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Arnaldur Indridason brise "Le mur des silences", un polar élégant et profond

L'auteur islandais continue de questionner son pays et son passé. Son personnage, Konrad, anti-héros, policier à la retraite, mène de front deux enquêtes. Un livre intelligent, subtil. 

Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3 min
L'écrivain islandais Arnaldur Indridason à Saint-Malo, le 22 octobre 2019.  (ULF ANDERSEN / ULF ANDERSEN)

 Le passé continue de vivre après la mort, longtemps après. Et la mort rattrape souvent le présent. Arnaldur Indridason a le don de convoquer les souvenirs et les lieux dans ses romans. Ses personnages (re)vivent un passé qui ne passe pas. Des souvenirs qui refusent l’oubli. Dans "Le mur des silences" (Editions Métailié), Konrad, policier à la retraite, se débat avec la mémoire de son père, tué de longues années auparavant devant les abattoirs de Reykjavik. Pour Konrad, élucider cet assassinat devient obsessionnel, au risque de mettre sa vie familiale en danger.

L’histoire. Les lieux ont une vie propre, leur mémoire. Pendant des travaux, le mur d’une cave s’écroule, un corps apparaît. Homme ou femme ? Konrad aimerait bien le savoir. La maison recèle une histoire, des histoires. Elle change de propriétaires, de locataires, régulièrement. Les femmes ne s’y sentent pas bien, elles étouffent, entendent des bruits. Les hommes, non. Une personne a bien été emmurée dans cette maison par le passé. Avec beaucoup de talent, l’écrivain islandais nous emmène dans plusieurs directions, plusieurs mystères. Relations père-enfant, violence contre les femmes, pédocriminalité, amours déçues, amitiés trahies, Arnaldur Indridason, tel un peintre, dresse un tableau dense de l'Islande des années 60.

Mais qui a donc tué Seppi ?

Pour mener l’enquête, Arnaldur Indridason a choisi un policier à la retraite, un anti-héros désespérément humain, avec toutes ses failles. Konrad n’est pas Erlendur Sveinsson, inspecteur de la police de Reykjavík, personnage d’une douzaine de livres de l’auteur islandais. Konrad est réel de par ses défauts, ses doutes, ses manquements. "Je l’aime beaucoup. Ce n’est pas un policier parfait et ce n’est pas un homme parfait. Aucun de nous ne l’est. Il va continuer à évoluer dans les prochains livres et il va peut-être devenir meilleur mais je l’ignore. Il est encore un mystère pour moi et ça me plaît", confie Arnaldur Indridason.  

Konrad mène donc deux enquêtes : découvrir qui est le squelette emmuré dans la cave et qui a tué son Seppi, son père. Accompagné par ses seuls souvenirs, souvent douloureux, le retraité interroge le passé, fouille les mémoires. Au nom des victimes. La vérité est-elle importante après tout ce temps écoulé, après les efforts et les sacrifices pour oublier ? Konrad ne s’arrête jamais… Tant mieux. Un polar à ne pas rater.  

Qui est Arnaldur Indridason ? Le jeune sexagénaire a été journaliste, critique de films avant de se consacrer pleinement à l’écriture. Natif de Reykjavík, il a fait de la capitale islandaise le lieu de la plupart de ses nombreux livres. Traduit dans une quarantaine de langues, avec plus de 18 millions de lecteurs à travers le monde, Arnaldur Indridason est un auteur prolifique.  "Le roi du polar islandais" est aussi connu pour sa Trilogie des Ombres, dans laquelle il met en scène un nouveau couple d’enquêteurs, à l’époque de la "Situation", l’occupation américano-britannique de l’Islande à la fin de la Seconde Guerre mondiale. 

Couverture du livre "Le mur des silence" d'Arnaldur Indridason (Editions Métailié)

Extraits : "Konrad n'était pas sûr de vouloir alller jusqu'au bout de sa démarche. Il ne savait pas non plus ce qui l'en empêchait. (...) Il avait plus d'une fois été à deux doigts d'abandonner ses recherches. Plus il amassait des informations, plus il détestait cet homme. Il n'y avait rien à faire. C'était sans doute le mépris  qu'il éprouvait à son égard qui l'avait empêche delongues années durant de se pencher sur son assassinat alors qu'il avait travaillé des décennies à la Criminelle. Les derniers mois de leur cohabitation étaient conflictuels. (...) Cet homme était un pauvre type et un salaud qui s'en est pris à sa propre fille et qui battait sa mère. (...) C'était la dernière fois qu'il avait vu son père". 

"Le mur des silences", Editions Métailié, 22 euros 

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