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Salon du livre : cinq astuces pour écrire un best-seller en 2015

Lors de cette 35e édition, qui débute vendredi à Paris, des auteurs sans lecteurs contempleront d'un œil envieux des écrivains à succès dédicacer leurs derniers best-sellers. Mais quelles sont les recettes de leurs succès ?

Article rédigé par Anne Brigaudeau
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 9min
Valérie Trierweiler, reine incontestée des ventes de livres en France en 2014, dans une librairie de Londres (Royaume-Uni), le 25 novembre 2014. (LEON NEAL / AFP)

Mais comment font-ils ? Quelle est la recette des écrivains à succès pour écouler leurs œuvres à des centaines de milliers d'exemplaires, quand la plupart des romanciers s'estiment heureux de vendre 3 000 copies de leur livre ?

Alors que le Salon du livre débute vendredi 20 mars et que les écrivains Maxime Chattam, Tatiana de Rosnay et autres Amélie Nothomb se préparent à affronter des lecteurs transis, cette question vous taraude ? A la lumière de quelques best-sellers récents, Francetv info vous livre cinq tendances qui ont le vent en poupe pour faire un carton en librairie.

1Dézinguer les politiques  

Valérie Trierweiler bafouée, trompée, humiliée, répudiée, mais, au final, triomphante. Car Merci pour ce moment (éd. des Arènes) s'est écoulé à plus de 600 000 exemplaires, selon le palmarès GfK-Livres Hebdo. De quoi la sacrer reine des ventes de livres en France en 2014.

Pourquoi un tel engouement ? Le plaisir de constater que le roi Hollande est nu ? "Oui, confirme à francetv info Laurence Corona, directrice de la communication des Arènes. Le public a vraiment eu le sentiment d'apprendre des choses sur la comédie du pouvoir. D'autant plus que c'était la première fois dans le monde que l'intimité d'un Président était ainsi dévoilée, en temps réel, par une ex-première dame, quelques mois à peine après des faits restés frais dans les mémoires." 

La férocité de Françoise Hardy envers les politiques (de gauche) dans Avis non autorisés (éd. des Equateurs) semble également payante. Selon Le Figaro, la chanteuse s'en prend à Eva Joly, qu'elle traite de "vieille coquette minaudante", aux "glapissements" de Cécile Duflot ou encore à François Mitterrand, qui a "vidé les caisses de l'Etat". Cette "franchise de ton" a emballé le public, estime son éditeur Olivier Frébourg, joint par francetv info. Sorti le 3 mars, le tirage dépassera les 70 000 exemplaires la semaine prochaine.

2Marier l'amour et l'érotisme 

Montée de sève printanière ? Intérêt relancé par la sortie du film le 11 février ? Les volumes 2 et 3 de la trilogie Cinquante nuances de l'américaine E.L. James, en format poche, se glissent à nouveau en 3e et 4e position des meilleures ventes pour la semaine du 9 au 15 mars, selon Livres Hebdo. Du côté des éditions JC Lattès, qui ont acquis les droits en grand format, le directeur général Laurent Laffont se félicite de ce succès qui ne se dément pas depuis 2012. "La série, affirme-t-il, s'est vendue à 3 millions d'exemplaires en poche, 4 millions en grand format."

Un filon prometteur ? "Quand quelqu'un ouvre un nouveau domaineil n'a pas conscience que c'est nouveau, nuance Laurent Laffont. La romancière E.L. James ne s'est pas rendue compte qu'elle avait inventé un nouveau genre, où l'amour et l'érotisme se réconcilient. Elle l'a fait totalement par hasard, sans penser au marketing. Souvenons-nous de l'expérience de l'auteur britannique William Somerset Maugham, qui a tenté d'écrire un livre après avoir fait l'analyse de ce qui marchait. Sa conclusion ? : 'Ça a encore moins marché que le reste. J'avais tous les ingrédients sauf un : la sincérité !'."

Mais le patron des éditions JC Lattès reconnaît néanmoins que Cinquante nuances a tracé une voie que d'autres ont suivi : la saga After, d'Anna Todd (éd. Hugo Roman) "joue aussi sur ce mélange entre sexe et amour". Et l'élève dépasse désormais le maître : dans le Top 20 de Livres Hebdo, le volume 3 d'After grille, d'une place, la politesse à Cinquante nuances.  

3S'intéresser aux jeunes en osant la littérature de genre 

Quel est le secteur qui a le plus progressé en 2014 ? La littérature jeunesse, avec 6,7% de croissance en 2014, contre 0,4% pour la littérature générale, et tout le reste en recul, selon une étude GfK publiée le 18 mars. Une belle santé dont se réjouissent les éditions Nathan, qui placent dans les 50 meilleures ventes de 2014 plusieurs livres, dont la série Divergente. Dopés, certes, par leurs adaptations au cinéma, chacun des trois tomes s'est vendu à plus de 150 000 exemplaires. 

A quoi tient le succès de ces livres de science-fiction auprès des adolescents ? "Comme Hunger Games, Divergente est une dystopie [une utopie qui vire au cauchemar], détaille à francetv info Eva Grynszpan, directrice éditoriale de la fiction pour les plus de 8 ans chez Nathan Jeunesse. Cette fiction suit certains codes pour mieux les renouveler. L'intrigue s'inscrit dans un monde très dictatorial, où une héroïne vient bousculer l'ordre établi. Ce genre littéraire a le rythme du thriller, avec de l'action et une intrigue aux enjeux forts." 

Un retour, donc, aux ressorts éprouvés du roman. Mais cette littérature est d'autant plus efficace, selon l'éditrice, qu'"elle décrit un monde dur auquel on peut échapper. On n'est pas là pour désespérer la jeunesse ! Ce qui explique aussi que ces livres séduisent également les jeunes adultes, une cible très large. C'est une littérature de la résilience."

En Grande-Bretagne, c'est désormais cette littérature jeunesse qui tire les ventes vers le haut. En France, l'étude Ipsos pour le Centre national du livre de mars 2015, portant sur les Français et la lecture, confirme que, contrairement à une idée reçue, les jeunes aiment lire. Mais autant s'y faire : 51% d'entre eux plébiscitent la science-fiction, l'heroic fantasy ou encore l'horreur aux classiques de la littérature française. Et préfèrent donc Game of Thrones à Madame Bovary.

4Cultiver la fibre réactionnaire 

Nuançons l'amour de la lecture : si 21% des Français affirment lire "beaucoup" de livres, ils ne sont que 12% dans la tranche 15-24 ans, et 30% chez les 65 ans et plus, à en croire l'étude Ipsos sur les Français et la lecture.

Faut-il lier à ce vieillissement du lectorat aux cartons réalisés par les livres considérés comme réactionnaires dans les librairies ? Selon le palmarès GfK, Le suicide français d'Eric Zemmour s'est écoulé à plus de 300 000 exemplaires en trois mois à la fin 2014. Même succès pour Soumission, le dernier roman de Michel Houellebecq, autre chantre du désespoir de l'homme blanc vieillissant. Paru le 7 janvier, jour de la tuerie de Charlie Hebdo, ce livre, qui décrit une France dirigée par le chef d'un parti musulman, a désormais dépassé les 400 000 ventes, selon son éditeur Flammarion. 

En l'absence de données sur les lectures de seniors, restons prudents. Mais on peut supposer qu'ils ont été nombreux à acheter le livre de leur contemporaine Françoise Hardy, qui a soufflé en janvier ses 71 bougies. Selon son éditeur, Olivier Frébourg, cette "personnalité assez mythique aborde aussi des sujets comme la vieillesse et la maladie à rebours des lieux communs, ce qui a touché les gens". Dans l'édition comme ailleurs, la "silver economy" (l'économie liée aux seniors) s'annonce florissante.

5Travailler dur

A défaut de génie... Le talentueux écrivain François Nourissier avait intitulé ainsi ses mémoires, parues en 2000, se décrivant volontiers en tâcheron de la plume. Le travail serait-il le secret le mieux caché des auteurs à succès ? L'écrivain Pierre Lemaitre, Goncourt 2013 pour Au revoir là-haut (éd. Gallimard), vendu à plus de 300 000 exemplaires cette année-là, a confié à la presse avoir réécrit le premier chapitre plus de vingt fois.

De même, l'écrivain britannique multimillionnaire Ken Follett a expliqué à L'Obs avoir passé trois ans à rédiger chaque tome de sa trilogie du Siècle. Rien n'est laissé au hasard : architecture générale, scénario, souci du détail historique... Et surtout, à chaque page, "un rebond prend le lecteur à revers et pose en filigrane ces questions : le héros va-t-il échapper au danger qui le menace ? Va-t-il sombrer dans le découragement ou retrouver espoir ? Séduire ou être repoussé ?" 

Pour Laurence Corona, directrice de la communication des Arènes, "il n'y a pas de recettes pour écrire un best-seller, sinon ça se saurait !"  Laurent Laffont se montre, lui, plus philosophe : "Je ne sais plus qui a dit : 'l'auteur fait ce qu'il peut et l'air du temps fait le reste'."

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