Coupe du monde 2022 : qui est Mario Ferri, l'activiste qui a traversé la pelouse de Portugal-Uruguay avec un drapeau arc-en-ciel ?
Ce qui a commencé comme une blague est devenu pour cet Italien de 35 ans une source de revenus et le moyen de diffuser des messages de plus en plus politiques.
L'Ukraine, les femmes en Iran et la communauté LGBT. Un homme portant un drapeau arc-en-ciel a pénétré lundi 28 novembre sur la pelouse durant la rencontre du Mondial entre le Portugal et l'Uruguay, à Doha. Sous le "S" de Superman de son tee-shirt bleu, on pouvait lire "Save Ukraine" ("Sauvez l'Ukraine"). Dans son dos s'étalait un message de soutien aux Iraniennes ("Respect for Iranian Woman", sic). Appréhendé après son coup d'éclat, il a été rapidement relâché, comme il l'a annoncé mardi après-midi sur les réseaux sociaux. Franceinfo revient sur le profil de ce spectateur adepte des intrusions en plein match. La première lors de la Coupe du monde au Qatar.
Un activiste italien passionné de football
Si les caméras ont soigneusement évité de le filmer, les quelques photos qui ont très vite circulé laissent peu de place au doute. Il s'agit de Mario Ferri, un Italien surnommé "Le Faucon". Une information confirmée par l'agence italienne AGI et par l'intéressé qui, sur son compte Instagram, a posté des images du stade où se jouait la rencontre Portugal-Uruguay. "La Fifa a interdit les brassards de capitaine arc-en-ciel et les drapeaux des droits de l'Homme dans les tribunes, ils ont bloqué tout le monde, mais pas moi", a écrit Mario Ferri sur son compte Instagram, estimant qu'"enfreindre les règles pour une bonne cause n'est jamais un crime."
C'est l'Italien Mario Ferri "Il Falco" qui a envahi la pelouse durant #PORURU (via Getty). Loin d'être sa première fois. Entre autres :
— GuillaumeMP (@Guillaumemp) November 28, 2022
- Inter-Mazembe (finale Mondial des clubs)
- Samp-Napoli, 2010
- Belgique-USA, Mondial 2014
- Napoli-Juve 2017, écharpe lancée à Higuain pic.twitter.com/sNmz9o73Qp
Agé de 35 ans, natif de Montesilvano, une commune des Abruzzes où ses exploits lui ont déjà valu d'être placé en résidence surveillée, Mario Ferri a commencé à fouler les pelouses en plein match en 2007. "Il y a trois motifs. Le premier, et je suis honnête, reste le défi personnel. J'avais presque une obsession et j'arrivais toujours à échapper aux contrôles. J'ai toujours aimé le risque. Puis mes invasions ont toujours eu des significations et des causes particulières", expliquait-il en 2012, au site consacré au Milan AC, milannews (en italien).
Ce fan de foot se fait connaître en 2009 à l'occasion d'un match de la sélection italienne à Pescara, près de chez lui. "Cela a commencé par un pari à table avec des amis", raconte-t-il. Admirateur du joueur Antonio Cassano, il veut faire passer un message au sélectionneur Marcelo Lippi qui ne l'appelle pas au sein de la Squadra Azzura. "J'ai décidé de le faire et finalement, j'ai même eu de la chance, car cette action a rencontré un grand succès", assure-t-il. Pourquoi ce tee-shirt Superman qu'il porte toujours lorsqu'il s'élance sur une pelouse ? Le hasard. "En vérité, je cherchais le maillot de Cassano de l'équipe nationale, mais, ne le trouvant pas, j'ai choisi le bleu de Superman. Tout le monde à cet âge a ce t-shirt", révèle-t-il.
Il s'invite sur les pelouses de tous les grands événements
Sa passion pour Antonio Cassano le pousse à investir la pelouse de la demi-finale du Mondial 2010, entre l'Espagne et l'Allemagne, en Afrique du Sud. En plus du message de paix, on peut lire sur ton t-shirt bleu "Lippi, je te l'avais dit", alors que l'Italie, tenante du titre, vient d'être éliminée en poules.
La même année, il envahit le terrain lors de la finale du Mondial des clubs, à Abu Dhabi, entre l'Inter Milan et le Tout-Puissant Mazembe (République démocratique du Congo), avec le slogan "Free Sakineh", en référence à l'Iranienne Sakineh Mohammadi Ashtiani, condamnée à mort par lapidation pour adultère et complicité de meurtre de son mari. Il avait aussi été arrêté par les autorités locales.
En 2011, il commet de nouveau une infraction lors de la finale de la Ligue des champions. Trois ans plus tard, lors de la Coupe du monde au Brésil, il entre sur le terrain pendant Belgique-Etats-Unis, avec son traditionnel t-shirt sur lequel on peut lire les inscriptions "Sauvez les enfants des favelas" et "Ciro Vive", en hommage à Ciro Esposito, un supporter de Naples tué peu de temps auparavant. Autre fait d'armes, une écharpe balancée en 2017 à l'attaquant Gonzalo Higuain, qui a quitté Naples pour la Juventus, pour dénoncer la "trahison" du joueur argentin.
Il a fait fructifier sa petite notoriété
Ses coups d'éclat ont apporté à Mario Ferri célébrité et confort économique. "Des choses positives" lui sont arrivées, "surtout au niveau économique", avance à milannews celui qui totalise plus de 130 000 followers sur Instagram. "Maintenant, je suis quelqu'un, j'organise des événements et soirées, je suis propriétaire d'un restaurant et je suis directeur artistique dans des discothèques", se félicite l'Italien, qui a aussi connu une expérience en tant que joueur. Il possède sa propre page sur le site spécialisé Transfermarkt et a pu jouer un tour préliminaire de Ligue Europa Conférence avec l'équipe de "Tre Fiori" de Saint-Marin.
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Il mène aussi des actions humanitaires
Son action prend aussi parfois des accents plus politiques. Durant la guerre en Ukraine, profitant d'une pause dans son agenda, il part sur place prêter main forte aux civils. "Un ami ukrainien m'a appelé et comme ça, au lieu de passer des heures devant la télé ou l'ordinateur, j'ai décidé de partir", déclare-t-il en mars à La Gazzetta dello Sport (en italien). "Je me suis mis à disposition des volontaires de Leopoli, un groupe de jeunes qui ont tous moins de 25 ans et je fais des allers-retours avec ma voiture. Jusqu'ici, j'ai mis en sécurité une dizaine de personnes", assure-t-il.
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En octobre, il était au Burundi pour aider les enfants : "Mon histoire ici ne fait que commencer, je reviendrai sûrement, je continuerai sûrement à les aider même de loin et je continuerai certainement à vivre une vraie vie, c'est-à-dire celle de voyager, d'aider les plus faibles, de sentir l'adrénaline d'un danger. Je veux vivre comme ça, libre."
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