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Témoignages "J'aime regarder les matchs même si j'ai un peu honte, alors j'évite d'en parler" : entre amis ou en famille, la Coupe du monde au Qatar divise

Le Mondial, boycotté par certains en raison des nombreuses aberrations qui entourent la compétition, se déroule dans un contexte parfois tendu.

Article rédigé par Paolo Philippe
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Des supporters de la France dans un bar, le 26 novembre 2022 à Toulouse (Haute-Garonne). (VALENTINE CHAPUIS / AFP)

Julien pensait bien faire. Alors qu'il se trouvait à Doha pour soutenir l'équipe de France, ce Parisien a envoyé à un groupe d'amis un cliché de lui en compagnie de son frère, drapeau de la France sur le dos devant l'un des stades qui accueillent la Coupe du monde au Qatar. La réaction de certains a été immédiate. "J'ai reçu un flot de messages inadmissibles, c'est triste. On m'a dit que j'engraissais la Fifa, que je participais au système et que je tuais des pauvres Pakistanais [en référence aux 6 500 ouvriers morts sur les chantiers du Mondial, selon une enquête du Guardian]", raconte dimanche 27 novembre par téléphone Julien depuis l'aéroport de Doha, d'où il embarque pour la France.

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Ce fan de football, qui a déboursé près de 1 500 euros et passé cinq jours au Qatar pour assister aux deux premiers matchs des Bleus, avait pourtant prévenu ses copains. "On s'était vus avant que je parte, alors j'ai été surpris par une telle réaction", commente-t-il. Julien, comme les autres personnes interrogées, a répondu à l'appel à témoignages lancé par franceinfo à propos des tensions créées par ce Mondial et des appels au boycott qu'il a engendrés.

"J'ai tenté de leur répondre, mais quand on parle à un mur... Alors je leur ai dit au revoir. On se reparlera sûrement, mais si je leur raconte mon voyage, ça va jeter un froid", explique Julien. Il a opté pour une solution simple. Filtrer ses amis sur Instagram, où il a posté des photos de Doha et des matchs du Mondial au stade. "J'ai préféré enlever de mes stories ceux qui appelaient au boycott plutôt que d'avoir des débats à longueur de journée".

"C'est non négociable"

Françoise, elle, fait profil bas. "J'aime bien regarder les matchs même si j'ai un peu honte, alors j'évite d'en parler", raconte cette Limougeaude de 76 ans, qui s'était pourtant promis de boycotter la Coupe du monde. "Mon entourage est vent debout, et on me dit que c'est bien beau d'avoir des bonnes paroles mais qu'il faut passer aux actes. J'ai toujours droit à mon petit chambrage", confesse Françoise, qui a décidé de se cacher pour regarder les rencontres. "Si on m'appelle et qu'on me demande si je regarde le match, je réponds que non", rigole celle qui préférerait dire à ses proches qui n'aiment pas le foot qu'elle "li[t] la Pléiade".

Alors que les deux premiers matchs des Bleus ont réuni plus de 11 millions de téléspectateurs, un sondage du Parisien réalisé avant le début de la compétition annonçait que 54% des Français interrogés ne comptaient regarder aucun match. Yvann était de ceux-là. Supporter du FC Nantes et passionné de foot, il n'a pas "loupé une Coupe du monde depuis 1998". Il a pourtant décidé de boycotter l'édition 2022, dégoûté par les nombreuses aberrations humaines, sociales et écologiques de l'événement. Un choix pas toujours compris par ses proches.

"Lors d'un repas de famille, j'ai été obligé de me justifier, et certains, dont mon frère, m'ont dit que c'était n'importe quoi, qu'il fallait boycotter avant."

Yvann, passionné de football

à franceinfo

Samedi, Yvann était invité chez des amis, qui ont allumé la télévision pour regarder France-Danemark. "Je ne pouvais pas leur dire d'éteindre la télé, alors je n'ai rien dit et j'ai fait semblant, mais je n'étais pas hyper à l'aise."

Ceux qui ont annoncé boycotter la compétition le feront-ils jusqu'au bout ? Marie-Aude en est persuadée. Les jours de matchs, son mari et son fils, fans de football, sont obligés de quitter la maison pour regarder les Bleus. "Il n'y aura pas un match sous mon toit", assure celle qui ne veut "pas donner de l'argent à un pays qui ne respecte pas les droits humains et LGBT+"

"Au début, mon fils et mon mari ne me prenaient pas au sérieux, mais ils ont compris. Il y a eu du débat, mais c'est non négociable", explique cette habitante de Carcassonne (Aude), fan de rugby par excellence. "Si ça avait été du rugby, ç'aurait été plus compliqué", plaisante-t-elle. Cette mère de famille fera-t-elle une entorse à ses valeurs si les Bleus vont jusqu'en finale ? "Mon mari m'a posé la même question, et je lui ai répondu non."

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