Paris Fashion Week : les dernières heures du distinguo de genre ?

À la Paris Fashion Week masculine, les femmes et les hommes ont souvent défilé ensemble pour présenter des pièces de plus en plus dégenrées.
Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
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Défilé Kenzo prêt à porter Automne-Hiver 2024-25, dans la salle ovale de la Bibliothèque nationale de France, Paris Fashion Week masculine, le 19 janvier 2024. (GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP)

Encore masculine sur le papier, mais de facto affranchie du genre pour des raisons pratiques et commerciales, la Fashion Week de Paris, présentant les collections automne-hiver 2024-25, terminée dimanche 21 janvier, a dépassé toute velléité binaire et mêlé sans complexe création homme et femme sur ses podiums.

"Les défilés sont encore plus mixtes que l'année dernière et c'est d'abord pour des raisons économiques", explique Gert Jonkers, rédacteur en chef de Fantastic Man, à l'AFP. "Cela coûte très cher de créer un défilé, alors autant mettre deux collections dedans", ajoute cet observateur de la mode masculine depuis 24 ans.

Hommes et femmes sur le même podium

Vuitton, Yamamoto, Kenzo ont joué cartes sur table : les femmes ont défilé au milieu des hommes ou, si l'on préfère, les hommes au milieu des femmes.

Tout comme AMI Paris, la marque française très en vue qui a commencé il y a une dizaine d'années sur un tailoring masculin avant de passer au féminin. Son créateur Alexandre Mattiussi a revêtu Laetitia Casta d'un fier manteau de cavalier brun que pourrait aussi bien porter Vincent Cassel, son autre égérie.

Défilé Louis Vuitton à la Paris Fashion Week, le 16 janvier 2024. (ALAIN JOCARD / AFP)

Le distinguo de genre des collections ne vit "peut-être pas sa dernière (année) mais très certainement une des dernières", estime Matthieu Bobard Deliere, journaliste mode chez Elle, un magazine féminin qui scrute au plus près les tendances du vestiaire homme dans lequel, selon l'expression consacrée, la femme vient désormais "piocher". Et vice-versa.

"Il n'y a plus même de discussion", note-t-il auprès de l'AFP. "Cela s'est fait très naturellement, il n'y a plus de moment où l'on se pose la question de savoir pour quel genre cette pièce est". Cela donne en premier lieu des tailleurs à porter par la femme ou l'homme, comme chez Meta Campania, en version gilet trois-pièces sur la naissance des seins et pantalon large. Pour l'hiver, il y avait aussi des gabardines et des cabans indéniablement unisexes et de l'accessoire, du sac à main au grand pochon de week-end, qui passe sans ambages de Monsieur à Madame.

Le réalisateur allemand Wim Wenders lors du défilé Yohji Yamamoto du prêt-à-porter Automne-Hiver 2024-25, Paris Fashion Week masculine, le 19 janvier 2024. (ALAIN JOCARD / AFP)

En dépit de ce "dégenrage", les créateurs du luxe masculin sont encore rares à assumer des robes ou jupes pour hommes, coupées pour leur morphologie différente. Et la résistance s'est fait d'autant plus remarquer lors de cette saison parisienne chez certaines grandes maisons comme Dior, malgré l'esthétique ballet, ou chez "Daddy Dries", l'Anversois Dries Van Noten, 65 ans.

L'homme "bimbo"

Sur les tapis rouges, les icônes de la nouvelle masculinité, y compris des hommes hétérosexuels et cisgenres, s'ouvrent aussi à la fluidité pour leurs tenues de gala, plus flamboyantes, sexy, pailletées, strassées (à l'instar des hauts du défilé Balmain). Ils osent, comme Timothée Chalamet, qui a tenté le dos nu à la Mostra de Venise en 2022, peu après la remarquée jupe de Brad Pitt à une première. Pour accélérer ce "dégenrage" pour tous, le phénomène Ken, anti-héros du film Barbie, et l'homme bimbo, le bimbo qui se moque du regard des autres, sont passés par là.

Ryan Gosling et Margot Robbie dans "Barbie" (2023) de Greta Gerwig. (WARNER BROS. ENTERTAINMENT INC.)

Spécialiste de la mode masculine et fondateur du magazine gay Butt, Gert Jonkers est heureux de voir la mode en finir avec "la stricte division". Mais il met en garde contre les propositions fourre-tout lors des semaines de présentation de collection. "Il faut faire attention que le 'menswear' ne devienne pas un étrange mélange artistiquement et commercialement faible dans lequel on finit par mettre tout et n'importe quoi", avertit-il. Réponse des principaux intéressés : "l'homme est une femme comme les autres", lance à l'AFP Nicolas Delarue, l'un des responsables de la Fédération de la haute couture et de la mode, organisatrice de la Fashion Week parisienne.

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