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Pourquoi le tennis féminin français est dans le creux de la vague

Seule Française qualifiée en huitièmes de finale, Alizé Cornet a été éliminée, dimanche, à Roland-Garros. Ce maigre bilan n'a rien de surprenant.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Alizé Cornet quitte le court de Roland-Garros, le 31 mai 2015, après son élimination en huitièmes de finale. (MIGUEL MEDINA / AFP)

Les espoirs de la délégation féminine tricolore reposaient sur ses épaules. Alizé Cornet, seule qualifiée pour les huitièmes de finale de Roland-Garros, a été éliminée, dimanche 31 mai, par l'Ukrainienne Elina Svitolina (6-2, 7-6). La figure de proue du tennis féminin tricolore peine à s'imposer sur le devant de la scène, avec son classement de 29e mondiale.

Cette année, il y avait 10 autres Françaises en lice à Roland-Garros. Pouvez-vous en citer quelques-unes ? Marion Bartoli ? Elle a pris sa retraite après son succès à Wimbledon en 2013. Amélie Mauresmo ? Elle est devenue coach d'Andy Murray. Mary Pierce ? On ne la voit plus que pour la cérémonie de remise du trophée, où elle arbore des tenues improbables. En revanche, les noms de Kristina Mladenovic (jusqu'à son exploit face à Eugenie Bouchard), de Caroline Garcia ou d'Océane Dodin vous avaient sans doute échappé. 

Le "creux générationnel"

Les Françaises se font rares dans le top 100. En 1997, on a compté jusqu'à douze tricolores dans les cent premières du tennis mondial. Le chiffre a bien baissé depuis. Idem pour le top 20, où on croisait 4 Françaises cette année-là. 

"On a un petit creux générationnel, il faut le dire", concédait Amélie Mauresmo sur RTL, en 2014. Jusqu'à présent, la génération Pierce était suivie par la génération Mauresmo, elle-même relayée par la génération Bartoli. Toutes trois ont gagné des tournois du Grand Chelem et ont entraîné dans leur sillage des dizaines de joueuses au plus haut niveau. "Je suis née en 1984 et, depuis, on n'a pas sorti de joueuses", regrette Marion Bartoli, interrogée dans Tennis Actu

"La Fédération avait parié uniquement sur trois joueuses"

Tout changement dans la politique de formation se reflète dix ans plus tard sur les courts. Pendant longtemps, le système a généré deux types de joueuses : celles issues de la fédération, et les autres, plus individualistes, entraînées par leur père (Mary Pierce, Marion Bartoli, Aravane Rezaï...). Autant de joueuses qui ont brillé en individuel, mais qui ont connu les pires difficultés à se fondre dans le moule de la Fed Cup. 

Une fois que cette politique s'est mise à ronronner, la Fédération française de tennis a entièrement revu la formation des filles en prenant un virage élitiste. Avec moins de joueuses formées et mécaniquement moins de joueuses de haut niveau. D'autant plus que les dirigeants du tennis tricolore ont manqué de flair. "Il faut savoir qu’à un moment la Fédération avait parié uniquement sur trois joueuses : Golovin, Mladenovic et Jeanjean", regrette Nathalie Dechy, ex-11e mondiale, dans Le Parisien. Tatiana Golovin, qui a dû arrêter une carrière prometteuse à cause de blessures récurrentes, Leolia Jeanjean, starifiée à 13 ans après sa victoire aux Petits As, gros contrat avec Nike à la clé, avant de disparaître des écrans radars. Reste Kristina Mladenovic, prometteuse 44e mondiale qui s'est offert le scalp d'Eugenie Bouchard (6e mondiale), mardi, au premier tour de Roland-Garros, avant d'être éliminée au troisième tour, samedi.

Nouveau virage à 180 degrés en 2012. La fédération mène des études auprès de spécialistes (du psychologue à l'entraîneur, en passant par le gynécologue) et se rend compte que cette championnite pousse les jeunes filles à abandonner le tennis beaucoup plus vite que les garçons. L'accent est mis sur le plaisir de jouer : "Le tennis, c'est facile" devient l'un des slogans de la FFT. Les critères d'admission en pôle espoirs sont assouplis et les joueuses bénéficient d'une préparation mentale dès qu'elles approchent du niveau professionnel, rapporte 20minutes.fr

Restent les sacrifices difficiles à accepter pour une jeune fille de 17 ans, déracinée loin de sa famille. Comme le raconte Pauline Parmentier, qui navigue autour de la 100e place mondiale, au site We Are Tennis : "On m’a montré ce qu’il fallait faire comme sacrifice pour le haut niveau. En gros, ça veut dire que tu prends l’avion pour l’Australie à Noël et que tu es toute seule dans l’avion."

Les Etats-Unis et l'Allemagne s'en sont remis

On ne saura que dans quelques années si la nouvelle politique porte ses fruits. D'autres pays se sont déjà remis d'un creux générationnel similaire. Les Etats-Unis ont profité du formidable appel d'air créé par les sœurs Williams pour séduire une population afro-américaine qui ne s'intéressait pas au tennis auparavant, dont Sloane Stephens et Taylor Townsend. L'Allemagne, elle, a mis une dizaine d'années à digérer la retraite de Steffi Graf, en 1999. Le temps nécessaire pour que la réorganisation de la formation porte ses fruits.

En haut lieu, on se veut confiant sur la capacité de rebond du tennis tricolore. Comme Alexandra Fusai, responsable du tennis de haut niveau à la fédération, qui affirmait crânement dans Le Point en 2013 : "Avec Alizé Cornet, Caroline Garcia ou Kristina Mladenovic, nous pouvons viser une victoire dans un grand chelem d'ici quatre à cinq ans." Rendez-vous est pris pour 2018. A ce moment-là, les quatre stars du tennis masculin tricolore (Gasquet, Monfils, Tsonga et Simon) auront raccroché les raquettes. Et derrière eux se profile aussi un "creux générationnel" : un seul joueur français classé dans le top 100 a aujourd'hui moins de 20 ans. C'est Lucas Pouille, qui a été sorti au premier tour de Roland-Garros.

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