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Qui est Gilles Beyer, l’ex-entraîneur de patinage artistique accusé de viols et d'agressions sexuelles ?

Cet ancien entraîneur est accusé par deux patineuses, dont l'ancienne championne Sarah Abitbol, de viols et d'agressions sexuelles ayant eu lieu entre la fin des années 1970 et le début des années 1990. 

Article rédigé par franceinfo
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Gilles Beyer, le 30 janvier 1999, pendant une conférence de presse aux championnats d'Europe de patinage artistique à Prague (République tchèque). (JACQUES DEMARTHON / AFP)

La justice s'est saisie du cas de Gilles Beyer, contre qui les témoignages s'accumulent. Après les révélations de l'ancienne championne multimédaillée de patinage Sarah Abitbol, le parquet de Paris a annoncé, mardi 4 février, l'ouverture d'une enquête pour viols et agressions sexuelles sur mineurs par personne ayant autorité sur la victime. 

Dans son livre Un si long silence, publié jeudi 30 janvier, Sarah Abitbol accuse l'ancien entraîneur, rebaptisé "Monsieur O.", de l'avoir violée alors qu'elle était âgée de 15 à 17 ans. Une autre ancienne patineuse, Hélène Godard, a également accusé, dans L'Obs, Gilles Beyer de l'avoir contrainte à des rapports sexuels à la fin des années 1970, alors qu'elle avait 13 et 14 ans. Franceinfo brosse le portrait de cet homme de 62 ans, qui a reconnu, dans une déclaration écrite à l'AFP, "des relations intimes" et "inappropriées" avec Sarah Abitbol.

Un ancien champion de France devenu entraîneur

Champion de France de patinage en 1978, Gilles Beyer a participé à trois championnats d'Europe et trois championnats du monde. Puis il s'est classiquement reconverti dans une carrière de coach, devenant entraîneur national, puis directeur des équipes de France. Dix fois championne de France et au sommet de sa gloire en l'an 2000, Sarah Abitbol est la plus connue de ses élèves.

Au début des années 2000, sur la base d'un signalement de parents, Gilles Beyer fait l'objet d'une enquête judiciaire qui n'aboutit pas, puis d'une enquête administrative, qui conduit le ministère des Sports à mettre fin à ses fonctions de cadre d'Etat, le 31 mars 2001. Néanmoins, il effectue plusieurs mandats au bureau exécutif de la Fédération française des sports de glace jusqu'en 2018 et il organise dans les années 2010 plusieurs tournées de gala de l'équipe de France de patinage artistique. Gilles Beyer parvient également à poursuivre sa carrière d'entraîneur dans son club parisien d'origine, les Français Volants, présidé par son frère Alain, jusqu'à son éviction vendredi 31 janvier. 

Un homme dépeint comme un prédateur

Dans son livre, Sarah Abitbol relate qu'un soir du début des années 1990, pendant un stage à La Roche-sur-Yon, son entraîneur, alors âgé d'une trentaine d'années, passe à l'acte, rapporte Le Parisien en s'appuyant sur le récit de l'ex-patineuse. Sarah est couchée sur son lit, il se penche vers elle : "Il sent l'alcool, il fourre sa langue dans ma bouche et sa main sous les draps", décrit-elle. "L'acte n'est pas isolé, reprend le quotidien. L'homme recommence à plusieurs reprises, dans des endroits parfois sordides."

L'ancienne championne l'accuse de l'avoir violée maintes fois entre 1990 et 1992. Depuis sa prise de parole, une seconde patineuse, Hélène Godard, a à son tour affirmé avoir été violée par Gilles Beyer dès l'âge de 13 ans.

Connu comme "déviant" dans le milieu

Comment le silence a-t-il pu régner si longtemps ? Depuis que l'omerta a été brisée, les témoignages se multiplient. Ainsi, Le Parisien raconte qu'à Annecy, en 1999, la médaillée de bronze aux championnats du monde de 1997, Vanessa Gusmeroli, fait part de ses doutes sur le comportement de Gilles Beyer à Didier Lucine, son entraîneur de l'époque. "Elle m'a dit qu'il se passait des saloperies dans le dortoir lors des stages", confie celui-ci au quotidien. Il fait remonter ce signalement, qui entraînera la suspension de Gilles Beyer de ses fonctions de cadre d'Etat en mars 2001. 

"Il pouvait être très difficile à gérer, se souvient Vanessa Gusmeroli aujourd'hui dans Le Parisien. Il mettait une main aux fesses en guise d'encouragements sympathiques dans les galas, nous appelait 'mes chéries' et interférait dans la vie des patineuses. Il était comme jaloux quand on avait un petit ami. Moi, je n'ai pas été directement victime de lui, mais je voyais des filles avec qui il était encore plus lourd." Le personnage était connu et identifié dans le milieu du patinage. "On était tous au courant du côté déviant de Gilles Beyer", affirme à son tour l'ancien danseur sur glace Gwendal Peizerat dans L'Equipe.

Accusé d'avoir harcelé une mère d'élève

Dernière révélation : la mère d'une jeune patineuse l'accuse de harcèlement sexuel et de chantage entre 2017 et 2018, selon un témoignage rapporté par L'Equipe (article abonnés) mercredi 5 février. L'affaire aurait commencé quand Nadjma Mahamoud, championne de France juniors en 2014, a voulu rejoindre à l'automne 2017 le club parisien des Français volants, où officiait alors Gilles Beyer. Dès la prise de contact, le dirigeant "a commencé à m'envoyer régulièrement des messages obscènes, raconte la mère de la patineuse, Sabina Mahamoud. Presque tous les jours."

Rapidement, Gilles Beyer serait allé jusqu'à lui demander des faveurs sexuelles en échange de cours gratuits. "Tu couches avec moi et tu ne paies rien et je fais monter ta fille à haut niveau…" lui aurait-il proposé. "Il savait que j'avais peu de moyens, il a voulu profiter de la situation. Je me sentais humiliée", raconte la mère de famille. 

Quelques jours après être tombée sur ces messages – qui la visent également parfois –, Nadjma Mahamoud décide de quitter le club et de s'éloigner du patinage. "Il envoyait des messages à ma mère où il fallait en gros se prostituer pour faire du haut niveau. Alors je suis partie. Je vivais pour le patinage depuis mes 3 ans et demi", confie la jeune femme, aujourd'hui âgée de 20 ans.

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