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Open d'Australie : comment Novak Djokovic a-t-il pu remporter son 22e Majeur avec une déchirure aux ischio-jambiers ?

Le patron du tournoi, Craig Tiley, assure que le Serbe a terminé le premier Majeur de la saison avec une déchirure musculaire de trois centimètres.
Article rédigé par franceinfo: sport, Loris Belin
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Novak Djokovic lors du deuxième tour de l'Open d'Australie, le 19 janvier 2023. (MARTIN KEEP / AFP)

On devrait pourtant être habitué. En 2021, alors que Novak Djokovic venait de remporter l'Open d'Australie, nous nous posions une question presque identique : "Comment Novak Djokovic a-t-il pu remporter l'Open d'Australie avec une déchirure aux abdominaux ?" Le Serbe avait alors remporté son neuvième sacre à Melbourne et soulevé bien des interrogations après avoir assuré qu'il jouait malgré une déchirure musculaire abdominale. Deux ans après, les faits ont à peine changé. Djokovic s'est de nouveau imposé aux antipodes, troquant cette fois les abdominaux pour les ischio-jambiers, et une blessure aux proportions un peu plus grandes encore.

Si le souci que le nouveau numéro un mondial trainait à la cuisse avant même le début du premier Majeur de la saison était déjà connu, son bilan médical était resté assez flou durant la quinzaine. On a bien senti le joueur de Belgrade diminué, strappé, et même inquiet en conférence de presse. Le voile a finalement été levé au terme du tournoi par Craig Tiley. Mardi, le président du Grand Chelem australien a expliqué que Djokovic "avait une déchirure de trois centimètres à l'ischio-jambier" de la jambe gauche, cinq millimètres de plus que ce que ses abdominaux avaient subi il y a deux ans.

"Trois semaines incompressibles de soins"

Tiley s'est fait l'impresario parfait du Serbe pour SEN Sportsday : "Novak souffre parfois d'une mauvaise réputation. Il y a eu beaucoup de spéculations autour de la véracité de cette information, c'est difficile de croire qu'on puisse accomplir de telles choses avec ce genre de blessures. Mais il est remarquable." Reconnu comme l'un des joueurs les plus tenaces et durs au mal du circuit, Novak Djokovic ne lève pas pour autant tous les doutes à son sujet. "Avec ces informations, c'est au minimum une blessure de grade 2 qui nécessite trois semaines incompressibles de soins, avec de la réathlétisation derrière, même pour un athlète exceptionnel" nous explique Olivier Rodriguez, préparateur physique de l'équipe de football du Havre et ex-joueur, puis entraîneur de tennis.

"Il faut être un peu prudent. Craig Tiley nous parle d'une déchirure de trois centimètres, mais il n'y a que les médecins qui ont vu les images des échographies et des IRM qui ont été faites sur Novak Djokovic qui peuvent commenter" tempère Paul Quétin, préparateur physique des équipes de France de tennis, Olivier Rodriguez emploie, lui, selon ses propres termes "l'imparfait du dubitatif".

Une blessure aux ischio-jambiers par rapport aux abdominaux, c'est tout autant pénalisant. Les blocages, les freinages, les démarrages, les flexions, la surface très dure et le niveau d'intensité énorme dans le tennis moderne… Avec tous ces éléments, je ne comprends pas qu'on puisse jouer avec une déchirure de trois centimètres.

Olivier Rodriguez

à Franceinfo: sport

Les deux spécialistes abondent dans le même sens : évoquer Novak Djokovic et les blessures, c'est parler d'un joueur spécial, aux prédispositions hors du commun. "Ce qui est assez impressionnant, c'est d'être capable de gérer cette blessure, de sa part et de celle de son équipe, avance Paul Quétin. Ils sont attentifs au moindre détail. Quand en plus, on tombe sur un athlète exceptionnel, qui se connait parfaitement, avec une équipe qui le connait parfaitement, on arrive à optimiser la récupération. Tous les joueurs et les joueuses professionnels sont un peu exceptionnels, par leur capacité hors norme à gérer la douleur et leurs émotions. Amélie Mauresmo avait elle aussi gagné Wimbledon (en 2006) avec une déchirure aux adducteurs."

La mystérieuse "Docteur Placenta" à son chevet

Pour ce faire, Novak Djokovic a comme en 2021 laissé de côté les sessions d'entraînement pendant la quinzaine australienne, privilégiant les traitements. La présence de Marijana Kovacevic dans l'entourage de Djokovic durant le tournoi a également alimenté les réflexions sur les pistes de guérison. La médecin serbe s'est fait connaître dans le milieu du football pour avoir soigné plusieurs joueurs évoluant en Angleterre dans les années 2000 et 2010, avec une méthode qualifiée par ses patients de "miracle". "Je ne peux pas entrer dans les détails, mais je lui suis très reconnaissant, a reconnu le tennisman en conférence de presse après sa victoire en demi-finale contre Tommy Paul. Marijana a traversé le monde pour m’aider, travailler avec elle m’a fait du bien et je peux en sentir les bénéfices sur le court."

Novak Djokovic se tient la cuisse, lors de son match du deuxième tour de l'Open d'Australie, le 19 janvier 2023 contre Enzo Couacaud (LUKAS COCH / MaxPPP)

Kovacevic est surnommée "Docteur Placenta" pour son utilisation de cet organe qui entoure le foetus afin d'accélérer les cicatrisations musculaires. L'ancien joueur de Liverpool, Yossi Benayoun, avait révélé fin 2009 au Daily Mail que ce placenta était humain, et utilisé dans une crème massante pour résorber une blessure au mollet. En 2014, l'attaquant de l'Atlético de Madrid, Diego Costa, avait, lui, été traité à coup de placenta de cheval pour faire passer son absence d'un mois à une semaine suite à une blessure à la cuisse.

Sur la dizaine de spécialistes français contactés (médecins du sport, hématologues, obstétriciens), aucun n'a pu en dire plus sur ce protocole au placenta, faute de "connaissance sur le sujet" ou de la "nature exacte" de ce genre de traitement. "J'en ai entendu parler, mais sous le prisme qu'il n'y avait rien de prouvé" nous résume Olivier Rodriguez.

Novak Djokovic n'a pas (encore) pris la parole pour confirmer ou infirmer l'efficacité de ce remède, ni pour montrer davantage de documents médicaux, comme il avait annoncé le faire en 2021 pour ses abdominaux. "Je n'ai rien à prouver à personne, clamait-il le 23 janvier. J'ai l'IRM, l'échographie et le reste, ceux d'il y a deux ans et ceux d'aujourd'hui. Je verrai si je les publie dans mon documentaire ou sur les réseaux sociaux. Peut-être que je le ferai, peut-être pas."

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