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Pour la première fois, un opéra 100% "chansigné" à la Philharmonie de Paris : "Ce sont deux mondes qui se rencontrent", se réjouit la cheffe d'orchestre

De plus en plus, des concerts sont "chansignés" en direct, c'est-à-dire traduits en langue des signes à destination du public. Mercredi soir, pour la première fois, la Philharmonie de Paris propose un opéra intégralement "chansigné", "La Décision", d'après la pièce de Bertolt Brecht. 

Article rédigé par Yann Bertrand
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
La répétition d'un concert à la Philharmonie de Paris (France), en janvier 2020.
 (MANUEL COHEN / AFP)

Une expérience inédite, mais essentielle : permettre aux sourds et malentendants de ressentir la musique. Encadrant les percussions, bien au-dessus des 300 choristes, deux "chansigneurs" professionnels traduisent tout, chant, dialogues, rythme. Carlos Carreras n'économise pas ses gestes : "C'est surtout l'alternance des rythmes, entre les chœurs parfois très lents, des dialogues qui s'enchaînent, très, très rapides et en plus, c'est en allemand." Comme la voix, la langue des signes permet toutes les modulations : "Forcément, quand on va entendre une voix qui est poussée, nous aussi, on va pousser notre langue et la seule façon de la pousser, c'est de tirer nos membres, de s'étirer", explique-t-il. 

D'en bas, Emmanuelle Laborit veille et conseille : "On se focalise un peu moins sur le son, sur l'oreille. Ça amène une ouverture, finalement, une ouverture visuelle, c'est vraiment une image, en fait. Une autre interprétation", décrit-elle, par la voix de son interprète Julie.

"Une pratique artistique en soi"

C'est avec Emmanuelle Laborit, comédienne récompensée du Molière de la révélation théâtrale dans Les Enfants du silence en 1993 et aujourd'hui directrice de l'IVT, l'International Visual Theatre, que la Philharmonie de Paris a lancé ce projet de "chansigne" autour de La Décision, pièce participative de Bertolt Brecht. "C'est assez amusant de le voir, comme pour nous, dans une pièce qui est une pièce d'apprentissage presque politique, se réjouit le metteur en scène Olivier Fredj. Moi, ça m'a évoqué immédiatement les grands discours télévisés et leur traduction en langue des signes. Je pense qu'on est dans l'opportunité d'un partage d'expériences plus ouvert."

Et justement, de plus en plus de concerts, notamment au festival américain de Coachella récemment, sont désormais "chansignés" en direct. "Ce n'est pas une simple traduction, c'est une pratique artistique en soi", défend ainsi Audrey Ouaki, responsable de l'accessibilité à la Philharmonie, qui a déjà mis en place un parcours dédié pour l'exposition Hip Hop 360, Gloire à l'art de rue

Mais pour l'opéra, c'est encore une autre affaire. "Ca oblige à avoir un tempo extrêmement respectueux. On a dû enregistrer tout l'opéra en amont pour que les chants signés soient 'chorégraphiés' dans le rythme de la pièce. Et ce sont deux mondes qui se rencontrent ce soir", assure Catherine Simonpietri, la cheffe d'orchestre, directrice artistique de l'ensemble vocal Sequenza 9.3. Et comme un symbole, choristes et comédiens finiront ensemble en interprétant dix mesures en "chansigné" : un même monde de musique et d'émotions.

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