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Tennis : les quatre problèmes que pose la nouvelle programmation du circuit mondial

Après l’annulation du tournoi de Washington puis celle de l’ensemble de la tournée asiatique 2020, les calendriers ATP et WTA s’amoindrissent de plus en plus. Des annulations en cascades qui mettent en lumière une autre conséquence : les joueurs et joueuses vont enchaîner les compétitions sur différentes surfaces, sans véritable préparation, avec un risque de blessure plus accru cette année.
Article rédigé par Apolline Merle
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6 min
  (YORICK JANSENS / BELGA MAG)

► Un Grand Chelem avec un seul tournoi en amont

En une semaine, les calendriers ATP et WTA ont perdu de leur densité. Le 21 juillet, les organisateurs du tournoi de Washington, qui devait débuter le 14 août, annonçaient son annulation. Trois jours plus tard, c’est l’ensemble de la tournée asiatique qui disparaît du calendrier 2020. A présent, la tournée américaine reprendra à New York avec le tournoi de Cincinnati (21 au 30 août, délocalisé à Flushing Meadows) puis l'US Open (31 août - 13 septembre). Une reprise loin d’être simple car les joueurs n’auront qu’un tournoi avant d’enchaîner sur le Grand Chelem américain et des matches en cinq sets. "Ça va être très dur. Surtout, qu'à New York les conditions climatiques sont très difficiles, il fait très chaud et le taux d’humidité est important. On l'a vu ces dernières années, ces conditions très particulières ont provoqué pas mal d’abandons", rappelle Paul Quetin, le préparateur physique de l'équipe de France de Fed Cup et de Coupe Davis. "Enchaîner Cincinnati à New York, un tournoi de plus dans ces conditions, et derrière poursuivre avec un tournoi avec des matches en 5 sets, pour les joueurs, ça va être très dur. Ils vont sans doute beaucoup souffrir."

► L’impossible enchaînement des surfaces ?

Ce qui sera encore plus dur pour les joueurs et les joueuses, ce sera aussi les passages sur les différentes surfaces avec le dur aux Etats-Unis, puis la saison sur terre battue avec Madrid, Rome et Roland-Garros, avant de repartir sur le dur indoor, encore plus rapide avec le tournoi de Stockholm, de Bâle ou de Bercy par exemple. "S'il y a réellement l'US Open, puis la série avec Madrid, Rome, Roland-Garros, ça va être un enchaînement infernal c'est sûr", note Paul Quetin. "En plus d’un changement de surface et de continent, il n’y aura donc pas de vraie préparation terre battue pour ceux qui joueront à New York. C'est du jamais vu. Il va falloir s’organiser." S’organiser et s’adapter en permanence sont les maîtres mots ces derniers mois dans le monde du tennis. Tout comme la gestion de l’incertitude. 

Car si l’US Open est toujours maintenu à cette heure, l’annulation du tournoi de Washington cette semaine a jeté un doute sur le maintien du Grand Chelem. Et une annulation de ce dernier provoquerait un changement total dans la préparation physique des joueurs. "Si l’US Open est maintenu, les joueurs vont continuer à s'entraîner sur dur, et dans ce cas, il va falloir qu'ils partent très tôt aux Etats-Unis, car je pense que le protocole sanitaire va exiger qu'ils arrivent tôt. Mais aux dernières nouvelles, les joueurs n'avaient pas encore les autorisations pour aller aux Etats-Unis. C'est vraiment très complexe à anticiper", souligne le préparateur physique. Dans le cas contraire, si l’US Open est annulé, ce qui est encore possible, "les joueurs vont basculer sur des entraînements sur terre. Et peut-être que la FFT mettra une deuxième série de tournoi en place, pour préparer les joueurs."

Pour les femmes, le calendrier est encore pire. Avant la tournée américaine, les joueuses ont un tournoi sur terre battue, à Palerme du 3 au 9 août. Puis elles joueront sur dur aux Etats-Unis avant de basculer de nouveau sur la terre battue. "Les joueuses vont devoir jouer sur terre à Palerme alors qu'elles se sont entraînées sur dur pendant plusieurs semaines. Donc sincèrement, il va falloir, pour les joueuses et joueurs aussi, tout comme leur équipe, faire preuve d’une grande faculté d’adaptation", prévient Paul Quetin, l'un des piliers du staff de l'équipe de France de Fed Cup et de Coupe Davis. 

► Un risque de blessure plus important

Mais l’enchaînement des différents tournois sur plusieurs surfaces est surtout un risque supplémentaire de blessure. D’ailleurs, sur la tournée de tournois organisée par la FFT sur le mois de juillet, le Challenge FFT qui a eu lieu dans le sud de la France, on constate déjà quelques abandons comme ceux de Kristina Mladenovic, Caroline Garcia ou encore Pierre-Hugues Herbert. "Les corps souffrent d’une si longue absence de compétition, couplée de trois semaines d’affilée de tournois. Ce n'est pas évident pour les organismes, alors on imagine que l'enchaînement US Open, Madrid, Rome et Roland-Garros, va être très contraignant", relève Paul Quetin.

"On peut même imaginer que ceux qui seront dans le dernier carré à l'US open déclareront forfait à Madrid"

"Toutefois", nuance-t-il, "l'US Open se déroule sur 15 jours mais tous les joueurs ne vont pas au bout. Donc on peut imaginer que les joueurs qui vont s'arrêter en première semaine pourraient avoir le temps de se reposer, d’avoir une semaine de préparation pour aller jouer à Madrid. Ce n’est pas extraordinaire mais c'est gérable." Et ceux qui iraient en deuxième semaine, en quarts, demies ou finale ? Le calendrier est moins à leur avantage. "Pour jouer ensuite sur terre à Madrid, c’est très compliqué, en termes de décalage horaire, de surface etc… On peut même imaginer que ceux qui seront dans le dernier carré à l'US open déclareront forfait à Madrid", tranche Paul Quetin

Des décisions qui seront très dures à prendre pour les joueurs. Prenons l’exemple de Rafael Nadal, tenant du titre à New York. L’Espagnol n’a pas encore confirmé sa présence outre-Atlantique et les dernières vidéos l’ont montré à l’entraînement… sur terre battue. "Rafa" renoncerait-il à l’US Open pour se préserver pour Madrid, où il est annoncé présent, et ensuite arriver au meilleur de sa forme à Roland-Garros ? L’hypothèse tient la route, tant on connait l’attachement du Majorquin aux tournois de Madrid et de Roland-Garros, même si de tels arbitrages sont compliqués à prendre pour les joueurs. "Ce sont des choses qu’ils peuvent faire sur des tournois pour se préserver mais, ils ne le font jamais avec les Grands Chelems, car c’est l’objectif majeur pour eux."

► Les conséquences de l’annulation de la tournée asiatique

L’annulation de la tournée asiatique laisse un vide important dans le calendrier international. Un vide qui est aussi synonyme d’inconnu. "On risque d'avoir une seconde période longue à gérer, de mi-octobre jusqu'à la reprise en Australie l'année prochaine, qu'il va falloir aborder intelligemment. Bien sûr, on ne la gère pas de la même manière si on est un Nicolas Mahut qui a pour objectif de faire les JO ou un jeune qui débute sur le circuit et qui doit continuer à travailler pour préparer la suite de sa carrière. Donc, ici, c'est le rôle des entraîneurs de faire les bons choix, mais forcément y aura des perdants et des gagnants", constate Paul Quetin. 

Des gagnants comme Lucas Pouille ou Jo-Wilfried Tsonga, qui auraient ainsi plus de temps pour se remettre de leur blessure. En revanche, une année supplémentaire pourrait être plus difficile à gérer pour Roger Federer. Les inconnues restent aussi nombreuses sur le classement mondial, à tel point qu'il est possible de voir évoluer de manière conséquente la hiérarchie du tennis international. "La situation actuelle pourrait rabattre les cartes du tennis mondial de manière extraordinaire. On va avoir des changements dans la hiérarchie dans les mois à venir chez joueurs comme chez les joueuses. Certains vont en profiter, pour d'autres ça va très compliqué", conclut Paul Quetin

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