"Ce qui est très intéressant, c'est d'explorer les artistes femmes à travers le prisme de Maria Grazia et Christian Dior" : La Galerie Dior, un musée vivant

Depuis 2022, la Galerie Dior jouxte la boutique Dior du 30 avenue Montaigne à Paris qui abrite les ateliers de la maison où sont nées pendant soixante-dix ans les collections. Ce lieu témoigne de l’audace visionnaire de Christian Dior et de ses successeurs.
Article rédigé par Corinne Jeammet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Nouvelle exposition à la galerie Dior à Paris en 2023 : la salle Les Jardins enchantés (Adrien Dirand)

Lieu d’art(s) et de mémoire, de Christian Dior à Maria Grazia Chiuri, ce musée incarne aussi bien l’esprit de la couture parisienne que l’aura d’une maison en perpétuel mouvement. La nouvelle rotation (exposition), qui mêle histoire et ADN, accueille les collaborations entre Dior et les artistes femmes. Riche et spectaculaire.

Ici les œuvres de Lillian Bassman, Elina Chauvet, Judy Chicago, Maya Goded, Constance Guisset, Katerina Jebb, Eva Jospin, Brigitte Lacombe, Claude Lalanne, Sarah Moon, Brigitte Niedermair, Shourouk Rhaiem, Niki de Saint Phalle ou Yuriko Takagi se succèdent au fil des salles, proposant un voyage poétique et une lecture inédite de l’histoire de la maison.

"C'est la première fois depuis l'ouverture de la Galerie que l'on fait une rotation avec un fil rouge. Il est dédié à la collaboration entre la maison Dior et les artistes femmes" explique la commissaire d'exposition qui souligne que, depuis son arrivée, la directrice artistique utilise la création comme une plateforme pour mettre en avant des femmes artistes. "Pour Maria Grazia, un défilé est une œuvre chorale. Depuis son premier show, elle intègre dans cette équation de pluralité des artistes femmes presque à chaque collection et de façon très diversifiée. Cela va être une intervention sur la scénographie, un message sur des T-shirts, une inspiration sur une collection, un geste de performance... Ce qui était très intéressant, c'était d'explorer la pluralité de ces artistes femmes à travers le prisme de Maria Grazia mais aussi à travers les directeurs artistiques précédents, à commencer par Christian Dior" ajoute Hélène Starkman, responsable des projets culturels de la maison Dior qui sera notre guide.

"We should all be feminists"

Dès le rez-de-chaussée, dans le hall d'entrée, le ton est donné : une photo de Brigitte Niedermair interpelle le visiteur, comme un manifeste. "Pour sa première collection chez Dior, Maria Grazia reprend le We should all be feminists, phrase de l’auteure nigériane et icône du féminisme, Chimamanda Ngozi Adichie" explique la commissaire qui insiste sur le fait que la directrice artistique "va alors avoir une voix. C'est le message de son premier défilé, de mettre le féminisme au cœur de son travail".

Pour rejoindre le premier étage, un escalier en colimaçon de marbre blanc - au centre d'un atrium présentant 1422 objets Dior en version miniature (robes, sacs, chaussures, flacons de parfum... ) déclinés dans toutes les couleurs de l'arc-en-ciel - marque, de façon spectaculaire, le point de départ de l'exposition, qui effectue une rotation tous les six mois. Depuis la première salle qui aborde la vie du couturier et son époque - où les archives sont nombreuses tant vestimentaires qu'iconographiques -, jusqu'à la sortie, la parcours labyrinthique révèle de nombreuses surprises.

La première salle Christian Dior (1905-1957) explore comment il est devenu Christian Dior au travers du prisme des femmes. Avant même qu’il n’esquisse ses premiers croquis, il vouait une passion inconditionnelle à l’art. Tissant, lors de ses rencontres, de sincères amitiés et fascinations, il devient d’abord galeriste. Devenu couturier, il s’inspire de ces affinités, en invoquant notamment, dans ses collections, la musique, la littérature, la peinture et l’architecture. "Pour Christian Dior, en fait ce n'est pas vraiment des collaborations artistiques, on est plutôt sur ses muses, qui étaient les femmes qui l'ont inspiré, qui l'on construit. On représente, par exemple, trois des mannequins les plus importants dans la carrière de Dior" précise Hélène Starkman. Ici on s'arrêtera devant, entre autres, la robe Madeleine dédiée à la mère du couturier. C'est une répétition patrimoniale, c’est-à-dire que les ateliers Dior reproduisent des modèles d'époque que la maison ne détient pas en archives. 

Nouvelle exposition à la galerie Dior à Paris en 2023 : la salle consacrée à Christian Dior (Adrien Dirand)

"Voir ses robes dans le mouvement de la vie"

À partir de la seconde salle, on entre vraiment dans ce parcours thématique qui montre comment la mode de Dior inspire les artistes femmes de 1947 à aujourd'hui. Dans la salle intitulée Les Jardins enchantés, il faut impérativement s'arrêter devant les panneaux photographiques, en papier de coton, de la Japonaise Yuriko Takagi. Il y a dans son travail une poésie incroyable, elle a capturé chaque mannequin, une fleur dans la main, dans un mouvement. "Elle s'est intéressée à une phrase de Christian Dior où il disait que, pour lui, le plus important était de voir ses robes dans le mouvement de la vie. C'était la première fois que Yuriko Takagi photographiait de la haute couture. Elle avait envie de donner à ces robes ce mouvement mais avec toutes les contraintes liées à des pièces d'archives, il était limité. Elle a choisi pour mannequins, des ballerines qui se tiennent sur les pointes. Cela explique la grâce de leur mouvement. La photographe a également utilisé des poses lentes" ajoute Hélène Starkman.

Nouvelle exposition à la galerie Dior à Paris en 2023 : la salle Les Jardins enchantés (Adrien Dirand)

Dans la salle suivante L'allure Dior consacrée au couturier et à ses successeurs à la tête de la maison - Yves Saint Laurent, Marc Bohan, Gianfranco Ferré, John Galliano, Raf Simons et Maria Grazia Chiuri - propose une vidéo et un modèle emblématique pour chacun. En face desquels se trouvent sept étranges et énigmatiques portraits scanographiques ( photographie au scanner) grandeur nature de la photographe britannique Katerina Jebb.

La visite se poursuit avec le bureau de Monsieur Dior, puis une autre pièce au plancher de verre où l'on aperçoit reconstituée la cabine où les mannequins étaient maquillés.

Nouvelle exposition à la galerie Dior à Paris. 2023 (Adrien Dirand)

Un peu plus loin une autre salle, Miss Dior : la naissance du prêt-à-porter montre la première ligne de prêt-à-porter de la maison de 1967 à 1975, une autre facette du style Dior.

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Nouvelle exposition à la galerie Dior à Paris. 2023 (Adrien Dirand)

Un peu plus loin la salle Les affinités artistiques offre un focus sur Niki de Saint Phalle avec qui Marc Bohan avait noué une amitié. Il dessinera des modèles pour cette artiste dont il collectionnera les œuvres et même ils collaboreront. "On a trois modèles qui ont appartenu à Niki de Saint Phalle" insiste la commissaire.de l'exposition en nous montrant des croquis "là, elle dessine un imprimé, lui en fait un modèle. Puis elle le porte et voici la réinterprétation de Maria Grazia pour le printemps été 2018".

Nouvelle exposition à la galerie Dior à Paris. 2023 (Adrien Dirand)

"Travail autour du féminicide"

La salle suivante Les Ateliers, évoque le lieu ou naît les collections. Ce sont les toiles blanches, expressions en volumes d'un croquis, qui donnent vie aux modèles haute couture. Ici, l'artiste mexicaine Elina Chauvet et un groupe de 16 brodeuses ont apposé leurs mots et symboles, tous cousus de fils rouges sur ces toiles blanches confectionnées dans les ateliers parisiens. "Cette artiste travaille autour du féminicide, c'est l'histoire de sa sœur. Habituellement, elle propose des installations de chaussures rouges" explique Hélène Starkman. Ici cette œuvre dénonce l'invisibilité des femmes victimes de violence, objet d'une performance lors du défilé Dior Croisière 2024 à Mexico.

Nouvelle exposition à la galerie Dior à Paris. 2023 (Adrien Dirand)

Suivront d'autres salles - La Parisienne, Le pouvoir de l'or, L'esprit XVIIIe, Le Bal Dior, Miss Dior, Les stars en Dior - avant en fin de parcours, l'incroyable cabinet de curiosités recélant de multiples trésors dont les réinterprétations du sac Lady Dior - signées par les créatrices des éditions de Dior Lady Art - qui se dévoilent au sein de cette Chambre aux merveilles, sorte de cabinet de curiosités revisité ! 

Nouvelle exposition à la galerie Dior à Paris. 2023 (Adrien Dirand)

Exposition jusqu'au 13 mai 2024. La réservation d’un créneau horaire est recommandée sur le site galeriedior.com (11, rue François 1er. 75008 Paris). La galerie est ouverte tous les jours sauf le mardi de 11h à 19h.

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