"C'est assez puissant comme endroit" : 80 ans après sa découverte, la grotte de Lascaux sous étroite surveillance
La cavité est fermée au public depuis 1963, pour préserver ses célèbres peintures murales. Aujourd'hui, seuls les chercheurs et les conservateurs peuvent s'y rendre.
C'est un sentier balisé, à Montignac en Dordogne, qui mène à celle que l'on surnomme la chapelle Sixtine de la Préhistoire. C’est ce même chemin qu’ont emprunté quatre copains qui ont découvert la grotte de Lascaux, il y a 80 ans. Le sentier grimpe le long de la colline dans la forêt de chênes. Plus loin, apparaît un long grillage vert, et puis une lourde porte de bronze.
"Quand on rentre, on est tout de suite imprégné de quelque chose, c'est assez puissant comme endroit", raconte Sandrine Géraud, technicienne de recherche. Chargée de la conservation de la grotte depuis 22 ans, elle fait partie des rares personnes autorisées à pénétrer à l'intérieur. "Automatiquement, on a des gestes lents, et puis on ne parle pas fort alors qu'on pourrait très bien parler normalement". Elle décrit la salle des taureaux, et ses couleurs, "comme si ça avait été peint hier : le noir est noir charbon, le rouge est rouge sang, et le jaune, c'est un jaune soleil". Les taureaux, d'une taille de cinq à six mètres, dominent totalement la salle. "Il y a un côté magique, et puis un sentiment d'humilité aussi."
On est là avec des peintures qui ont 21 000 ans, c'est un lien direct qu'on a là avec nos ancêtres. C'est très, très fort.
Sandrine Géraud, technicienne de rechercheà franceinfo
La grotte est dans un état de conservation remarquable. Le milieu est humide, mais il est aussi extrêmement fragile et hyper sensible à la présence humaine. Heure par heure, le taux d'humidité, le gaz carbonique, la pression atmosphérique et les températures de la roche et de l'air sont enregistrés, surveillés. Pour les températures, c’est au centième de degrés près, insiste Muriel Mauriac. "Selon les secteurs, on est entre 12,60 et 12,80 degrés, assure la conservatrice du site. On a plus d'une centaine de sondes qui mesurent en continu la température dans la grotte, et effectivement, à chaque entrée, on surveille l'impact de la présence humaine, qui peut être de quelques centièmes voire dixièmes de degrés, ce qui pourrait être préjudiciable à la conservation des peintures."
Une grotte surveillée de près
L’extérieur de la grotte est aussi scruté de près. Aucune voiture n'est évidemment à proximité. Même pour couper les arbres sur la colline au-dessus de la caverne, toutes les précautions sont prises. "On ne les abat pas à la tronçonneuse, c'est l'homme qui intervient, qui grimpe dans l'arbre, explique Alina Moskalik. Elle s'occupe de la restauration de Lascaux, et est descendue plus de 300 fois dans la grotte. On évacue les arbres avec des chevaux pour ne pas amener des engins lourds qui polluent. La seule chose que je regrette, c'est que des avions militaires volent très, très bas."
Résultat de cette surveillance intensive : aujourd'hui, la grotte va mieux, selon sa conservatrice. Les champignons et les taches noirs repérées sur les murs il y a 20 ans ont quasiment tous disparu.
Quatre-vingt ans après sa découverte, la grotte de Lascaux nous apprend encore des choses. Environ 700 vestiges ont été récupérés à la fin des années 1940, des silex, des restes de rennes, des coquillages qui continuent d’être analysés même 80 ans plus tard. Lascaux est loin d'avoir livré tous ses secrets. Combien de temps les hommes ont-ils fréquenté et peint la grotte ? Combien étaient-ils ? Quel est le sens de leur oeuvre ? Aucune réponse n'est définitive.
La grotte de Lascaux ne rouvrira pas ses portes. À défaut, il reste deux fac-similés : Lascaux II, la réplique parfaite, à la même échelle où vous descendez l'escalier comme dans la vraie, et Lascaux IV, qui représente l'intégralité de la grotte. Mais ces fac-similés ne plaisent pas à tout le monde. Marinette Ravidat, 91 ans, la femme de Marcel Ravidat, l'un des découvreurs - ils sont tous aujourd'hui décédés - préfère évidemment l'originale à la copie. "C'est dommage parce que c'est une merveille, c'est tellement beau !, s'émerveille-t-elle. Les copies sont moins réussies, je ne trouve pas pareil. C'est très bien mais ça fait plus musée."
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