Comment Novak Djokovic a-t-il pu remporter l'Open d'Australie avec une déchirure aux abdominaux ?
Rarement la planète tennis n'avait autant scruté des abdominaux que ces dix derniers jours. Si Novak Djokovic a décroché son neuvième titre à Melbourne, le Serbe n'a pas seulement fait parler de lui pour la solidité de son tennis. Le N.1 mondial revient de loin, d'un troisième tour bien mal embarqué le 12 février dernier contre Taylor Fritz. Mené deux sets à un, Djokovic grimace, tiraillé par une ceinture abdominale qui le fait souffrir. Malgré un retournement de situation et une qualification, "Nole" avait été bien plus formel sur la nature de sa blessure, une déchirure, que sur la suite de son tournoi. Celui-ci s'est conclu en apothéose, certes. Mais sans une grosse pincée de doutes chez certains observateurs.
Nombreux ont été ceux qui, comme Toni Nadal ou Patrick Mouratoglou, se sont interrogés sur la possibilité de jouer à un tel niveau tout en souffrant d'un mal aussi handicapant, a fortiori sur un court. "Les abdominaux sont extrêmement sollicités au tennis, nous explique Olivier Rodriguez, préparateur physique du club de football du Havre depuis 2019 après 30 années passées comme joueur puis entraîneur de tennis. La chance pour Djokovic aurait été que sa blessure soit à une zone des abdominaux un peu moins sollicitée par les efforts. Mais en coup droit, en revers, et évidemment au service, ils sont constamment en activité."
Le Serbe a livré dimanche une finale d'une solidité sans faille, après une quinzaine durant laquelle il a claqué plus d'aces que lors de ses précédents titres en Grand Chelem. A l'US Open 2009, Rafael Nadal avait eu beau serrer les dents pour le même problème, il avait fini par s'incliner, lessivé, en demi-finale. Comment Novak Djokovic a-t-il alors pu tenir malgré la douleur ? Certains ont avancé un diagnostic volontairement aggravé par le joueur et son clan. "Je comprends que certains aient questionné ma blessure, a rétorqué dimanche le désormais triple tenant du titre à Melbourne. Que cela soit vraiment une déchirure. Ca l'est."
Djokovic a insisté ce lundi pour faire la lumière sur un bilan médical jusque-là concis, rappelant qu'en outre, un documentaire sur les coulisses de sa saison a déjà été annoncé. "La déchirure est plus grande que lorsque j'ai passé une IRM après le troisième tour. Ce n'est pas trop grave à en croire ce qu'ont dit les médecins, mais je vais avoir besoin de repos pour me soigner. Elle fait 2,5 centimètres maintenant, elle en faisait 1,7 au début."
"Je ne dis pas que ce n'est pas possible, juste que je ne sais pas comment"
Djokovic espère sans doute faire taire les sceptiques, ou les médisants. Le bilan est pourtant loin de soulever toutes les interrogations. "Une déchirure, c'est un terme que l'on n'utilise plus depuis des années", explique Olivier Rodriguez. "On parle maintenant de lésions musculaires de grade 1, 2, 3…", des gradations synonymes de symptômes précis, et de conséquences tant en terme de protocole médical qu'en temps de convalescence. "Djokovic utilise les termes qu'il veut mais déchirure c'est trop flou."
Le préparateur physique du HAC souhaite "laisser la place au doute" et souligne – à juste titre – les "capacités surhumaines" de Djokovic, l'un des joueurs les plus résistants tant à la douleur qu'à la pression. Il n'en reste pas moins circonspect quant à la capacité de tenir le rythme de matches de haut niveau dans un état pareil. "Je ne sais pas comment on fait pour jouer au tennis avec une déchirure de 2,5 cm. Je ne dis pas que ce n'est pas possible, juste que je ne sais pas comment. Je ne suis ni croyant en Novak, ni athée. Je suis complètement agnostique ! (rires) Mais je ne sais pas comment il a fait. Une crampe, ou même une contracture, j'aurais compris. Au mieux, la lésion pouvait rester en l'état, mais cela ne pouvait que s'empirer. Les matches sont en trois sets gagnants, les adversaires deviennent de meilleure qualité, on monte forcément dans les tours."
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Dix heures de kiné sur les jours de repos
Djokovic a détaillé lundi sa recette pour tenir le coup et pouvoir continuer malgré une déchirure de la longueur d'une phalange à l'une des zones les plus cruciales du corps d'un joueur de tennis. Aucun entraînement, antidouleurs et "10 heures sur la table du kiné" lors de ses jours de repos, tel a été le cocktail salvateur du N.1 mondial. Un luxe que de nombreux joueurs du circuit n'ont pas les moyens de se permettre. Le Serbe pouvait bien remercier à plusieurs reprises son staff médical pour son triomphe.
Face à une telle problématique, "il y a plein de traitements" détaille Olivier Rodriguez. "Du drainage, du travail en excentrique sur les muscles obliques, du travail de physio, de l'électrostimulation, de la glace, de la mésothérapie (ndlr : l'injection ciblée de médicaments sur une zone douloureuse)… Mais que ce soit dans ma carrière au tennis ou aujourd'hui au football, je n'ai jamais vu un joueur quel que soit sa blessure qui passe dix heures sur la table. Il peut doubler, tripler les soins. Quand on est en pleine forme en Grand Chelem, on ne joue de toute façon que 45 minutes, 1h maximum sur ses jours de repos, sauf travail très ciblé. Le meilleur traitement, c'est aussi parfois le repos."
Du repos, Djokovic se voit contraint de s'en accorder pour soigner son corps. Pour ses détracteurs, en revanche, le point médical du jour ne va pas probablement pas apaiser tous les maux.
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