US Open : Coco Gauff, chronique d'un avènement annoncé
Déjà et enfin. Coco Gauff a remporté à domicile, samedi 9 septembre, son premier tournoi du Grand Chelem, l'US Open, en dominant la future numéro un mondiale Aryna Sabalenka (2-6, 6-3, 6-2). A 19 ans, elle est devenue la plus jeune Américaine à remporter son Majeur national depuis Serena Williams en 1999.
Pas encore 20 ans et pourtant, voilà quatre ans que les regards étaient constamment braqués sur la prodige. "A 15 ans, on voulait que je gagne un tournoi du Grand Chelem. J'avais l'impression d'avoir une limite d'âge à ne pas dépasser pour remporter mon premier tournoi du Grand Chelem et que si je gagnais après, ce ne serait pas un accomplissement, a réagi la joueuse à l'issue de son sacre à Flushing Meadows. C'est fou tout ce que j'ai pu entendre ou lire sur moi, alors je suis très contente d'avoir réussi à tout gérer."
À l'image de son tournoi où elle a souvent dû batailler sur trois sets, Coco Gauff a renversé un match qui l'a vue être menée un set à zéro par la Biélorusse. Paralysée par la tension à l'entame de la rencontre, la locale a su profiter de la cascade de fautes (46) de son adversaire pour s'imposer. "Je ne l'imaginais pas avoir les moyens de gagner car je voyais des joueuses au-dessus. Mais elle a parfaitement géré la pression de jouer à domicile et d'une finale contre la future numéro 1 mondiale. Elle a fait preuve de solidité et physiquement, elle était très impressionnante", analyse Arnaud Clément, consultant pour France Télévisons, surpris de la "défaillance" d'Aryna Sabalenka.
"Tennistiquement, beaucoup de filles sont supérieures à Coco Gauff. Mais la dimension mentale compte et sur cet aspect, elle a été supérieure. Elle mérite ce Grand Chelem, même si on aurait aimé une meilleure qualité de jeu en finale."
Arnaud Clément, consultant tennis pour France Télévisionsfranceinfo: sport
La Floridienne est sortie de l'anonymat en 2019 lorsqu'elle a atteint les huitièmes de finale de Wimbledon, écartant au passage au premier tour l'une de ses idoles, Venus Williams. Très vite, la presse américaine s'est enflammée, la désignant comme l'héritière attendue des sœurs Williams. De quoi lui mettre énormément de poids sur les épaules et lui imposer une pression constante.
Qu'importe. À l'Open d'Australie 2020, quelques mois plus tard, elle refait parler d'elle en éliminant la tenante du titre Naomi Osaka. "Comme elle a gagné des matchs très jeune, tout le monde a dit qu'elle allait gagner des Grands Chelems tout de suite. On a fait d'elle quelqu'un qu'elle n'était pas", a retracé pour l'AFP l'entraîneur Patrick Mouratoglou, qui l'a découverte à 10 ans. "Elle était prête à battre des grandes joueuses sur un match. Mais sur la durée d'un Grand Chelem, ce n'est pas la même histoire", a précisé celui qui a assisté l'Américaine lors de la dernière édition de Roland-Garros.
Plus de sourires et de recul
C'est à Paris qu'elle s'est offert une première vraie percée en Grand Chelem, en atteignant les quarts de finale à 17 ans en 2021. C'est encore à Roland-Garros qu'elle atteint sa première finale, perdue face à Iga Swiatek l'année suivante. Avant son sacre, samedi, elle n'avait jamais dépassé le stade des quarts à l'US Open. Surtout, l'Américaine était sortie frustrée, la jauge de confiance vide, après son élimination au premier tour de Wimbledon cette année, quelques semaines après sa sortie en quarts Porte d'Auteuil. Elle avait même envisagé mettre un terme à sa saison avant de se remobiliser et de prendre du recul.
Depuis quelques semaines, l'Américaine – très engagée sur et en dehors des terrains – s'est adjoint les services de Brad Gilbert, ancien coach d'Andre Agassi et d'Andy Roddick. "La première fois que j'ai rencontré Brad, l'une des premières choses qu'il m'a dites, c'est qu'il fallait que je sourie davantage, ça n'avait rien à avoir avec mon jeu", a-t-elle raconté. "Elle a compris qu'il fallait qu'elle profite. Si elle n'avait pas pris ce recul, peut-être qu'elle n'aurait pas réussi à se relâcher", suppose Arnaud Clément.
Un mois d'août prolifique
De cette arrivée dans son équipe a découlé une progression nette de la joueuse, notamment dans sa couverture du court. Les résultats ont suivi lors de la tournée américaine. Elle a par exemple enfin réussi à prendre le meilleur sur Iga Swiatek, en demies de l'US Open, après avoir perdu ses sept premiers duels face à la Polonaise.
"Il y a cinq semaines, j'ai gagné un tournoi WTA 500 (Washington) et certains ont dit que je ne ferais pas mieux. Puis, il y a trois semaines, j'ai gagné un WTA 1000 (Cincinnati) et certains ont dit que je n'irais pas plus loin. Et aujourd'hui, voilà...", a lancé Coco Gauff, un brin narquoise, devant les 28 000 spectateurs d'une enceinte Arthur-Ashe acquise à sa cause. "Ceux qui ont voulu mettre de l'eau dans mon gaz, vous n'avez fait que verser de l'essence sur mon brasier et aujourd'hui, je brille de mille feux !"
Durant le tournoi new-yorkais, Coco Gauff a su lutter contre un syndrome de l'imposteur tenace. "Je me dis toujours que j'ai battu de bonnes joueuses uniquement parce qu'elles étaient dans un mauvais jour. Mais je pense que je me donne plus de crédit qu'avant", déclarait-elle avant la finale. Ce regain de confiance a sans doute fait la différence face à une Aryna Sabalenka incapable de se défaire de ses doutes.
Mais au-delà "d'une volonté hors norme, d'une qualité de déplacement exceptionnelle, d'un bon service et très bon revers" selon Arnaud Clément, Coco Gauff dispose encore d'une marge de progression importante. Son coup droit, notamment, lui a fait défaut à de nombreuses reprises en finale. "Aryna Sabalenka la pilonnait et elle ne renvoyait que des balles courtes ou neutres, décrypte le consultant tennis pour France Télévisions. Son reste du jeu est très complet. Si elle améliore son coup droit de manière significative, elle pourrait devenir la patronne du tennis féminin." Lundi, Coco Gauff pointera à la troisième place du classement mondial et avec un poids en moins sur les épaules.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.