Cet article date de plus d'un an.

Noël et fêtes de fin d'année : notre top 10 des thrillers et polars à ne pas rater

De nouveaux écrivains viennent bousculer la hiérarchie dans l'univers des romans policiers et des thrillers. 2022 est l'année des révélations. Une sélection, forcément subjective, de livres à offrir et/ou s'offrir en cette fin d'année.
Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 9 min
Rayon romans policiers d'une librairie toulousaine, le 24 juillet 2021. (SANDRINE MARTY / HANS LUCAS)

De Los Angeles à Kristiansund, d'Abuja à Gênes, de Varsovie à Calcutta, embarquez pour un tour du monde avec des thrillers originaux et puissants. 2022 a été une année exceptionnelle, à la fois sombre et lumineuse. De nouveaux talents ont émergé et les incontournables sont toujours au rendez-vous. 

"Le mur des silences", un polar élégant et profond 

Arnaldur Indridason continue de questionner l'Islande et son passé. Son personnage, Konrad, anti-héros, policier à la retraite, mène de front deux enquêtes dans Le mur des silences. Les lieux ont une vie propre, leur mémoire. Pendant des travaux, le mur d’une cave s’écroule, un corps apparaît. Homme ou femme ? Konrad aimerait bien le savoir. La maison recèle une histoire, des histoires. Elle change de propriétaires, de locataires, régulièrement. Les femmes ne s’y sentent pas bien, elles étouffent, entendent des bruits. Les hommes, non. Une personne a bien été emmurée dans cette maison par le passé. Avec beaucoup de talent, l’écrivain islandais nous emmène dans plusieurs directions, plusieurs mystères. Relations père-enfant, violence contre les femmes, pédocriminalité, amours déçues, amitiés trahies, Arnaldur Indridason, tel un peintre, dresse un tableau dense de l'Islande des années 60.Un livre intelligent, subtil.

Lire la Chronique en entier

("Le mur des silences", Editions Métailié, 22 euros)

Couverture du livre "Le mur des silence" d'Arnaldur Indridason (Editions Métailié)

"Les ténèbres et la nuit", voyage au bout du suspens avec Michael Connely

On assiste avec Les ténèbres et la nuit à un passage de relais en douceur entre Harry Bosch, héros récurrent de Michael Connelly, et Renée Ballard, inspectrice rebelle. Excellent, comme toujours. Pour ceux qui ne connaissent pas Michael Connelly (y en a-t-il encore ?), Les ténèbres et la nuit (Calmann-Levy) est une découverte qui se lit avec gourmandise. Et pour les autres lecteurs, forcément plus nombreux, le dernier roman de l’auteur du Poète se lit aussi avec plaisir, attendu certes mais à chaque fois renouvelé. Lors du passage à la nouvelle année, l’inspectrice Renée Ballard est appelée sur une scène de crime. La victime : Javier Raffa, un garagiste endetté. Elle découvre vite que le meurtre est lié à un autre, sur lequel avait travaillé Harry Bosch. En parallèle, la nouvelle héroïne de Michael Connelly enquête sur un duo de violeurs, "Les hommes de minuit". Les ténèbres et la nuit  est un très bon roman. Comme toujours, avec Michael Connelly.

Lire la chronique en entier

("Les ténèbres et la nuit", Michael Connely, Calmann-Levy, 22,5 euros )

Couverture du livre "Les ténèbres et la nuit" de Michael Connely (CALMANN-LEVY NOIR)

"Le trophée" : une partie de chasse glaçante, thriller dérangeant de Gaea Schoeters

Pour son premier livre publié en France, l’auteure belge choisit d’emprunter des sentiers inédits pour une chasse originale. Un thriller politique (et moral) intense, cauchemardesque. Une plongée en apnée, sans répit. Un livre puissant. Le Trophée  est à la fois un réquisitoire des gens de première cordée, de ces ultra-riches, blasés, à la recherche de sensations nouvelles, toujours plus originales, toujours plus rares, pour se sentir vivre et une charge contre le (néo)colonialisme, le capitalisme. Tout a un prix, même la vie. L’humanité est désespérante, semble dire l’auteure belge. Elle n’hésite pas à nous égarer dans cette brousse rarement décrite avec autant de justesse.

Lire la chronique en entier

( "Le trophée", Gaea Schoeters, Actes Sud, collection "Actes noirs", 288 pages, 23 €)

Le trophée, Gaea Schoeters, Actes Sud, collection "Actes noirs" (Actes Sud)

"Dans les flammes", un brasier indien

Entre thriller et roman social, Dans les flammes dénude l’Inde d’aujourd’hui, à la fois à la pointe des nouvelles technologies et asphyxiée par un nationalisme virulent. Ou comment un commentaire un peu provocateur sur Facebook déclenche une machination cynique et des lâchetés intéressées. Pour son premier roman, Megha Majumdar, avec des phrases simples et fluides, décrit des ambitions ogresses, des opportunismes cyniques et des combats pour survivre. Les exclus ont leurs exclus, le darwinisme social apparaît comme unique moyen pour s’extraire de sa condition. Et donc forcément sacrifier son entourage pour emprunter l’ascenseur social ? L’écrivaine indienne décortique les rouages d’un système qui broie les plus faibles. Jivan, dix-sept ans, issue des bidonvilles de Calcutta, rêve de classe moyenne. Sa vie devient un enfer après son post malheureux. Elle est accusée d’être l’instigatrice d’un attentat qui a coûté la vie à cent personnes. Innocente, elle est. Victime sacrificielle, elle est désignée. Un grand livre. 

("Dans les flammes, Megha Majumdar, Editions JC Lattès, 21,90 euros)

Couverture du livre "Dans les flammes" de Megha Majumdar (Editions JC Lattès)

"Nuages baroques", l'homophobie tue

Ancré dans le présent et un passé récent, Nuages baroques est un premier roman à quatre mains, d'Antonio Paolacci et Paola Ronco, qui n’élude pas le réel. L’histoire se déroule à Gênes, encore hantée par les violences policières excessives lors du sommet anti-G8 en 2001. Le personnage, le sous-préfet adjoint Paolo Nigra, est ouvertement gay, contrairement à son compagnon, acteur qui incarne un policier au petit écran. L’histoire se déroule en 2016. Un jeune étudiant en architecture est retrouvé battu à mort au petit matin, non loin de l’endroit où se tenait une fête en soutien à l’union civile des homosexuels, nouvellement adoptée. Agression homophobe ? Selon la formule consacrée, Paolo Nigra n’écarte aucune hypothèse. Entourée d’une équipe originale, formée de personnages attachants, le sous-préfet adjoint explore une ville qui refuse de livrer ses secrets. Les auteurs redoutent le réveil de la bête. 

("Nuages baroques", Antonio Paolacci et Paola Ronco, Rivages/Noir, 22 euros)

Couverture du livre "Nuages Baroques" d'Antonio Paolacci et Paola Ronco (Rivages/noir)

"Les colliers de feu", l'incompréhension

Femi Kayode pose d'emblée la problématique : comprendre au risque de l'aliénation. Accusés de vol, trois étudiants de Port Harcourt, au Nigeria, sont lynchés par la foule avant d'être brûlés vifs dans des pneus. Comment (sur)vivre après un tel drame pour les parents, les proches ? L'arrestation des coupables suffit-elle pour apaiser la douloureuse perte ? Là où certains cherchent des explications satisfaisantes, d'autres ont besoin d'un lourd silence, d'une amnésie générale pour survivre. A la mémoire, la société a choisi l'oubli. Pourquoi juger seulement sept personnes alors que la foule meurtrière était nombreuse ? La police veut fermer le dossier, la ville tourner la page. Ce que refusent les parents qui n'arrivent pas à faire le deuil. Comment donner un sens à l'insensé sinon une fuite en avant dans le déni ? L'écrivain nigérian questionne son pays, appuie sur les plaies. Son personnage, le Dr Philip Taiwo, vit un exil intérieur. Obstiné, il continue de chercher la vérité malgré les injonctions à détourner son regard du passé. Un livre fin et puissant. 

("Les colliers de feu", Les Presses de la cité, 22 euros)

Couverture du livre "Les colliers de feu" (Presses de la Cité)

"Les sept divinités du bonheur", un fleuve intranquille

Keigo Higashino tient en l'inspecteur Kaga un personnage émouvant et original. La banalité est extraordinaire et les gens normaux une illusion. Sous la surface du fleuve tranquille du quotidien bouillonne la vie. Un homme d’une cinquantaine d’années, est assassiné au pied de la statue du dragon ailé qui orne le pont de Nihonbashi, à Tokyo, qui correspond à l'ancien point de départ de toutes les routes du Japon. Le suspect est un jeune intérimaire dont le contrat n'a pas été renouvelé après un accident de travail. Sans indemnités, ni ressources, et avec le portefeuille de la victime de la poche, il est le coupable idéal. Et c'est là que le livre, Les Sept divinités du bonheur, prend un tour original. Lutte des classes, intérêts divergents, plongée dans l'enfance, Keigo Higashino s'amuse à brouiller les pistes. Avec des touches subtiles, il peint une société en plein doute, agressée par une modernisation effrénée, qui blesse essentiellement les déclassés de Tokyo. L'écrivain japonais choisit la lenteur et évite le spectaculaire. Un jour (presque) comme les autres.  

("Les Sept Divinités du bonheur, Keigo Higashino, Actes Sud, 23,50 euros)

Couverture du livre "Les Sept divinités du bonheur) (Actes Sud)

"Panique générale", l'enfer selon James Ellroy

Parce que c'est James Ellroy, parce qu'il revient (encore et encore) sur ses obsessions, parce qu'il aime à l'excès endosser le rôle de méchant, son dernier livre Panique générale se lit avec une délectation coupable. L'œuvre est une version dopée de la nouvelle Extorsion (2014), les confessions de l'inénarrable Freddy Otash, ancien policier devenu détective privé, proxénète, voyeur, maître chanteur et alimentant en ragots la presse à scandale. Le personnage a réellement existé. Il est décédé en 1992. Le livre s'ouvre d'une façon originale : Freddy Otash est coincé au purgatoire. Pour espérer une éventuelle rédemption, il doit faire appel à sa mémoire. Alors Freddy déballe jusqu'à la nausée, dégueule, vomit des insanités. Et ses souvenirs deviennent des armes que l'auteur du Dahlia noir et de L.A. Confidential s'amuse à manier avec un plaisir non feint pour tirer à boulets rouges sur Hollywood des années 50, arroser au gros calibre acteurs et célébrités. Et si, pour une fois, James Ellroy était dépassé par sa propre œuvre ? Sa détestation assumée pour les gens du show-biz, surtout estampillés à gauche, ne cache-t-elle pas au contraire sa fascination pour cet univers ? A lire, parce que James Ellroy. 

("Panique générale", James Ellroy, Rivages noirs, 23 euros)

Couverture du livre "Panique générale" de James Ellroy (Rivages/noir)

"Tu sais qui", veuillez éteindre votre ordinateur

Julita est une jeune journaliste polonaise, spécialisée dans le people pour un site web. Elle se lance dans une enquête après avoir visionné une voiture se jetant dans le vide en défonçant le parapet d'un pont. L'histoire prend une tournure angoissante, haletante. Jakub Szamalek est un formidable conteur. Il emmène ses lecteurs dans l'univers caché du dark web. Il est difficile après avoir refermé le livre de faire confiance à son téléphone ou ordinateur. Tout comme il est difficile de regarder comme avant les caméras, désormais omniprésentes dans notre quotidien. L'apathie a saisi l'ensemble des sociétés. L'obéissance est devenue la norme. L'écrivain polonais, scénariste pour jeux vidéo, alerte sur une rupture technologique et sociale. Tu sais qui est une plongée dans la cybercriminalité, accessible aux non-initiés. L'écriture est nerveuse, fluide. Votre ordinateur est toujours allumé ? Jakub Szamalek, un nom à retenir.

("Tu sais qui", Jakub Szamek, Métailié noir, 22,90 euros)

Couverture du livre "Tu sais qui" de Jakub Szamalek (Editions Métailié.Noir)

"Mémoires d'un reptile", un python nommé Néron

Silje O. Ulstein fait une entrée fracassante dans le thriller nordique. L'écrivaine norvégienne signe avec Mémoires d'un reptile un premier roman polyphonique mordant. Voire vénéneux. Ne vous fiez pas au résumé. Un python, ça mange énormément. Et au bout d'un moment, les souris ne suffisent pas. Néron, le python de Liv, peut en témoigner. D'ailleurs, il le fait très bien dans ce livre original. Liv désespère de l'humanité, rêve de devenir une autre, se cherche au risque de se perdre. Elle développe une relation fusionnelle avec Néron. Une relation étouffante. Saut dans l'histoire. Plus d'une quinzaine d'années plus tard, Iben, 11 ans, disparaît après une dispute avec sa mère dans un supermarché. Au lieu de chercher sa fille, Mariam met les courses dans le coffre de la voiture et laisse sa vie de famille derrière elle. Mémoires d'un reptile se dévore d'une seule traite, il est facile à lire malgré la polyphonie. En prenant son temps. Un plaisir insatiable. 

("Mémoires d'un reptile", Silje O. Ulstein, Actes Sud, 24 euros)

Couverture du livre "Mémoires d'un reptile" de Silje O. Ulstein. (Actes Sud)

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.