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Serena Williams a un parcours hallucinant et on va vous le prouver

Article rédigé par Marie-Violette Bernard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 14min
Serena Williams remporte le 23e titre de Grand Chelem de sa carrière à l'Open d'Australie, à Melbourne, le 28 janvier 2017. (RECEP SAKAR / ANADOLU AGENCY / AFP)

L'ancienne numéro 1 mondiale fait son retour à la porte d'Auteuil, après plus d'un an passé loin des courts. Franceinfo en profite pour vous décrypter ses points forts.

"Mommy Smash" est de retour. Serena Williams a fait son grand retour au tournoi de Roland-Garros à Paris, mardi, après avoir été éloignée des courts pendant un an par une grossesse et de graves ennuis de santé. Deux jours après sa victoire face à la Tchèque Kristyna Pliskova au premier tour (7-6, 6-4), elle affronte l'Australienne Ashleigh Barty jeudi 31 mai. Désormais 451e au classement WTA, l'ancienne numéro 1 mondiale vise pourtant de nouveaux titres en Grand Chelem. Et elle pourrait bien les obtenir. 

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"Elle a déjà montré plusieurs fois qu'elle était une joueuse hors norme", rappelle François Brabant, ancien commentateur de Roland-Garros et directeur adjoint de l'information à France Télévisions. Vous hésitez encore à vous intéresser au retour de Serena Williams ? Vous avez tort. Voici quatre preuves qu'elle déchire tout, sur et hors des courts de tennis.

Elle est (déjà) au Panthéon des plus grands athlètes

"Serena Williams est l'une des plus grandes athlètes de tous les temps. C'est, selon moi, un fait incontestable et incontesté." Difficile de contredire Patrick Mouratoglou, l'entraîneur français de la championne américaine. A 36 ans, la tenniswoman est la deuxième joueuse la plus titrée en simple en Grand Chelem, avec 23 trophées. C'est trois de plus que le tennisman le plus titré, le Suisse Roger Federer (considéré par certains comme le "GOAT", le plus grand joueur de tous les temps). Encore deux et Serena Williams dépassera le record féminin de 24 titres, détenu par Margaret Court. "Elle est devenue l'une des plus grandes, si ce n'est la plus grande joueuse de tous les temps. Hommes et femmes confondus", a assuré Roger Federer, visiblement prêt à lui céder son titre de "GOAT", au Wall Street Journal (en anglais).

L'Américaine a également décroché quatre médailles d'or aux Jeux olympiques et a passé 319 semaines sur la première marche du classement mondial WTA, rappelle L'Equipe. Certes, c'est loin derrière les 377 semaines de Steffi Graf, mais cette carrière au sommet lui a rapporté gros : elle a remporté au total plus de 84 millions de dollars de gains, un record pour une sportive, selon CNN (en anglais).

Serena Williams soulève le trophée de l'US Open à Flushing Meadows (New York, Etats-Unis), le 11 septembre 1999. (TIMOTHY A. CLARY / AFP)

Rien d'étonnant. "C'est la joueuse qui rassemble le plus de qualités athlétiques et tennistiques depuis Steffi Graf, estime François Brabant. Elle est surpuissante, endurante, technique, se déplace vite... Elle joue dans une autre dimension." Et elle ignore royalement les critiques, qui la trouvent "trop musclée".

Je suis née avec le corps le plus incroyable, fait pour marquer l'histoire (...), pour tout déchirer.

Serena Williams

dans "Time"

"J'aime [mon corps], affirme-t-elle dans le magazine Time (en anglais). Et je connais plein d'autres personnes qui l'aiment."  Son "plus gros atout" est toutefois "son mental", selon Patrick Mouratoglou. "Elle place toujours son niveau d'exigence très haut, elle n'est jamais rassasiée, explique le fondateur de la Mouratoglou Tennis Academy. En compétition, elle refuse la défaite." 

Serena Williams s'entraîne avec son coach Patrick Mouratoglou à Sophia Antipolis (Alpes-Maritimes), au printemps 2018. (MOURATOGLOU TENNIS ACADEMY)

"Serena Williams est au-dessus des autres joueuses parce qu'elle est programmée pour gagner", résume Haron Tanzit, spécialiste du tennis à France TélévisionsElle et sa sœur Venus ont grandi à Compton, une banlieue défavorisée de Los Angeles (Californie). "Leur père était convaincu que le tennis leur permettrait de sortir du ghetto, poursuit le journaliste. Il les a entraînées, en leur répétant qu'elles devaient prouver à tout le monde qu'elles étaient les meilleures. Et ça a marché." La joueuse ne cache d'ailleurs pas son ambition. "C'est en grande partie grâce à cet état d'esprit qu'elle a un tel palmarès", analyse Patrick Mouratoglou.

Rien ne l'arrête. Si elle ne réussit pas au premier essai, elle continue jusqu'à ce qu'elle y parvienne. C'est l'une des caractéristiques des immenses champions.

Patrick Mouratoglou

à franceinfo

Elle est aussi une star en dehors des courts

Serena Williams n'est pas seulement une star du tennis. C'est aussi "la reine du cool", comme le note Le Figaro. En parallèle de sa carrière de tenniswoman, elle a décroché un diplôme dans une école de design. Elle a désormais sa propre marque de vêtements et ses créations – vendues pour un géant du téléachat – ont été présentées à plusieurs reprises à la Fashion Week de New York, rappelle le New York Times (en anglais). Elle a dans ce domaine une alliée de taille : Anna Wintour, "papesse de la mode" et rédactrice en chef de l'édition américaine de Vogue"Anna est mon mentor, expliquait Serena Williams au New York Post (en anglais), après un défilé en 2015. Elle a passé en revue toute la collection."

Fan de mode, "Mommy Smash" pose en une des plus grands magazines spécialisés. Après avoir été photographiée enceinte par la prestigieuse Annie Leibovitz pour la couverture de l'édition américaine de Vanity Fair, en août 2017, elle est apparue avec sa fille dans le numéro de février de Vogue. "Il n'est pas si rare que des sportives figurent en une de magazines de mode ou dessinent une collection de vêtements, note François Brabant. Ce qui est unique, c'est le retentissement de cette autre carrière de Serena Williams."

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"J'ai un côté sportif et un côté plus fun, plus glamour", explique Serena Williams au HuffPost (en anglais). Hors des courts, la tenniswoman fréquente Meghan Markle, jeune épouse du prince Harry, l'actrice Eva Longoria ou encore la chanteuse Beyoncé. Comme cette dernière, "Mommy Smash" a développé une stratégie de communication millimitrée, qui repose en partie sur sa vie privée. Elle aussi donne régulièrement un aperçu de son quotidien à ses huit millions d'abonnés sur Instagram et près de onze millions sur Twitter. Les photos de son mariage avec le patron du site Reddit, Alexis Ohanian, ont été publiées en exclusivité dans Vogue (en anglais). Serena Williams a également sa série documentaire, diffusée, comme pour Beyoncé, sur la prestigieuse chaîne HBO. La championne y met en scène son mariage, sa grossesse mais aussi son retour sur les courts.

C'est aussi avec Beyoncé que Serena Williams a mis les réseaux sociaux en ébullition, en juin 2016. La tenniswoman a fait une apparition remarquée dans le clip Sorry de la chanteuse, où elle se déhanche en body noir. "[Beyoncé] m'a dit qu'elle voulait juste que je danse, en toute liberté, comme si personne ne me regardait, d'y aller à fond", explique-t-elle, citée par l'agence AP (en anglais). De quoi accroître un peu plus la popularité de la tenniswoman. "Deux des femmes noires que je préfère qui déchirent tout. Je peux à peine exprimer à quel point ça me rend fier", s'est extasié un internaute, cité par The Independent. "Tout ce qu'elle fait, Serena Williams le réussit", résume Haron Tanzit.

Elle dit ce qu'elle pense (et tant pis si ça ne vous plaît pas)

Serena Williams n'a pas pour habitude de mâcher ses mots. Un journaliste l'a appris à ses dépens, en août 2015. Lors d'une conférence de presse d'après-match à l'US Open, il a reproché à la joueuse de ne pas sourire après sa victoire face à sa sœur Venus, en quart de finale du tournoi. "Il est 22h30 et, pour être honnête, j'aimerais être ailleurs, a rétorqué Serena Williams. Vous posez toujours les mêmes questions. (...) Vous ne rendez pas ça très agréable."

Pour Patrick Mouratoglou, la notoriété de Serena Williams s'explique en partie par ce caractère entier. "Elle a toujours pris le risque de déplaire à certains, afin de porter haut et fort les causes pour lesquelles elle a décidé de s'engager", explique l'entraîneur à franceinfo. A commencer par le racisme. Dès l'âge de 17 ans, Serena Williams "n'a pas hésité à boycotter le prestigieux tournoi d'Indian Wells (Californie), après avoir été victime d'insultes racistes", souligne Haron Tanzit. Elle n'y a remis les pieds qu'en 2015, après quatorze ans d'absence, selon le Guardian (en anglais). "Je suis à un stade de ma carrière où je n'ai rien à prouver. (...) Je joue par amour du jeu, justifie alors Serena Williams. C'est avec cet amour en tête, et une meilleure compréhension du véritable sens du pardon, que je retourne à Indian Wells." 

En 2017, elle a critiqué les propos "racistes" et "sexistes" du capitaine de l'équipe roumaine de Fed Cup, Ilie Nastase. Soutien du mouvement Black Lives Matter, elle a également dénoncé la mort de plusieurs jeunes Afro-Américains, abattus par la police. "Je ne me tairai pas", a-t-elle martelé sur Facebook (en anglais).

Serena Williams fait partie de ceux qui mettent à profit leur notoriété pour faire bouger les lignes dans les domaines dans lesquels ils estiment que la société doit évoluer. Cela a fait d'elle une icône internationale et un modèle pour des milliers de jeunes femmes.

Patrick Mouratoglou

à franceinfo

Féministe convaincue, Serena Williams s'agace de ne pas être considérée comme l'égale des hommes. Lorsqu'un journaliste la qualifie de "l'une des meilleures sportives" de l'histoire, en 2016, elle lâche : "Je préfère l'expression 'l'une des plus grandes athlètes de tous les temps'", indique le Guardian (en anglais). Elle milite activement pour que les tenniswomen aient droit aux mêmes gains que les hommes. "J'aimerais que le public, la presse et les athlètes en général respectent les femmes pour ce qu'elles sont et ce qu'elles font, a-t-elle détaillé au journal britannique lors d'une conférence de presse. J'ai passé ma vie [à faire du tennis]. Je ne crois pas que je mérite d'être payée moins à cause de mon sexe."

Rien ne semble pouvoir ébranler la confiance de la joueuse. "Certaines personnes m'ont méprisée, m'ont rabaissée parce que je ne leur ressemblais pas, a-t-elle relaté lorsqu'elle a reçu le prix de l'athlète de l'année 2015, décerné par Sports Illustrated, rapporte le HuffPost (en anglais).

Des gens m'ont prise de haut à cause de la couleur de ma peau ou parce que je suis une femme. Aujourd'hui, j'ai 21 titres du Grand Chelem et j'en vise d'autres.

Serena Williams

en 2015

Elle a survécu à toutes les difficultés (et elle pourrait encore vous étonner) 

"Serena Williams se relève de toutes les difficultés. Et elle en a connu beaucoup."  Comme le souligne François Brabant, l'Américaine est une "survivante". Le 7 juillet 2011, elle s'entaille les deux pieds en marchant sur des morceaux de verre dans un hôtel de Munich (Allemagne). Bilan : douze points de suture au pied droit, six au gauche et deux opérations d'un tendon endommagé, rappelle Le Figaro. Les blessures la tiennent déjà éloignée des courts depuis sept mois lorsque, fin février 2012, elle est victime d'une embolie pulmonaire (un caillot de sang qui bloque les artères irriguant les poumons). "J'ai eu la peur de ma vie. Je ne pouvais plus respirer", raconte Serena Williams. Hospitalisée d'urgence à Los Angeles, elle est également traitée pour plusieurs hématomes dans le ventre, causés par son traitement anticoagulant. Ce n'est qu'en juillet 2012 que la joueuse, qui a perdu sa place de numéro 1 mondiale, remporte à nouveau un tournoi du Grand Chelem.

Cinq ans plus tard, Serena Williams frôle à nouveau la mort, raconte-t-elle à Vogue (en anglais). Après une grossesse paisible, elle doit subir une césarienne en urgence. L'opération se déroule bien et sa fille, Alexis Olympia Junior, naît en bonne santé. Mais le lendemain, elle est victime d'une nouvelle embolie pulmonaire. Serena Williams souffre de violentes quintes de toux et la cicatrice de sa césarienne se rouvre. Retour au bloc opératoire. Les médecins découvrent alors un large hématome dans son abdomen, causé par les anticoagulants prescrits pour traiter les caillots dans ses poumons. Elle doit encore subir une troisième intervention pour installer un dispositif empêchant une nouvelle embolie. Un traumatisme qu'elle raconte dans un entretien à CNN (en anglais).

J'ai failli mourir après la naissance de ma fille. Quand j'ai enfin pu retrouver ma famille, chez moi, j'ai dû passer mes six premières semaines de mère dans un lit.

Serena Williams

à CNN

Pas question pour autant de dire adieu aux terrains de tennis. Serena Williams s'entraîne depuis plusieurs mois avec Patrick Mouratoglou pour "reconstruire son corps d'athlète" et "retrouver les réflexes de la compétition""Sa détermination et sa capacité à repousser ses limites dans des conditions si difficiles sont exceptionnelles", garantit le fondateur de la Mouratoglou Tennis Academy.

Le bilan de ses quatre premiers matchs, joués en mars à Indian Wells et Miami (Floride), est contrasté : deux victoires et deux défaites. L'Américaine a en outre déclaré forfait pour les tournois de Madrid et Rome, pour se concentrer sur sa préparation physique. "J'ai l'impression d'avoir fait plein de progrès depuis Miami, assurait-elle en mai au Washington Post (en anglais). Mais je dois être vraiment prête [pour mon prochain match], parce que je ne sais pas sur quelle adversaire je peux tomber dès le début de la compétition." Serena Williams compte toutefois retrouver le sommet du classement WTA.

Je ne joue pas pour être la deuxième ou la troisième. S'il n'y pas de numéro 1 clairement établie, je peux me dire que je vais pouvoir revenir à ma place.

Serena Williams

à "Vogue"

Serena Williams est-elle capable de réaliser cet exploit ? "Ça ne m'étonnerait pas, car elle a un tempérament, un physique et des capacités hors norme, martèle François Brabant. Quelle adversaire pourrait de toute façon l'en empêcher ? Elle les a déjà toutes battues." Si elle retrouve son niveau, Serena Williams pourrait bien soulever son 24e trophée de Grand Chelem à Roland-Garros, le 9 juin.

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