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Vendée Globe : des bateaux de plus en plus rapides... et dangereux

Le Vendée Globe part dimanche depuis les Sables-d’Olonne. Trente-trois monocoques sont sur la ligne de départ pour un tour du monde sans escale et en solitaire. Parmi eux, les bateaux équipés de foils vont aller très vite.

Article rédigé par Jérôme Val
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Dotés de foils pour les faire voler au dessus de l'eau, ces bateaux du Vendée Globe, comme celui de Samantha Davies, sont plus puissants et les chocs plus dangereux à parer pour les marins. (VINCENT CURUTCHET / VENDEE GLOBE 2020)

Imaginez-vous dans une machine à laver en train d’essorer ou dans une maison montée sur ressort : bienvenue dans ces bateaux nouvelle génération où rien n’est stable, où même se tenir droit est impensable, malgré les mains courantes pour s’accrocher. Pour cette 9e édition du Vendée Globe, les bateaux équipés de foils, ces appendices sur le côté de la coque pour pouvoir voler au-dessus de l’eau, vont aller très vite. Mais ils sont aussi de plus en plus instables, inconfortables et même dangereux pour les marins à bord.

"On n’est jamais réellement debout parce qu’il n’y a pas la hauteur sous barreau, comme le raconte l’un des concurrents Sébastien Simon (Arkéa Paprec). On est très souvent assis, à genoux même parce que le bateau bouge trop, parce que les mouvements sont trop violents." Le navigateur raconte avoir souvent "une main en avant parce que quand le bateau a une forte accélération, souvent il y a une énorme décélération derrière, comme un coup de frein brutal en voiture. On dort les pieds en avant parce que si jamais le bateau tape dans une vague ou tape dans un objet, il ne faut pas se blesser."

Désormais, les bateaux, comme celui de Sébastien Simon, peuvent effectuer des pointes à 70 km/h. A cette vitesse, chaque choc peut avoir de graves conséquences pour les navigateurs. (YVAN ZEDDA / VENDEE GLOBE 2020)

Casque et genouillères, l'équipement recommandé

Dans ces petits espaces de quelques m² où il faut dormir, manger, faire sa stratégie de course, mieux vaut prendre ses précautions. Le skipper suisse Alan Roura (La Fabrique), le plus jeune de la flotte, part pour son 2e Vendée Globe. "On a moussé pas mal de choses à l’intérieur du bateau pour se protéger, explique-t-il. Il y a un vrai siège anti-chocs. Et je porterai un casque et des genouillères selon les conditions."

C’est dur à vivre à bord du bateau. C’est assez intense et quand ça avoine, il faut s’accrocher.

Alan Roura, skipper

à franceinfo

Quand un bateau dépasse les 25 nœuds (presque 50km/h) dans une mer démontée, avec des pointes à presque 40 nœuds (75 km/h), chaque mouvement est un danger. "Il y aura plein de petits bobos, assure l’un des favoris Jérémie Beyou (Charal), déjà trois Vendée Globe au compteur. Forcément, il y aura des entorses, des gros hématomes, des dents cassées, des doigts cassés." Le skipper reconnaît que "ces bateaux sont devenus tellement violents qu’en termes d’impacts, ça va être traumatisant. Il faudra faire attention. J’espère savoir où il faut que je me positionne dans le bateau et j’espère connaître par cœur les mouvements de mon bateau pour arriver à anticiper les mauvais coups."

Avant le départ, tous les participants comme le skipper Romain Attanasio ont suivi une formation médicale pour se soigner seul à bord en cas de blessure. (YVAN ZEDDA ALEA / VENDEE GLOBE 2020)

"Nos bateaux sont devenus les plus inconfortables que je connaisse, confie Kévin Escoffier (PRB) qui a pourtant plusieurs tours du monde à son actif. On n’a pas encore travaillé sur l’ergonomie de nos bateaux pour être anti-blessure. Il y a encore beaucoup d’endroits où on peut se cogner fort et se faire mal. La preuve, lors d’un entraînement à la fin du mois de septembre, nous avons tapé un objet et deux de mes équipiers se sont blessés sur ce choc-là."

Une nouvelle traumatologie crainte par les médecins

Avec ces bolides, les deux médecins du Vendée Globe craignent une nouvelle traumatologie, beaucoup plus grave que ce qu’ils ont connu jusqu’à présent. "On avait déjà des craintes lors du dernier Vendée Globe il y a quatre ans, mais là on a encore plus de craintes sur cette édition-là", alerte Laure Jacolot, médecin à l’hôpital de Quimper et qui sera l’une des référentes sur ce tour du monde. "C’est un peu un cercle vicieux, détaille-t-elle. Plus les bateaux vont vite, plus ils demandent de s’impliquer physiquement, plus ils demandent de la concentration et on sait très bien qu’avec le manque de sommeil, la vigilance sera moindre et donc les marins s’exposent à l’accident."

Une décélération brutale pourrait les projeter à une vitesse entre 30 et 40 km/h contre une surface contendante, ce qui pourrait créer des polytraumatismes.

Laure Jacolot, médecin

à franceinfo

Et cette praticienne espère qu’à l’avenir, l’aménagement de ces bateaux prendra mieux en compte la sécurité des marins. Sans rogner sur la performance.

Des bateaux de plus en plus rapides, et dangereux : écoutez le reportage de Jérôme Val

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