Interdit, en passe d'être censuré ou à l'affiche, le film "Barbie" fait l'objet d'un accueil à géométrie variable au Moyen-Orient

Les Saoudiens verront "Barbie" mais pas les Koweïtiens, le dernier film de Greta Gerwig ayant été interdit dans leur pays. Le film pourrait connaître le même sort au Liban.
Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3 min
Barbie, le dernier film de Greta Gerwig, a été interdit au Koweït mais est disponible dans les salles en Arabie saoudite et dans les Emirats arabes unis. (SOPA IMAGES / LIGHTROCKET)

Le Koweït a interdit la sortie dans ses cinémas du grand succès mondial Barbie pour "atteinte à la morale publique", ont annoncé jeudi 10 août les autorités de cet État pétrolier du Golfe très conservateur. "La diffusion des films Barbie et Talk Two Me a été interdite", a annoncé Lafi Subaïei, président du comité koweïtien de la censure cinématographique, cité par l'agence de presse officielle Kuna.

"Scènes obscènes"

La veille, le ministre libanais de la Culture Mohammad Mourtada avait annoncé avoir demandé l'interdiction de Barbie pour des raisons similaires. Dans un communiqué, il a estimé que le film, qui a dépassé le milliard de dollars au box-office mondial et devait être projeté au Liban à partir du 31 août, "va à l'encontre des valeurs morales et religieuses au Liban". Barbie fait "la promotion de l'homosexualité et du changement de sexe, soutient le rejet de la tutelle du père, mine et tourne en ridicule le rôle de la mère et remet en question la nécessité du mariage et de la formation d'une famille", a énuméré le ministre libanais.

Au Koweït, avant de prendre leur décision, les autorités avaient demandé la "suppression de certaines scènes obscènes encourageant des comportements inacceptables", a-t-il assuré, sans donner de précisions sur les passages en question. La comédie de la réalisatrice américaine Greta Gerwig, avec les stars hollywoodiennes Margot Robbie et Ryan Gosling, met en scène l'emblématique poupée Mattel, s'aventurant toute de rose vêtue aux côtés de son petit ami maladroit Ken.

Une diversion politique au Liban

La rhétorique anti-LGBT+ (lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et autres) gagne du terrain au Liban, l'un des pays les plus libéraux du Moyen-Orient. Il est considéré plus "tolérant" que d'autres États arabes par rapport à l'homosexualité. Mais les institutions religieuses continuent d'exercer une influence majeure sur les affaires sociales et culturelles, et l'homosexualité reste sanctionnée par la loi.

Neuf députés ont présenté un projet de loi, le mois dernier, au Parlement pour décriminaliser l'homosexualité, mais ils ont été la cible d'une campagne de critiques. Le Liban a annulé à plusieurs reprises ces dernières années des activités de la communauté LGBT+, notamment sous la pression des autorités religieuses. L'an dernier, le film d'animation Buzz l'Eclair, où apparaît un couple de lesbiennes, y avait été interdit.

La décision du ministre libanais de la Culture intervient alors qu'une campagne anti-LGBT+, menée par le puissant Hezbollah pro-iranien, s'intensifie dans le pays. En juillet, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, avait affirmé que, selon la loi islamique, tout homosexuel "devrait être tué", et il avait appelé à boycotter tous les produits arc-en-ciel.

Dans un pays en pleine crise, cette annonce fait figure de diversion politique, selon l'universitaire libanais Karim Emil Bitar dans The New Arab."L'ensemble du système se rend compte qu'il est impuissant à résoudre tous les problèmes majeurs et tente donc de trouver des boucs émissaires, soit les réfugiés, soit les minorités sexuelles, soit un film aussi innocent que Barbie", estime-t-il.

L'Arabie saoudite, à contre-courant

Plusieurs grosses productions américaines ont été accueillies avec un certain malaise au Moyen-Orient ces derniers mois, sur fond de visibilité grandissante des personnes homosexuelles et transgenres à Hollywood. Le principal distributeur du Koweït avait annoncé lundi 7 août l'interdiction par les autorités de Talk to me. Le film d'horreur australien met en vedette Zoé Terakes, acteur transgenre s'identifiant comme non binaire, mais ne contient aucune référence explicite au mouvement LGBT+. Sur les réseaux sociaux, Zoé Terakes avait qualifié cette décision de "déshumanisante" et "ciblée".

Ailleurs dans le Golfe, Barbie et Talk to me sont actuellement à l'affiche en Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis. Ces deux pays avaient pourtant eux aussi interdit des films contenant des références aux LGBT+. En juin, le film d'animation Spider-Man y avait fait l'objet d'une interdiction, à cause d'une scène où figurait selon eux un drapeau transgenre. Barbie n'est toujours pas diffusé au Qatar, qui n'a toutefois pas fait d'annonce officielle à ce sujet.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.