Miren Arzalluz, défenseuse du patrimoine de la mode, dynamise le Palais Galliera
À la tête du Palais Galliera, le musée parisien de la mode, l'historienne de l'art Miren Arzalluz a appris à jongler avec les pressions du secteur et s'en amuser... en défilant notamment pour Balenciaga.
Depuis sa nomination fin 2017, elle a doublé la surface d'exposition du musée et créé une collection permanente. Prochain objectif : fonder d'ici à 2025 une société des amis du musée, dit-elle lors d'un entretien à l'AFP. "Nous espérons que cela va nous aider à attirer des personnes intéressées par le versant patrimonial de la mode."
Les nouveaux espaces d'exposition du Palais Galliera ont été inaugurés il y a deux ans sous le patronage de la maison Chanel et ont été ouverts avec une exposition consacrée à Gabrielle Chanel. Ont suivi des expositions consacrées au magazine Vogue, au couturier Alber Elbaz, à Frida Kahlo et actuellement à Paolo Roversi.
"La professionnalisation du patrimoine des maisons de couture me semble être une excellente nouvelle. Cela nous aide tous", déclare cette historienne née en 1978, fille de l'homme politique Xabier Arzalluz (1932-2019), figure du Parti nationaliste basque. "Mais nous avons besoin de fonds pour continuer à acquérir des œuvres et, bien sûr, nous sommes une institution publique, avec un budget non négligeable, mais limité", ajoute-t-elle.
"Nous insistons toujours sur le fait que nous sommes un musée public"
Les grandes maisons de luxe installées à Paris ont créé au fil des ans leur propre musée ou des espaces d'exposition permanente, comme Saint Laurent ou Dior, et font désormais partie de l'itinéraire touristique de la capitale.
Le chiffre d'affaires de la mode en France est d'environ 154 milliards d'euros par an, selon les chiffres de la Fédération de la couture et du prêt-à-porter. Le poids de la mode de luxe dans le secteur est considérable et cette pression se fait également sentir lorsqu'il s'agit d'organiser des expositions au sein du musée, souligne Miren Arzalluz. "Nous insistons toujours sur le fait que nous sommes un musée public et que, par conséquent, les décisions finales nous appartiennent. Cette indépendance scientifique et déontologique n'est pas négociable. Mais cela ne veut pas dire que nous ne ressentons pas de pression", déroule-t-elle.
Les grandes marques "veulent savoir qui nous allons mettre ou quel créateur va être plus ou moins représenté dans une exposition", ajoute-t-elle. "Elles sont très conscientes du prestige des musées et de leur rôle par rapport à leurs propres collections".
"J'étais curieuse de découvrir l'autre côté de la barrière"
En 2010, l'historienne a publié une biographie de Cristóbal Balenciaga et a récemment conseillé les créateurs de la série espagnole qui lui est consacrée sur la plateforme Disney+. En octobre, elle a également défilé pour la maison, à la demande de l'actuel créateur, le Géorgien Demna Gvasalia. Un épisode "exceptionnel" dans sa carrière, confie-t-elle en souriant. "D'un point de vue personnel, j'étais terrifiée, mais en tant qu'historienne, j'étais curieuse de découvrir l'autre côté de la barrière."
Cristóbal Balenciaga était réputé pour son extrême discrétion et son obsession du vêtement artisanal. Si le créateur basque regardait aujourd'hui comment fonctionne le monde de la mode, "je pense qu'il nous regarderait comme si nous étions tous fous", pense Mme Arzalluz.
Mais le monde des podiums, envahi par les influenceurs ou les stars de la musique, correspond au fond à l'obsession du secteur de "se renouveler complètement", admet-elle.
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