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France-Géorgie : l’association Jalibert-Ntamack, une option qui mérite qu’on lui laisse du temps

Le bordelo-béglais, placé à l’ouverture, et son compère toulousain, décalé au centre, enchaînent comme titulaires contre la Géorgie, dimanche (14 heures) à Bordeaux.

Article rédigé par Justine Saint-Sevin, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6 min
Matthieu Jalibert, titulaire au poste d'ouvreur contre l'Argentine au Stade de France, le 6 novembre 2021. (FRANCK FIFE / AFP)

Elle n’a pas fait les étincelles qu’on attendait contre l’Argentine (29-20, le 6 novembre), mais les braises ne demandent qu’un coup de vent pour s’enflammer. Face à la Géorgie, dimanche à 14 heures, la paire d’ouvreurs que constituent Matthieu Jalibert et Romain Ntamack, aura une nouvelle chance de faire apprécier les appuis fracassants, les passes lumineuses et les coups de pieds millimétrés qu’on leur connaît. Malgré une première poussive durant laquelle le duo (avec Jalibert positionné en 10 et Ntamack en premier centre) n’a pas su s’exprimer dans une équipe longtemps bousculée, le staff du XV de France a décidé de reconduire l’expérience. 

"50 minutes ensemble, ça ne suffit pas. Là, on recommence avec une semaine de vécu supplémentaire, des entraînements. Il y a aussi la partie émotionnelle du travail à prendre en compte et l’analyse, tout ça doit nous permettre d’être plus performants."

Fabien Galthié, sélectionneur des Bleus

en conférence de presse d'avant match, vendredi

Le sélectionneur des Bleus, Fabien Galthié, et ses adjoints ne voulaient pas rester sur le "sentiment d’inachevé" d’une association qui n’aura duré que 54 minutes. Contre l’Argentine, Romain Ntamack avait été remplacé par Jonathan Danty, dans une série de changements destinés à ramener de la densité physique au centre du terrain. Avant sa sortie, Jalibert et Ntamack n’avait pu échanger que trois passes, dont deux sous pression et sans jamais pouvoir évoluer dans des phases de jeu rapide que les deux affectionnent tant.

Une décision logique de retenter l'expérience pour David Darricarrère. L’ancien demi d’ouverture et actuel entraîneur des trois quarts de Castres avait notamment encadré Romain Ntamack en moins de 20 ans chez les Bleus. "Ils ont raison de les reconduire, il faut qu’ils trouvent des connexions. C’est dur, c’est un premier match, ça ne se trouve pas comme ça. Les entraînements ne suffisent pas, il faut être un peu patient. C’est intéressant de les revoir dans un contexte différent que face à des Argentins très agressifs, qui nous ont fait mal sur les rucks. Il ne faut pas de suite les enterrer."

Des repères à peaufiner pour le duo

Si, comme le soulignait le patron des Bleus, le Toulousain doit "améliorer son jeu" quand il est positionné au centre et "sa communication avec Matthieu Jalibert", pour David Darricarrère il n’y a pas de doute sur sa capacité à performer à ce poste au niveau international. "Quand on a été champion du monde (en 2018 et 2019 avec les moins de 20 ans), Romain était au centre et associé à Carbonel qui jouait 10, en quarts, en demi-finales et en finale." Et puis, rappelons-le, s'il est devenu l'ouvreur numéro 1 dans la hiérarchie des Bleus, Romain Ntamack a au moins autant brillé avec son club au poste de centre qu'à l'ouverture.

"Jalibert et Ntamack sont des joueurs de classe mondiale se serait dommage de ne pas essayer de les avoir les deux sur le terrain."

David Darricarrère, entraîneur de Castres

à franceinfo : sport 

Se passer d'autant de talents et faire une croix définitive après une aussi courte tentative paraîtrait précipité. D'autant que, comme le souligne l'ancien entraîneur des Bleuets, la réussite de la doublette Jalibert-Ntamack pourrait apporter "une grande vitesse", caractéristique de jeu chère au sélectionneur du XV de France. "Associer Carbonel et Ntamack en moins de 20 ans nous avait amené un boost incroyable, au niveau du jeu, du jeu au pied. Grâce à cet apport technique, tout allait plus vite. On peut en attendre au moins autant de Jalibert-Ntamack." Brillants chacun de leur côté, ils doivent apprendre à l’être à deux. 

Une nouvelle stratégie à digérer 

Mais le bon fonctionnement de cette association ne dépend pas uniquement des deux hommes. Si la paire a eu du mal à s’exprimer, c’est aussi car ses coéquipiers n’ont pas réussi à l'installer dans un fauteuil. Des avants dominateurs permettent à la charnière et plus globalement aux lignes arrières de gagner de précieuses secondes, celles qui permettent de prendre la bonne décision, de déterminer le bon intervalle, d’user du pied ou de ses mains et ainsi de servir ses coéquipiers dans les meilleures conditions. Bousculée contre l’Argentine, la paire a manqué de temps.

Romain Ntamack embourbé dans la défense argentine, le 6 novembre 2021, au Stade de France. (FRANCO ARLAND / HANS LUCAS)

En densifiant son XV de départ contre la Géorgie avec les entrées de Uini Atonio en pilier, de Romain Taofifenua en deuxième ligne ou encore de Grégory Alldritt et Sekou Macalou en troisième ligne, le staff espère leur proposer une assise plus confortable. Car "ce ne sont pas deux joueurs qui vont changer le jeu de l’équipe, c’est l’ensemble des joueurs qui doit s’adapter à une organisation différente", exposait Galthié en conférence de presse, vendredi. 

"On a des problèmes de riches. C’est évident que les deux sont des ouvreurs de classe mondiale. La charnière Dupont-Ntamack est l’une des meilleures charnières du monde, voir dans le Top 3. La question centrale, c’est de déterminer comment on veut mener le jeu. Il y a un certain confort dans le fait de pouvoir faire ces choix-là."

David Darricarrère, entraîneur de Castres

à franceinfo : sport

Une option à s'approprier pour être champion du monde ?

Selon l’ancien ouvreur, cette option Jalibert-Ntamack est avant tout un choix stratégique, qui a une incidence directe sur le jeu que veut proposer l’équipe de France. Placer Ntamack au centre, alors que le XV de France fourmille de talents à ce poste, ne veut pas dire qu'une croix est faite sur les options précédentes. "Il faut rappeler qu’on a de très bons centres, avec Vincent, Vakatawa, Fickou, ils étaient indispensables et tournaient jusqu’à présent tous les trois. Ça jouait bien avant. Là,c'est juste qu'on est dans une recherche d’une autre option sur laquelle pouvoir se reposer."

En effet, les absences sur blessures d’Arthur Vincent et de Virimi Vakatawa ont simplement permis au staff de tester une association qui leur trottait dans la tête depuis un moment. "C’est le moment parfait. Si on a besoin de se rabattre sur cette option un jour, il ne faut pas que ce soit une surprise pour les joueurs", complète Darricarrère. 

L’option est d’autant plus alléchante que c’est en associant ses deux ouvreurs (Ford et Farrell) lors de la précédente Coupe du monde au Japon que les Anglais ont offert un rugby flamboyant, faisant même tomber les All Blacks (19-7) en demi-finales pour se hisser jusqu’en finale. Si cela n’a pas suffi pour décrocher le titre face à l’Afrique du sud, leur parcours a marqué les esprits et le jeu tout en vitesse, basé sur une défense agressive, fait formidablement écho au style que souhaite développer le staff des Bleus.

Un style qui avait d’ailleurs mené les moins de 20 ans vers leur premier titre de champion du monde en 2018, puis en 2019. Un style alors porté par une génération dorée, parmi laquelle se trouvaient - coïncidence - Romain Ntamack, Arthur Vincent, Cameron Woki, Demba Bamba, Louis Barassi, Killian Geraci ou encore Matthis Lebel. Depuis, ces derniers, qui se régalent dans ce jeu tout en vitesse que pourrait consacrer le duo Jalibert-Ntamack, sont tous venus toquer à la porte du XV de France. Pas de doute qu'ils seront de précieux alliés pour développer cette option stratégique supplémentaire. Le staff des Bleus n'a rien à perdre à ajouter une nouvelle corde à son arc pour mener à bien la quête d'un sacre mondial à la maison, en 2023.

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