet, commandant de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris. Et au terme d'une quinzaine d'heures, les pompiers réussissent à éteindre "l'ensemble du feu", annonce leur porte-parole.

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Y a-t-il eu un ou plusieurs départs de feu ?

ON NE SAIT PAS. "Il est trop tôt pour le dire", explique le porte-parole des pompiers de Paris. "Seule l'enquête pourra le déterminer." Les pompiers ont cependant de fortes présomptions : "Le départ de feu a vraisemblablement eu lieu à proximité du chantier." La première alerte incendie a été donnée à 18h20. "Mais aucun départ de feu n'a été constaté", selon le procureur de Paris, Rémy Heitz. Une vingtaine de minutes plus tard, à 18h43, après une nouvelle alerte, le feu a cette fois été repéré au niveau de la charpente. Et les flammes se sont propagées rapidement au reste du toit en travaux.

Dès lundi soir, une enquête a été ouverte par le parquet pour "destruction involontaire par incendie". "Près de 50 enquêteurs" sont mobilisés, d'après le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner. Et "rien dans l'état ne va dans le sens d'un acte volontaire", selon le procureur. Ce dernier a confirmé que la piste accidentelle était privilégiée. Benjamin Gayrard, secrétaire général du Syndicat national des Personnels de Police Scientifique (SNPPS), a décrypté pour franceinfo la procédure de l'enquête. Les enquêteurs vont prendre des photos et des vidéos, observer les chemins suivis par les fumées, examiner les traces laissées par les flammes ou la profondeur des destructions dans les différents matériaux, détaille-t-il.

"L'enquête incendie procède à partir de l'état final du feu pour essayer de retrouver le point de départ. On va faire une chronologie inversée. C’est-à-dire qu'en regardant l'évolution des flammes, des fumées, des points chauds, on va prendre à rebours le déroulement de l'incendie jusqu'à retrouver l'endroit d'où est parti le feu", détaille le policier. "Au cours du sinistre, il y a eu des effondrements successifs. Le sol est donc recouvert par des gravats ou des cendres et, comme en archéologie, cela va préserver une partie des traces qui ont été déposées. Ce sont des marques qui donnent des indications. Enfin, on va gratter les différentes couches du bâtiment pour repérer la progression de l'incendie et dater le point de départ du feu."

>> Onze questions sur l'incendie qui a ravagé Notre-Dame de Paris

Le jeu vidéo "Assassin's Creed" va-t-il permettre de reconstruire la cathédrale ?

PLUTÔT FAUX. Le jeu vidéo Assassin's Creed Unity, sorti en 2014, plaçait une cathédrale Notre-Dame, pillée par la Révolution de 1789, au cœur de son intrigue. Et les joueurs pouvaient parcourir l'édifice magnifiquement modélisé par les studios d'Ubisoft, jusque sur la toiture aujourd'hui disparue, dévorée par les flammes. Lundi soir, les "gamers" étaient nombreux à partager sur les réseaux sociaux leurs souvenirs d'exploration virtuelle du lieu de culte meurtri. Certains rêvaient déjà que la représentation de l'édifice, très fidèle à l'original, puissent servir de modèle en vue des travaux de restauration.

La développeuse Caroline Miousse a certes passé deux années à modéliser la cathédrale à sa taille réelle pour le jeu, mais elle a toutefois pris "des libertés" avec la réalité, raconte le site spécialisé Destructoid, repéré par le Huff Post"Notre-Dame n'a pas été construite avec l'idée qu'elle soit un terrain de jeu. Il a donc fallu prendre des libertés avec la disposition des divers éléments afin de créer des passages entre les différents niveaux." De plus, Caroline Miousse a cherché à restituer, avec le concours d'un historien, non pas la Notre-Dame de 2014 mais celle de 1789. De nombreuses œuvres d'art de la cathédrale étant protégées, leur reproduction est interdite et la développeuse a donc apporté "sa touche personnelle" artistique et livré au final "son interprétation de l'église".

Notre-Dame a en revanche fait l'objet de travaux plus scientifiques, rappelle Le Monde. Les entreprises GEA et Life 3D ont notamment réalisé une numérisation en 3D de la charpente de la nef, en prévision de la campagne de restauration. Le Vassar College possède ainsi sur son campus, au nord de New York, un colossal volume de données de modélisation 3D de la cathédrale - les plus précises au monde. Elles ont été produites par Andrew Tallon, un professeur d'art américain francophile et francophone, amoureux de l'architecture médiévale et passionné par les cathédrales gothiques.

En 2011 et 2012, financé par une fondation, l'historien a utilisé un appareil à laser pour mesurer très précisément l'intérieur et l'extérieur de la cathédrale. Il a placé son appareil dans une cinquantaine d'endroits, afin de mesurer les distances entre chaque mur et pilier, recoin, statue... Le résultat est un nuage de plus d'un milliard de points. Les images de synthèse reconstruisent à l'écran la cathédrale dans ses moindres détails, y compris ses infimes défauts, avec une précision de l'ordre de cinq millimètres, assurait-il à National Geographic.

Mais, sur Twitter, l'expert en scanner 3D Bertrand Chazaly souligne que ces travaux de numérisations ne suffiront sans doute pas à eux seuls à reconstruire Notre-Dame. La modélisation par laser apportera cependant sans doute de la précision aux photographies et aux dessins en possession des architectes de France. Un élément particulièrement utile pour les éléments en hauteur comme la toiture et la flèche disparues. La modélisation pourra donc peut-être, par exemple, aider les restaurateurs à recréer à l'identique la partie de la voûte qui s'est effondrée.

>> "Reconstruire Notre-Dame en cinq années" : quelles contraintes le délai avancé par Emmanuel Macron impose-t-il ?

Le ministère de la Culture ne consacre-t-il que 3% de son budget à l'entretien des monuments historiques ?

VRAI. "Seulement 3% du budget du ministère de la Culture est consacré à l'entretien des monuments historiques", a déploré dans un tweet le député d'extrême droite Gilbert Collard, en partageant un extrait d'une émission de Public Sénat"Il faut rappeler que les crédits de restauration et d'entretien des monuments historiques en France, c'est l'équivalent de 300 millions [d'euros] par an et que ça, ça représente 3% du budget du ministère de la Culture, qui lui-même représente 1% du budget de l'Etat", y pointe Julien Lacaze, vice-président de l'association Sites & Monuments.

Ces chiffres se retrouvent bien dans le projet de loi de finances 2019 du ministère de la Culture (PDF). La loi de finances de 2018 avait alloué 326,2 millions d'euros "en autorisations d'engagement", selon la formule consacrée, à l'entretien et à la restauration des monuments historiques. Quelque 300 millions que devaient se partager les 43 600 immeubles protégés au titre des monuments historiques, d'après les chiffres de 2015. Parmi ceux-ci, 29,6% étaient des édifices religieux et 49,4% des propriétés privées. Un budget que le projet de loi de finances de 2019 entendait maintenir, selon le document. 

Ces 326,2 millions représentaient effectivement 3,4% du budget total dévolu au ministère de la Culture (9,7 milliards) dans la loi de finances 2018 (PDF), qui lui-même comptait pour 1,5% du budget total de l'Etat (656,9 milliards).

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