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Coupe du monde 2022 : l’équipe de France avance-t-elle sur les mêmes traces que ses échecs de 2002 et 2010 ?

Décevants sur le plan sportif, bousculés sur le plan extra-sportif, mais aussi par des forfaits en cascade, les Bleus ne sont pas dans de bonnes dispositions avant de débuter leur Mondial, mardi, contre l'Australie.
Article rédigé par Andréa La Perna, franceinfo: sport - De notre envoyé spécial à Doha
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Didier Deschamps et son adjoint Guy Stéphan à l'entraînement de l'équipe de France, à Clairefontaine, le 14 novembre 2022. (MATTHIEU MIRVILLE / AFP)

L'équipe de France a beau être championne du monde en titre, il flotte dans l'air un parfum de chaos. Pas question cette fois d'évoquer la malédiction qui frappe les champions du monde, tous tombés dès la phase de groupes de l'édition suivant leur sacre au XXIe siècle, excepté le Brésil en 2006. Des éléments tangibles, bien éloignés de tout ce mysticisme, ont fait naître une forme d'inquiétude autour des Bleus.

D'un point de vue purement sportif, l'année 2022 s'est plutôt mal passée, avec une relégation évitée de justesse en Ligue des nations, des blessures de cadres en pagaille et une impossibilité à bâtir un projet de jeu stable. Ajoutez à cela un contexte extra-sportif pesant, de l'affaire des frères Pogba à la renégociation forcée de la convention des droits à l'image, en passant par les révélations accablant la présidence de Noël Le Graët à la tête de la Fédération française de football. Les plus alarmistes y verront des points communs dans l'approche des deux derniers naufrages tricolores, lors des Coupes du monde 2002 et 2010.

Zinédine Zidane lors de son seul match à la Coupe du monde 2022, face au Danemark, le 11 juin 2002, à Incheon, en Corée du Sud. (PASCAL GUYOT / AFP)

Comme en 2002, la France se présente avec un statut de champion du monde à défendre et a posé ses valises chez le pays hôte avec des cadres en pleine convalescence. Si Raphaël Varane sera bien disponible contre l'Australie, mardi, Karim Benzema, lui, a dû déclarer forfait samedi soir, à cause d'une nouvelle blessure, cette fois au quadriceps. Il n'y aura même pas l'espoir que Zinédine Zidane avait laissé en 2002, foulant la pelouse au bout du troisième et dernier match de poules, face au Danemark.

Quelques points communs, beaucoup de divergences

Comme en 2010, c'est une équipe un peu perdue sur le plan sportif qui aborde la compétition. L'effectif de Didier Deschamps n'a remporté qu'un seul de ses six derniers matchs et on sent venir la fin d'un cycle pour celui qui a fêté il y a quelques mois ses dix ans à la tête de l'équipe nationale. Il y a douze ans, le Mondial en Afrique du Sud avait coûté son poste à Raymond Domenech, mais aussi au président de la FFF, Jean-Pierre Escalettes. L'affaire Zahia, le climat extrêmement tendu avec la presse et la polémique autour du luxueux camp de base à Knysna avaient gâché tout espoir de bien figurer.

Journaliste football au journal L'Equipe depuis 1995, Vincent Duluc voit plus de différences entre ces deux échecs et la situation actuelle des Bleus que de points communs. "En 2002, les Bleus arrivent champions du monde, champions d’Europe en titre, au moment où leur vie est celle des Beatles. Absolument rien n'annonçait ce qui allait arriver. Jusqu'à la blessure de Zidane, quatre ou cinq jours avant le match d'ouverture contre le Sénégal, la seule mauvaise nouvelle, c'était la blessure de Robert Pirès au printemps."

D'après lui, le rapprochement entre 2010 et 2022 reste pertinent en ce qui concerne la crise au sein de la FFF, mais la différence majeure tient au fait que Didier Deschamps n'est pas Raymond Domenech. "C'est vrai que Didier Deschamps sort d'un Euro raté, qui est son premier échec personnel avec les Bleus. Mais je ne trouve pas chez lui les signes avant-coureurs d'un échec. Quand un sélectionneur ou un entraîneur se trouve en difficulté, qu'il se rapproche de la fin, il s'invente des complots, il est tendu. Deschamps n'en est pas là."

Le sélectionneur Raymond Domenech, à l'entraînement de l'équipe de France de football lors de la Coupe du monde 2010, à Knysna, en Afrique du Sud, le 21 juin. (PATRICK HERTZOG / AFP)

"Rien n'annonce l'échec, ni la victoire"

L'historien François Da Rocha Carneiro, auteur de Les Bleus et la Coupe (Détour, 2022), n'a pas repéré assez d'éléments négatifs pour légitimer ce sentiment largement partagé d'inquiétude : "Absolument rien n'annonce l'échec, ni la victoire. En même temps, c’était pareil en 2018. On pouvait être inquiets en 1982, surtout avec l’ambiance qui régnait au milieu de terrain, et on a été surpris par l’exploit [d'aller en demi-finales et de cette manière]. On pouvait aussi être inquiets en 1998, avoir peur des grèves des transports en commun pour une Coupe du monde organisée à domicile, d’éventuels attentats, de la gestion des hooligans, au moment où le principal quotidien sportif vous a dans le pif." Avant le début de la compétition, la grande majorité des parieurs font de la France la deuxième ou troisième équipe la plus probablement sacrée en décembre, derrière le Brésil et parfois l'Argentine. 

Journaliste au service des sports de France Télévisions, Manuel Tissier, se montre un brin moins optimiste. Celui qui se trouvait au cœur des Bleus en 2010 craint que les affaires extra-sportives empoisonnent leur Mondial 2022 : "Même s’il n’est pas dans l’état de Domenech à l’époque, Deschamps est beaucoup moins fort qu’il ne l’était il y a quatre ans. A l’époque, il était aussi le seul champion du monde du groupe France, maintenant il y en a dix autres. Des joueurs comme Mbappé pèsent plus lourd que lui aujourd’hui. Je me demande s’il va réussir à avoir une autorité aussi implacable qu’en 2018", ajoute-t-il, pronostiquant un fiasco.

Pour Vincent Duluc, l'équipe de France a toutes les cartes en main pour éviter un tel dénouement. Pour cela, elle doit se débarrasser de trois "illusions" : celle "qu'on peut gagner une Coupe du monde uniquement grâce à son attaque", celle qui mène à penser "que tout joueur est remplaçable" et enfin "que les blessés vont être en pleine forme" pendant la compétition. Reste à savoir si la très courte semaine de préparation aura suffi à Didier Deschamps pour guider les siens dans la bonne direction.

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