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"On a un public fidèle attaché à l'ADN rock du festival" : sept questions au programmateur de Rock en Seine Arnaud Meersseman

Comment les programmateurs de Rock en Seine ont-ils construit cette édition de reprise ? Sur quels critères ont-ils fait leur choix parmi l'offre pléthorique d'artistes proposée cette année ? Quelles sont les exclusivités ? Et les groupes à ne pas louper ? Réponses d'un organisateur.

Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Arnaud Meersseman, programmateur de Rock en Seine et directeur général d'AEG France, en 2022. (ROCK EN SEINE)

Rock en Seine s'apprête à refermer la page des festivals de l'été 2022 en beauté et attend quelque 150 000 personnes du 25 au 28 août sur la pelouse du parc de Saint-Cloud (Paris). Pour cette édition de reprise après deux années de quasi mise à l'arrêt forcée, les organisateurs ont mis les bouchées doubles et proposent non plus trois mais quatre jours de musique au total (cinq jours étaient même prévus avant l'annulation de la venue de Rage Against The Machine pour raisons médicales le mardi 30 août). Si les festivaliers n'ont jamais eu autant envie de communier avec leurs groupes préférés, les artistes avaient eux aussi des fourmis dans les jambes : le festival s'est retrouvé face à une offre de concerts pléthorique, comme nous le raconte Arnaud Meersseman, programmateur de Rock en Seine et directeur général d'AEG France.

Réamorcer la pompe d’un festival comme Rock en Seine après presque trois ans de pause, c’est forcément difficile. Qu’est-ce qui a été le plus compliqué dans cet exercice ?

Arnaud Meersseman : Ça a été compliqué notamment en termes de personnel, pour former les équipes, en particulier de techniciens, parce qu’il y a un gros volume de festivals cet été et un manque global de personnel. Avec l’inflation des frais liée au contexte économique général il y a également un vrai challenge à garder les frais à peu près dans les clous des budgets. Ça a été assez difficile.

Côté programmation, avez-vous constaté un encombrement de groupes en demande de jouer ?
Oui, ça a été difficile de faire face au volume de groupes qu’on nous proposait. Aujourd’hui, la majorité des revenus des artistes provient des tournées et durant les deux ans de Covid beaucoup d’entre eux se sont retrouvés privés de revenus. Conséquence : tout le monde s’est décidé à tourner en même temps et on a dû refuser énormément de choses. Mais on a eu un tel panel de propositions qu’on s’est dit que ce serait bête de passer à côté de tout ça. Alors à chaque fois on rajoutait des groupes, au point qu’on s’est même demandé à un moment si on n’allait pas faire une semaine complète ! (rires)

L'annulation pour raisons de santé de Rage Against The Machine à moins de trois semaines du festival, est-elle un gros coup dur ? Quelles sont les conséquences sur l'équilibre artistique et financier du festival ?
Oui, cela a été un coup dur car c'était un vrai évènement de recevoir le groupe qui ne s'était pas produit en France depuis dix ans, avec déjà une première annulation! Cela impacte peu l'équilibre artistique car nous étions sur une journée spéciale, celle du mardi, qui se tenait seule. En ce qui concerne la partie financière, nous sommes assurés et cela n'a donc pas d'impact.

Comment avez-vous construit la programmation cette année, qu’est-ce qui a guidé vos choix ?
Excepté Rage Against The Machine, qui était le seul report de 2020, tout le reste c’est du neuf : on est repartis à zéro sur la programmation parce qu’on s’est dit que des groupes qui avaient été bookés en 2019 pour 2020 ce ne serait plus très excitant en 2022. Par ailleurs, on a bien compris qu’on a un public fidèle, attaché à un ADN rock du festival. C’est la raison pour laquelle nous sommes allés chercher des artistes comme Nick Cave ou Arctic Monkeys. Mais l’idée était aussi d’ouvrir un peu le champ musical. D’abord parce que le pool de groupes rock est assez limité, mais aussi parce qu'il se passe d’autres choses dans la musique que le festival doit refléter, nous en sommes persuadés. Pour nous, c’est un exercice difficile parce qu'on a un public très râleur qu’il faut ménager, alors on y va progressivement, par petites touches. On était allés beaucoup trop loin en 2018 avec le concert de PNL en tête d’affiche, qui était lié aux circonstances puisqu’on s’était fait prendre Kendrick Lamar (par Live Nation, le concurrent d’AEG majoritaire à Rock en Seine NDLR)On reste donc sur une base rock mais ça n’empêche pas de s’ouvrir à la pop comme Stromae ou à la pop électronique avec des artistes comme The Blaze, FKJ ou Tame Impala. 

L'affiche 2022 est riche et comporte une pluie de stars. Votre budget a-t-il explosé ou bien les artistes ont-ils un peu baissé leurs cachets parce qu’ils avaient besoin de jouer ?
Le jour où les artistes baisseront leurs cachets, on le fera savoir ! (il rit). On a surtout pris plus de risques mais on a voulu profiter de tout ce volume d'artistes disponibles. Et ça paye parce qu’on était déjà complets fin mai pour le jeudi avec Arctic Monkeys. Nous avons aussi profité d'une réorganisation stratégique d’AEG (l'entreprise américaine majoritaire à Rock en Seine) qui a reporté son festival londonien All Points East de début juin au dernier week-end d’août. Comme AEG a également un festival qui se déroule le même week-end à Bristol, on a pu faire aux artistes une triple offre Bristol, Londres et Paris. De cette façon c’est beaucoup plus simple pour nous et c’est plus facile aussi d’accrocher les groupes.

Quelles sont les grosses exclusivités de cette édition ?
Arctic Monkeys et Tame Impala, qui ne jouaient nulle part ailleurs en France cet été, The Blaze est aussi une exclu, tout comme London Grammar. C’est bien parce que cet été dans les festivals il y a eu beaucoup de têtes d’affiche semblables comme Angèle et PNL. Or aujourd’hui, pour qu’un festival soit intéressant, il n’y a pas mille manières de sortir du lot : mettre deux scènes dans un champ ça ne marche plus vraiment. Alors soit vous avez un lieu à tomber par terre comme Coachella, soit vous avez une programmation hors norme qu’on ne peut trouver nulle part ailleurs. Je pense que c’est très important d’avoir des exclusivités sur des têtes d’affiche, on y fait attention quand on travaille sur la programmation et on y veille déjà pour 2023.

Quels sont les groupes ou artistes que vous attendez de voir avec le plus d’impatience ?
Il y en a pas mal, certains attendent de jouer depuis deux ans. Je suis très fan d’Arctic Monkeys donc très content d’avoir décroché une date exclusive. J’ai hâte de voir November Ultra, tous les retours à son sujet sont incroyables. J’attends aussi de voir ce que Yungblud, assez dingue à l’Olympia, donne sur une grosse scène. Pareil pour les Parcels, que je trouve phénoménaux avec un petit côté Fleetwood Mac, et puis Tame Impala qui est toujours une expérience. Hâte aussi de voir The Blaze parce qu’ils vont nous proposer de nouveaux morceaux (ils ont publié un premier single en juin et ils sortiront d’autres choses bientôt) accompagnés d'une scénographie toute neuve en avant-première. 

Rock en Seine à Paris du 25 au 28 août 2022 (consultez le programme complet), avec une sélection de (re)diffusions de concerts sur la plateforme france.tv avec Culturebox à cette adresse.

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