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"Personne n'a oublié" : 25 ans après la mort d'Eric Tabarly, les Pen Duick restent des monuments à protéger

Un quart de siècle depuis la dispariton du navigateur, ses proches veulent faire classer la flotte des Pen Duick aux monuments historiques.
Article rédigé par Jérôme Val
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
La flotte des Pen Duick photographiée le 1 octobre 2009 à Marseille. (GILLES MARTIN-RAGET)

Comme Éric Tabarly l'a écrit dans ses mémoires, sa vie aurait été différente sans Pen Duick. Pen Duick, c’est ce bateau de presque 18 mètres de long construit en 1898. Et c’est sur ce cotre à corne que le navigateur a appris à naviguer avec son père et qu’il a sauvé de l’abandon. "Sur le plan esthétique, je le trouve très joli, sa coque est belle, son gréement est beau. Tout l’ensemble fait que c’est un joli bateau sur lequel j’aime bien naviguer, parce que je m’amuse bien", expliquait dans une interview à la télévision le marin, disparu en mer il y a 25 ans jour pour jour en mer d’Irlande, le 13 juin 1998, au large du Pays de Galles, alors qu’il se trouvait à son bord. 

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Pen Duick veut dire "Petite tête noire" en breton. Ce nom évoque une dynastie : six bateaux au total. Éric Tabarly les a façonnés entre les années 1950 et 1970 et ces voiliers sont loin d’être oubliés. "Pen Duick égale bateau, se félicite Jacqueline Tabarly, la veuve du marin. On pense automatiquement à bateau quand on parle de Pen Duick. Il n’y a pas beaucoup de choses qui peuvent avoir ce titre. Quand on parle de bateaux et de Pen Duick aux personnes qui sont intéressées et intéressantes, les portes s’ouvrent".

Cinq bateaux sont toujours en activité

Seul Pen Duick IV, le premier trimaran océanique de l’histoire, a sombré en 1978 sous le nom de Manureva avec Alain Colas à son bord. Les cinq autres sont toujours en activité, ils naviguent toute l’année et sont amarrés à Lorient, au pied de la Cité de la voile Éric Tabarly. Mais avec différents propriétaires : la femme et la fille unique du navigateur, le ministère de la Défense, le ministère de la Jeunesse et des Sports… L’ambition du classement de toute la flotte aux monuments historiques vise donc à protéger ces bateaux.

"Il faut qu’ils restent au patrimoine français et sous pavillon français."

Arnaud Pennarun, le président de l’association Pen Duick

à franceinfo

"Le fait de classer les bateaux interdit les propriétaires de les revendre à l’étranger et leur impose des normes sur les types de réparation ou d’entretien à faire, explique Arnaud Pennarun. Tout ça est surveillé par les Monuments historiques. On souhaite que les bateaux restent dans leur état actuel". 

Arnaud Pennarun, skipper de Pen-Duick III, le 29 octobre 2022. (PAUL BESSEREAU / THE OPTIMIST FACTORY)

Les Pen Duick ne sont pas des bateaux comme les autres. Ils ont marqué l’histoire comme jamais aucun voilier ne l’avait auparavant. Ces bateaux, "le seul domaine qui me captive et qui alimente mes idées novatrices", livrait Tabarly, ont été un laboratoire. C’est lui qui a imaginé le premier monocoque conçu spécifiquement pour une transat en solitaire. Il a créé les ballasts pour équilibrer le bateau et le mât profilé. "J’ai fait le comparatif entre les Pen Duick et les Ultims d’aujourd’hui (les trimarans géants capables de voler), raconte Arnaud Pennarun. Évidemment, ils n’ont plus rien à voir en termes de technologies, mais je me suis rendu compte que les idées d’Éric se retrouvaient sur un Ultim. L’idée de départ était déjà sur les Pen Duick".

Toujours compétitifs

Les Pen Duick sont d’ailleurs loin d’être dépassés et tombés aux oubliettes. Arnaud Pennarun a pris le départ de la dernière Route du Rhum en novembre sur Pen Duick III (le bateau le plus titré de la flotte) et il a pu mesurer combien Éric Tabarly et ses Pen Duick ont pesé dans l’histoire de la course au large. "C’était un peu le test : est-ce que ça va marcher ? Est-ce que Pen Duick n’est pas dépassé ? Peut-être les gens ont-ils oublié qui était Éric Tabarly ? En fait, pas du tout : je suis le premier stupéfait de la quantité de retours que nous avons eus, et même de gamins sur le quai qui hurlaient : 'Pen Duick !'. C’était très étonnant. Je peux vous dire que ça fonctionne. Personne n’a oublié".  

Cette démarche d’inscription aux monuments historiques est longue. Elle pourrait aboutir à l’automne 2024.

Le reportage de Jérôme Val

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