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Festival de Cannes 2022 : Michel Hazanavicius, le champion du pastiche, en cinq films

Michel Hazanavicius ouvre le Festival de Cannes ce mardi 17 mai avec son tout dernier film "Coupez !". Cette fois le cinéaste s'attaque au film de zombie. Retour sur une carrière en cinq pastiches mémorables.             

Article rédigé par franceinfo Culture - Camille Bigot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Le réalisateur français Michel Hazanavicius arrive pour la projection du film "The Specials (Hors Normes)" lors de la 72e édition du Festival de Cannes, le 25 mai 2019.  (LOIC VENANCE / AFP)

Le Festival de Cannes inaugure cette année sa première soirée par le long métrage Coupez ! de Michel Hazanavicius. Initialement intitulé "Z (comme Z)", le film rassemble à l'écran Romain Duris, Bérénice Béjo, Matilda Lutz ou encore Jean-Pascal Zadi. Une comédie hilarante et farfelue - un tournage sur un film de zombies interrompu par l'arrivée ... de zombies ! - nouvelle dédicace au film de genre de cet amoureux du cinéma. 

1988. A l'âge de 20 ans, Michel Hazanavicius intègre Canal+ où il travaille au côté d’Alain Chabat dans l’émission Les Nuls. Repéré pour ses talents de scénariste lors de l'écriture de sketchs parodiques, il se met à concevoir des courts métrages de détournement : Derrick contre Superman et Ça détourne. Déjà, sa marque de fabrique se dessine : des hommages au 7e art pétris d’humour et d’ironie.  

Touche-à-tout, il tente la mise en scène au théâtre, fait une discrète apparition en tant que comédien dans La Cité de la Peur. Il travaillera aussi dans la publicité pour des marques telles que Reebok ou Bouygues Télécom. Sur commande des frères producteurs Altmayer en 2005, il réalise le diptyque OSS 117 : Le Caire, nid d’espions (2006), et Rio ne répond plus (2009). Un succès, suivi dans un tout autre registre de The Artist. Du pastiche des films muets des années 20 à ceux des longs métrages d'espionages de 1950, Michel Hazanavicius en cinq films. 

Les grands classiques du cinéma américain passés à la moulinette 

Sans jamais être sorti en salle ni sur aucune plateforme de streaming payante, le long métrage de Michel Hazanavicius et Dominique Mezerette, La Classe américaine : Le Grand Détournement est un film culte. Le 31 décembre 1993, cet ovni cinématographique est diffusé pour la première et dernière fois sur Canal+. Le long montage se compose d’extraits de grands classiques américains sur lesquels les réalisateurs ont plaqué leur propre scénario. S'inspirant de Citizen Kane d’Orson Welles, le film commence par la mort de George Abitbol, "l’homme le plus classe du monde" dont les derniers mots sont : "monde de merde". Plusieurs journalistes se mettent en tête de découvrir la signification de ces ultimes paroles.

A la demande des réalisateurs, les voix françaises de John Wayne, Robert Redford, ou Henry Fonda enregistrent avec plein de malice les nouveaux dialogues de leur personnage. Langage fleuri, blagues potaches, canevas absurde... La parodie explosive ne plaît pas à la Warner. La société de production refusant d’accorder les droits aux cinéastes, le film est menacé de n'être jamais plus diffusé. Raté. La Classe américaine, enregistré par des amateurs sur des cassettes VHS, circule pendant des années sous le manteau. Avec l’arrivée d’Internet, le film naît une seconde fois : il est aujourd’hui disponible sur YouTube, toujours gratuitement.

Le film d’espionnage des années 50 détourné

Hubert Bonisseur de La Bath, dit OSS 117, est né en 1949 sous la plume de l’écrivain français Jean Bruce. L’histoire de l’agent secret passionne rapidement les plus grands, de Jean Cocteau à John Fitzgerald Kennedy. À partir des années 1950, le livre est mainte fois adapté au cinéma : OSS 117 est même incarné par Michel Piccoli en 1950 dans Le Bal des espions de Michel Clément. C'est Michel Hazanavicius qui lui rend le plus bel hommage avec la création de deux opus, influencés par le cinéma d’Hitchcock et les aventures de James Bond.

Le réalisateur transforme OSS 117 en beau parleur arrogant et bêta, interprété par Jean Dujardin. L’acteur joue sur sa ressemblance avec Sean Connery, ses mimiques et son sens de la réplique. OSS 117 enchaîne gaffe sur gaffe : venu enquêter sur la mort d’un agent français dans une Afrique qui se décolonise peu à peu (Le Caire : nid d’espions, 2006), il offre aux autochtones des portraits du président français, René Coty. Idem lorsqu’il se rend en Amérique Latine (Rio ne répond plus, 2009) à la poursuite d’anciens nazis : "ah, quelle histoire ça aussi !", débite-t-il à propos de l’extermination des Juifs. Le maître-mot de ce diptyque déjanté ? Le décalage. 

Le crépuscule du cinéma muet 

Film français le plus couronné de l’histoire du cinéma, The Artist comptabilise plus de 100 récompenses, dont six César et cinq Oscars. Michel Hazanavicius revisite le cinéma muet des années 1920 avec les outils d’aujourd’hui. Tourné en noir et blanc, le film troque le grain de début du XXe siècle pour une photographie d’une parfaite netteté. À la manière des longs métrages de l’époque, le réalisateur enregistre délibérément 22 images par seconde pour donner l’impression d’un filmage accéléré.

Au-delà de la technique, le film tourné dans les studios de la Warner est truffé de références à l’âge d’or d’Hollywood, à commencer par sa trame : au carrefour entre Chantons sous la pluie et Sunset Boulevard. George Valentin (Jean Dujardin) est un acteur acclamé par le public. Sur le tournage de l’un de ses films, il tombe amoureux d'une figurante, Peppy Miller (Bérénice Béjo). L’arrivée du cinéma parlant le fait sombrer dans l’oubli, tandis que la carrière de sa dulcinée décolle. Cette fois, ni parodie, ni détournement ou dérision, mais un hommage vibrant et terriblement émouvant aux pionniers du 7e art.

Godard, le père de la nouvelle vague taquiné

Le Redoutable, dont le nom s’inspire du premier sous-marin nucléaire français lancé en 1967, raconte un moment de bascule dans la vie de l'incontournable réalisateur Jean-Luc Godard (Louis Garrel). En toile de fond, les émeutes de mai 68 et sa relation amoureuse tumultueuse avec Anne Wiazemsky (Stacy Martin). Adapté du roman de cette dernière, Un an après, publié chez Gallimard en 2015, le film épingle un Godard macho, désagréable, et maoïste à l’extrême. Il veut tout révolutionner, à commencer par lui-même et son cinéma.

Michel Hazanavicius emprunte au père de la nouvelle vague quelques spécificités de son cinéma : la voix-off, le noir et blanc, les sous-titres... Si le film a été reçu de manière mitigée par la critique, la prestation de Louis Garrel a, elle, été saluée : il adopte la diction de Godard – voix nasarde et articulation chuintante – et son style – crâne dégarni et lunettes aux verres teintées. Il est surtout très drôle et fait retomber le monstre du cinéma français au statut de simple mortel. En résumé, Michel Hazanavicius offre un film populaire sur une figure des plus élitistes.

Dans les coulisses d'une série Z

Le film Coupez !  fait l’ouverture du Festival de Cannes, le 17 mai 2022, et sort en salles le même jour. Michel Hazanavicius pastiche cette fois une comédie horrifique japonaise, Ne coupez pas !, réalisée par les étudiants d’une école d’art japonaise. À l'origine, le film ne devait sortir que pour une semaine dans un cinéma d'art et d'essai de Tokyo. Le bouche-à-oreille et son succès au Festival d'Udine le propulse à l'étranger, avant d'être repéré par Michel Hazanavicius.

Du sang, des bruits de gorges tranchées, de la musique rock and roll... La bande-annonce plante le décor : le tournage d'un film d'horreur de série Z. Acteurs et équipe technique sont complétement désabusés, seul le réalisateur semble encore y croire. Coupez ! aborde le film en lui-même - mauvais, avec un scénario abracadabrant, des discours qui sonnent faux, des maquillages peu convaincants ... - puis le making of et les coulisses de tournage. Un hommage là encore, mais cette fois spécifiquement dédié aux réalisateurs de cinéma. 

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