Cet article date de plus de trois ans.

Rugby : "Sur les commotions cérébrales, on est sans doute le pays le plus en avance", assure Roger Salamon, le président du Comité médical de la FFR

Le président de la Commission médicale de la FFR fait le point sur les mesures en place, les pistes étudiées et la volonté de montrer l’exemple sur le thème de la santé des joueurs.

Article rédigé par franceinfo: sport - Maÿlice Lavorel
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 7min
Le pilier du LOU Demba Bamba sort sur protocole commotion lors du match contre La Rochelle, le 10 novembre 2019. (MAXIME JEGAT / MAXPPP)

Son geste a fait le tour du monde. Le 18 septembre dernier, lors du match entre Castres et Bordeaux-Bègles en Top 14, le Castrais Ryno Pieterse a été exclu pour un violent plaquage, haut et en retard, sur la poitrine de Maxime Lucu qui était en l'air après un coup de pied. Le genre de jeu dangereux que les acteurs de la discipline ne veulent plus voir. Dernièrement, les actions en faveur de la protection et de la sécurité des joueurs sur le terrain se sont multipliées. Explications avec le professeur Roger Salamon, président du Comité médical de la Fédération française de rugby (FFR).

Franceinfo: sport : Quels protocoles existent aujourd'hui pour protéger les joueurs sur le terrain ?

Roger Salamon : Il y a des choses qui sont faites en prévention, en prise en charge et en surveillance. Pour la surveillance, on essaye d'observer et de mesurer les blessures. On fait ce travail en particulier dans le rugby amateur, qui était un peu délaissé jusque-là. On a lancé une grosse enquête l'année dernière entre l'université de Bordeaux et la Direction technique nationale de la Fédération française de rugby, qui a touché 252 clubs, et qui a permis d'observer plus de 15 000 blessures (sorties de terrain sans retour). On a pu regarder lesquelles étaient les plus importantes, lesquelles étaient susceptibles de bénéficier d'une prévention. Cette surveillance nous permet de savoir que c'est le plaquage qui entraîne le plus de blessures, que les femmes et les hommes subissent de la même manière... Ce sont des modalités qu'il est important d'objectiver.

De la même manière, il y a une surveillance pointue, particulièrement dans le rugby professionnel, de tout ce qui est commotion cérébrale. Tous les matchs sont revus à la vidéo par des médecins qui notent tout ce qui s'est passé et qui peut avoir un lien avec une commotion cérébrale qui n'aurait pas été perçue pendant le match.

En quoi consiste le volet prévention ?

La Direction technique nationale (DTN) a mis en place un certain nombre de mesures pour essayer de diminuer le nombre de blessures. Un entraînement spécial qui a été mis sur pied pour apprendre à bien plaquer. On va le tester sur une cinquantaine de clubs, et comparer avec d'autres qui continueront à faire un entraînement habituel, pour voir si ça diminue bien les blessures en nombre et en gravité. Des chasubles de couleur ont aussi été définies pour bien montrer, aux jeunes joueurs en particuliers, les endroits où il faut bien plaquer.

Quand les chocs sont là, comment sont-ils pris en charge ?

En France, en particulier sur les commotions cérébrales, on est sans doute le pays le plus en avance sur le plan de la prise en charge. Notamment parce qu'on a beaucoup de neurologues et de neurochirurgiens qui sont intéressés par le rugby et qui deviennent des spécialistes indépendants. La FFR désigne pour chaque match professionnel un médecin indépendant, qui peut faire sortir un joueur dès qu'il y a un risque.

Les chocs, on ne peut pas totalement les éviter, il faut apprendre à les gérer

Roger Salamon

à franceinfo: sport

Quand l'un d'entre eux est victime d'une commotion cérébrale, on lui fait passer toute une batterie d'examens (appelés HIA 1, 2 et 3), pour savoir s'il peut revenir sur le terrain au bout de dix minutes, s'il peut rentrer chez lui deux heures après la rencontre, ou s'il y a besoin de se rendre dans un service spécialisé à l'hôpital auprès d'un neurologue. Ces neurologues indépendants qui acceptent de faire ça couvrent toute la France, c'est une prise en charge assez remarquable.

D'autres pistes sont-elles explorées pour continuer de garantir au mieux la protection des joueurs ?

Il y a un projet international, auquel on est associé, de protège-dents qui recueilleraient des informations sur la violence du plaquage, qui permettraient d'établir des liens possibles avec les commotions cérébrales, selon une technologie moderne. Ça rentre aussi dans la partie prévention. 

À deux ans de la Coupe du monde en France, y a-t-il une volonté d'afficher une certaine dynamique sur ces questions ?

Il y a aussi une volonté de montrer l'exemple, oui. Mais on met le paquet là-dessus pour plusieurs raisons, la première étant de protéger les joueurs évidemment. La deuxième, c'est de partager de bonnes informations sur le sujet. On craint que les parents n'inscrivent plus leurs enfants au rugby, que ça diminue le nombre de licenciés, et que ça empêche des jeunes de jouer au rugby, alors qu'on est persuadés que c'est un sport formidable pour la formation physique, psychologique et collective des enfants.

La troisième raison, c'est l'inquiétude de ce qu'on apprend des États-Unis, où un certain nombre de joueurs de football américain, développent des symptômes de type démentiels, qui seraient attribués aux commotions cérébrales, dix ans, vingt ans, trente ans après avoir arrêté de jouer. Et il y a une quatrième raison, ces commotions cérébrales commencent à soulever des questions de judiciarisation dans le monde anglo-saxon, des joueurs commencent à considérer qu'on ne les a pas assez protégés, et intentent des procès.

C'est notamment le cas de Steve Thompson, ancien international anglais et vainqueur de la Coupe du monde en 2003, atteint de démence… 

Exactement. Tout ce que j'ai décrit avant, que ce soit la prévention, la surveillance, la prise en charge, doit protéger tout le monde au mieux, pour éviter des cas semblables. Mais il ne faut pas oublier que le risque zéro n'existe pas.

Peut-on aussi jouer sur le volet des sanctions pour jeu dangereux ? Sont-elles toujours à la hauteur ?

En tant que spectateur, je trouve parfois que c'est excessif, comme certains peuvent le penser. Mais en tant que médecin et président de la commission médicale, je trouve que c'est très bien. On a vu le cas récemment de Ryno Pieterse (suspendu 12 semaines après son plaquage dangereux contre Maxime Lucu le 18 septembre), qui, pour le coup, n'a pas à se plaindre de sa sanction, parce que c'était une très grosse faute. On en a la preuve, de nos jours, il y a moins de blessures et de commotions cérébrales parce que les joueurs font attention et arrêtent de plaquer en haut. C'est bien que les arbitres jouent le jeu, c'est aussi une façon de protéger les joueurs.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.