US Open : Un clash et des questions autour de la finale entre Serena Williams et Naomi Osaka
Geste, pénalités et match
Au bord de la crise de nerf. Alors qu’elle court après un 24e titre du Grand Chelem qui ferait d’elle l’égale de Margaret Smith Court, la plus titrée de l’histoire des joueuses, Serena Williams bute sur la dernière marche. Ce fût le cas en juillet à Wimbledon (défaite contre Angelique Kerber) et samedi à New York. Sous le poids de l’histoire et après des mois qui l’ont vu donner naissance à sa fille, passer très près de la mort et revenir au sommet, l’Américaine joue sous tension. Comme en 2016 au moment de rejoindre Steffi Graff et ses 22 titres majeurs. Serena vient de perdre le premier set quand la partie déraille. A 1-0 dans le second, Osaka mène 40-15 sur son service quand l'ex-N.1 mondiale reçoit un avertissement pour "coaching". L'arbitre portugais Carlos Ramos sanctionne un geste de son entraîneur Patrick Moratoglou que la joueuse n'a pas perçu. Se sentant victime d’une injustice et en pleine frustration, la joueuse entame de longues discussions avec l'arbitre de chaise. Le ton va monter. "Je ne triche pas pour gagner, je préfère encore perdre", se défend sur-le-champ l'Américaine. "C'est incroyable. Je n'ai pas reçu de coaching. Je n'ai jamais triché de ma vie. Vous me devez des excuses", reprend-elle au changement de côté, outrée. La goutte d’eau, c’est le point de pénalité donné quand elle fracasse sa raquette. Cette fois il est trop tard, Serena sort de ses gonds. "Vous attaquez ma personne. Vous avez tort. Vous n'arbitrerez plus jamais un de mes matches. Vous me devez des excuses. C'est vous le menteur", ne décolère-t-elle plus. "Vous êtes un voleur. Vous m'avez volé un point", l'accuse-t-elle. N’arrivant plus à contenir a furie verbale de l’Américaine, M.Ramos lui inflige un troisième avertissement, synonyme de jeu de pénalité. Deux jeux plus tard, Naomi Osaka enterre les rêves de la star américaine.
Y a-t-il eu coaching ?
C’est l’élément déclencheur de toute l’histoire. Des consignes données dans le dos de Serena Williams. "Est-ce que j'ai coaché ? Oui, j'ai coaché. J'ai fait des gestes", reconnaît Patrick Mouratoglou, l’entraîneur de Serena. Une pratique interdite mais que tout le monde outrepasse. "100% des coaches coachent sur 100% des matches, toute l'année, et tout le monde le sait. Dans 100% des cas que j'ai vus, on prévient d'abord la joueuse. Il ne l'a pas fait. S'il avait prévenu Serena, il n'y aurait pas eu d'incident invraisemblable inutile", a-t-il jugé sur Eurosport. "C'est très regrettable." Un geste anodin que les joueurs trouvent normal. "Patrick a admis avoir coaché et il est clair qu'il a essayé de lui dire quelque chose mais tout le monde coache, alors pourquoi ?", s'est interrogée la Française Kristina Mladenovic. Si cette polémique doit servir à quelque chose, qu’elle repose sur la table le sujet du coaching sauvage. Si, sur les tournois WTA (hors Grands Chelems), les joueuses peuvent demander l’assistance d’un coach une fois par set, ça n’a pas mis fin aux gestes en tribune. Faut-il les autoriser une bonne fois pour toutes ? La WTA pense que c'est nécessaire même s'il faut encore poursuivre les expérimentations. "Coacher devrait être autorisé en tennis. Ça ne l'est pas, et une joueuse se retrouve pénalisée pour une action de son entraîneur, ça ne devrait pas arriver", tranche l'emblématique Billie Jean King.
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Un arbitre qui fait du zèle ?
Les routes de Carlos Ramos et Serena Williams ne se croiseront plus. L’arbitre de la finale dames a déclenché une tempête …en appliquant le règlement à la lettre. Doit-on lui reprocher ? Depuis samedi, sa « performance » est analysée par tout le monde du tennis. La majorité des commentaires taille le manque de psychologie de l’arbitre. "Il est dans son pouvoir de prendre cette décision, mais le bon sens aurait dû primer", estime l'ex-N.1 mondial Andy Roddick. Une position défendue par d'autres joueurs, actuels comme anciens. "J'ai parfois reçu un pré-avertissement par l'arbitre, qui me disait: Arrête ça ou je devrais te mettre un avertissement, s'est souvenu l'Américain James Blake, ancien N.4 mondial. Il aurait dû au moins lui donner cette chance." Si l'avertissement pour "bris de raquette" n'est pas contesté, le troisième, pour "insulte", fait aussi débat. "Je dois admettre que j'ai dit pire sans être pénalisé", reconnaît Blake. Ce qui est certain, c’est que Carlos Ramos est l’un des arbitres les plus à cheval sur le règlement. Une fermeté qu’il a très souvent mis en pratique face aux Nadal, Djokovic, Murray et consort. Cette façon d’arbitrer n’est donc pas une surprise et aurait dû être intégré par Serena dans sa préparation à la finale.
Serena récidiviste ?
Un mental de championne et un tempérament de feu. Ce n’est pas la première fois que Serena Williams se retrouve en première ligne face à un arbitre. Sa carrière est jalonnée de petites histoires et de paroles, notamment à l’US Open. En demi-finale en 2009, opposée à Kim Clijsters, la cadette des soeurs Williams (36 ans) avait très mal réagi à une faute de pied signalée sur son service, qui offrait deux balles de match à la Belge. "Si je pouvais, je prendrais cette balle et je te l'enfoncerais dans la gorge", avait-elle alors menacé la juge de ligne, selon des médias américains. Un comportement qui lui avait valu un second avertissement, synonyme de point de pénalité - et donc de match perdu -, puis une amende de 10.500 dollars (7.200 euros). Un nouvel incident s'était produit en 2011, en finale contre Samantha Stosur, quand elle s'en était prise verbalement à l'arbitre grecque Eva Asderaki après avoir reçu un point de pénalité, Serena ayant poussé un sonore "Come on" (Allez) sur un coup droit gagnant avant même que la balle n'arrive dans la moitié de terrain de l'Australienne.
Le tennis au bord de l’implosion ?
Rien ne va plus sur la planète tennis. Sur un volcan permanent après les vives discussions autour de l’organisation du circuit mondial, la Coupe Davis, le partage des gains, etc, cette nouvelle affaire remet un peu d’huile sur le feu. Le tennis féminin, qui lutte pour une place d’égal à égal avec son homologue masculin, a trouvé dans ce clash une tribune parfaite. Serena Williams, comme plusieurs joueuses, a vu une marque de "sexisme" dans la décision de l'arbitre. L’Américaine a même reçu le soutien de la WTA dimanche. "Il ne devrait pas y avoir de différence de degré dans la tolérance face aux émotions exprimées par les hommes et les femmes", écrit le directeur de l'organisation Steve Simon. "Nous ne pensons pas que ça a été le cas." "Dans un match masculin, ça ne se serait pas passé comme ça", affirme elle l'ex-N.1 mondiale Victoria Azarenka. "Merci de dénoncer ce deux poids, deux mesures", renchérit Billie Jean King. Le débat est loin d'être clos.
Avec AFP
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