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"Un an après" : mai 68 vu par Anne Wiazemsky

Le plus délicieux, dans "Un an après" ? Le contraste assumé entre la narratrice (double de l'auteur Anne Wiazemsky) et un mai 68 décidément trop dépenaillé pour elle. Ajoutons-y les postures révolutionnaires de son mari Jean-Luc Godard : assaisonnement parfait pour un récit souvent cocasse.
Article rédigé par franceinfo
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L'écrivain Anne Wiazemsky
 (sacha)

Les lecteurs "d'Une année studieuse" retrouvent ici, "Un an après", la même héroïne :  Anne Wiazemsky, puisque ce récit est largement autobiographique.

A 21 ans, l'étudiante a définitivement abandonné la philo pour faire l'actrice. Mariée à Jean-Luc Godard, elle a emménagé avec lui dans un petit nid d'amour rue Saint Jacques, dans le Ve arrondissement parisien.

Aux premières loges dans le Quartier Latin

Autant dire qu'ils sont aux premières loges quand éclate la révolte estudiantine de mai 68, dans le Quartier Latin. Avec deux amis, ils dînent au très chic restaurant de la Méditerranée lors de la prise du théâtre de l'Odéon, juste en face.

Quelques étudiants s'approchent ce soir-là de l'établissement et menacent d'en briser les vitres. Un vieux client s'étrangle de rage : "Sales petits cons ! Qu'on les flanque tous en prison avec leur révolution !"... Et se fait insulter par Godard, furieux d'être, ce soir-là, du mauvais côté de la lutte des classes.

La révolution en patin à roulettes

Ce décalage fait la force comique du roman. Transports publics paralysés et pénurie d'essence ? Anne sillonne le Quartier Latin en patins à roulettes et s'amuse plus que Jean-Luc, toujours furieux de rater le train en marche.

Un peu plus tôt, la jeune actrice avait trouvé le moyen d'aller bronzer quelques jours dans une maison paradisiaque du Lavandou appartenant aux Lazareff (Hélène et Pierre, le patron de France-Soir), dans l'attente d'un Festival de Cannes qui n'aura pas lieu.

D'autant que son époux aura tout fait (avec quelques autres) pour le saboter. Mission accomplie, lorsqu'il passe la chercher au Lavandou, il constate atterré que son épouse arbore un teint abricot jurant avec la pâleur révolutionnaire de rigueur.

Retour à Paris, où mai s'achève sur la contre-manifestation gaulliste sur les Champs-Elysées. En tête de cortège, le grand-père d'Anne, François Mauriac, côtoie André Malraux. "On aurait dit un gâteux donnant le bras à un drogué, ou l'inverse", conclut peu charitablement sa descendante.

Une Rome digne de La Dolce Vita

En juin, départ du couple à Rome, où Marco Ferreri, puis Pier Paolo Pasolini proposent à Anne des rôles fabuleux. Godard, lui, s'acharne à saccager les dîners dans une capitale italienne digne de la Dolce Vita, où Marcello (Mastroïanni) s'invite par surprise. 

Les cinéphiles apprécieront les fugitives apparitions de Philippe Garrel présentant son premier film, "Marie pour Mémoire" (qui fit dire à Godard : "il y a Garrel maintenant, je n'ai plus besoin de faire de films"), ou de Carmelo Bene.

Comme le précédent, ce roman d'Anne Wiazemsky se dévore avec le plaisir ambigu de découvrir, sous leur pire ou leur meilleur jour, quelques génies du cinéma. A commencer par l'insupportable Godard. La suite l'an prochain?

"Un an après", Anne Wiazemsky
Gallimard, 208 pages, 17,90 euros

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