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France-Géorgie : quel est le réel niveau de la sélection géorgienne de rugby ?

La sélection géorgienne, en pleine progression, affronte les Bleus pour la deuxième fois de son histoire, dimanche à Bordeaux.

Article rédigé par franceinfo: sport - Elio Bono
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Le demi de mêlée géorgien Vasil Lobzhanidze, lors d'un test-match en Afrique du Sud au mois de juillet. (PHILL MAGAKOE / AFP)

Quatorze ans après l'unique rencontre entre les deux sélections (64-7 pour les Bleus lors du Mondial 2007), la France et la Géorgie vont se recroiser, dimanche 14 novembre à Bordeaux. Ce deuxième test de novembre, après la victoire face à l'Argentine (29-20), peut représenter une curiosité pour les moins initiés. Qu'à cela ne tienne, l'équipe nationale géorgienne s'impose, pas à pas, comme une nation qui compte sur l'échiquier rugbystique.

Car depuis la Coupe du monde disputée en France, la sélection du Caucase a progressé. Intégrée à World Rugby en 1992, peu après l'indépendance du pays, la Fédération nationale de rugby s'est développée. "Il n'y avait alors même pas de terrain en Géorgie !", lance Zaza Kassachvili, président de la Fédération entre 1997 et 2004. Ce dernier, qui possède aussi la nationalité française, a obtenu un soutien politique pour développer la pratique. "L'Etat et certaines entreprises privées ont compris que le rugby pouvait être une belle carte de visite pour la Géorgie. Ils ont construit une vingtaine de stades", développe-t-il.

La Géorgie à l'étroit dans le Rugby Europe Championship

Les résultats sont sans appel : engluée autour de la dix-huitième place au classement World Rugby pendant plus de quinze ans, la Géorgie a largement progressé sur la dernière décennie. Troisième de sa poule au Mondial 2015, la sélection occupe une honorable douzième place, devant les Samoa, l'Italie, les Tonga ou les Etats-Unis.

"C'est le fruit d'un processus de long terme. Le rugby géorgien a évolué avec l'arrivée de nombreux joueurs en Top 14 et Pro D2, comme Mamuka Gorgodze ou Davit Zirakashvili. Ils étaient en concurrence avec des internationaux français ou étrangers et ont rivalisé."

Dimitri Yachvili, ancien international français et consultant pour France Télévisions

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Malgré ce statut en hausse, les "Lelos" disputent toujours le Rugby Europe Championship, sorte d'antichambre du Tournoi des Six Nations les opposant au Portugal, à l'Espagne, à la Russie, à la Roumanie et aux Pays-Bas. Une compétition remportée... neuf fois sur les dix dernières éditions. "Ce n'est pas assez pour nous, analyse sèchement le sélectionneur Levan Maisashvili. Nous devons jouer de manière pérenne contre des adversaires de haut niveau."

Ce test-match contre la France représente donc une bonne opportunité de se frotter à une nation majeure. Invitée de la Coupe d'automne des nations l'an passée, la sélection a résisté longtemps à l'Irlande (défaite 23-10) et fait douter le Pays de Galles (défaite 18-0 après avoir été mené 10-0 à la mi-temps). De plus en plus considérée par les mastodontes du rugby international, la Géorgie a été reçue à deux reprises par les champions du monde sud-africains cet été.

Des progrès tels qu'une intégration au Tournoi des Six Nations est parfois évoquée. Il faut dire que l'Italie, 14e au classement international, n'a plus gagné dans la compétition depuis 2015. "Je serais curieux de voir un Italie-Géorgie", assène Dimitri Yachvili. Et l'ancien demi de mêlée biarrot, lui-même d'origine géorgienne, de poursuivre : "Les Argentins ont rejoint le Rugby Championship (tournoi avec la Nouvelle-Zélande, l'Australie et l'Afrique du Sud), même si ça a été moins bon cette année, ils évoluent et arrivent à faire des coups. Les Géorgiens devraient jouer contre des équipes d'un niveau au-dessus pour progresser."

Le combat comme ADN, des trois-quarts en progrès

En attendant d'affronter régulièrement les meilleures sélections, le rugby géorgien progresse dans le sillage de ses équipes de jeunes. Lors des dernières Coupes du monde U20, la Géorgie a par exemple battu l'Argentine, l'Irlande ou l'Ecosse. "Cette génération avait 6-7 ans en 2003, lorsque nous avons développé les infrastructures, pointe l'ancien dirigeant Zaza Kassachvili, aujourd'hui propriétaire d'un restaurant à Tbilissi. Ils donnent une nouvelle dimension au rugby, avec des bases saines."

La sélection géorgienne se base sur un paquet d'avants massif et conquérant. Sept des huit "gros" évoluent en France, dont Gigashvili à Toulon ou Melikidze au Stade Français. Mais depuis quelques années, le style des Lelos s'adapte peu à peu à un rugby international fait de mouvements. Si le combat reste au coeur de son ADN, la sélection compte des trois-quarts de plus en plus mobile, dont certains jouent en Top 14. L'arrière ou ailier Davit Niniashvili grapille du temps de jeu à Lyon, quand le demi de mêlée Vasil Bozhanidze s'est imposé à Brive. Tous deux seront titulaires à Bordeaux dimanche.

"C'est encore en construction derrière, et un peu léger pour rivaliser avec les grandes nations, tempère Dimitri Yachvili. Les Bleus risquent d'avoir des facilités techniques et physiques au niveau des trois-quarts, mais ça va être un combat rude." Malmenée en première mi-temps par une Argentine omniprésente dans les rucks samedi, l'équipe de France sait à quoi s'en tenir. "Les Géorgiens ne sont pas drôles. La culture profonde du rugby géorgien fait que ce match sera très difficile", a d'ailleurs prévenu Willam Servat, entraineur adjoint du XV de France dans L'Equipe.

Preuve que les Bleus ne négligent pas la Géorgie pour un sou, la composition alignée dimanche ne s'apparente pas vraiment à une équipe bis. Et ce même si les All Blacks seront au menu six jours plus tard. "Ils ont bien raison de ne pas sous-estimer les Géorgiens, mêmes s'ils se sentent supérieurs", acquiesce Yachvili. "Je suis sûr que ce sera un bon match", s'enthousiasme de son côté Kassachvili. Une rencontre pleine d'émotion pour lui, un des pionniers des Lelos, qui rêvait d'un test-match contre la France depuis plus de vingt ans.

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