JO de Sotchi : pourquoi les athlètes françaises sont autant à la traîne
La France est 10e au classement provisoire des médailles. Mais pas grâce à ses sportives...
Le constat est sans appel. Sur les 11 médailles décrochées par les Français aux Jeux de Sotchi (décompte arrêté au 19 février), seules deux l'ont été par des athlètes féminines : Corinne Mattel en saut à ski et Chloé Trespeuch en snowboardcross. C'est peu. Un coup d'œil dans le rétroviseur montre que le bilan des Françaises n'a pas toujours été si mauvais. Jusqu'au début des années 2000, ce sont les championnes françaises qui, bien souvent, sauvaient le bilan tricolore. Mais au classement féminin des JO de Vancouver, les Bleues n'atteignaient que la 22e place, contre le 12e rang au classement mixte. Comment expliquer ce déséquilibre ?
Les têtes d'affiches sont absentes
Première explication évidente : avec Tessa Worley et Marion Rolland dans l'équipe, respectivement championnes du monde de slalom géant et de descente en 2013, le bilan des Bleues aurait assurément une autre allure. Les deux se sont blessées, à quelques semaines d'intervalle, fin 2013.
Il y a plus d'athlètes hommes
Si les hommes obtiennent plus de médailles à Sotchi, c'est qu'ils sont plus nombreux. 79 hommes contre 41 femmes. Deux tiers d'hommes et un tiers de femmes : on retrouvait déjà cette proportion au sein de la sélection tricolore aux Jeux de Vancouver et de Turin. Est-ce une fatalité ? Non.
Chez les meilleures nations, la tendance est différente : à Sotchi, les Allemandes sont majoritaires avec 76 sportives et 75 sportifs. A Vancouver, en 2010, elles avaient contribué à plus de la moitié de la moisson en remportant 18 des 30 médailles de l'Allemagne.
D'ailleurs, plusieurs pays ont délibérément misé sur le sport féminin pour gonfler leur bilan. L'Australie s'est lancé, par exemple, dans une politique volontariste en envoyant 31 femmes (sur 60 athlètes) à Sotchi. Et il ne s'agit pas de faire de la figuration : les Australiennes représentent plus d'espoirs de médailles que les hommes, relève l'universitaire Emma Sherry sur le site The Conversation (en anglais). Leur secret, c'est une politique volontariste de développement du sport féminin (accompagnement des études, allocations en fonction des performances, budget en constante hausse), encore timide en France.
Les athlètes hommes sont davantage aidés
Une étude du Sénat (PDF), parue en 2011, signale les disparités des allocations versées par le ministère des Sports aux "athlètes de haut niveau". En moyenne, les athlètes féminines étaient aidées à hauteur de 2634,29 euros par mois en 2009, contre 3095,25 euros pour leurs homologues masculins. D'après le ministère des Sports, "cette différence s’explique par le fait que les femmes sont moins nombreuses que les hommes à percevoir une prime à la performance, qui constitue l’un des volets de cette aide". Résumons : les athlètes féminines sont moins aidées, réussissent donc moins bien, sont donc moins médiatisées, ont donc moins de sponsors que leurs homologues masculins et sont donc moins incitées à poursuivre leur carrière. Vous avez dit cercle vicieux ?
Les revenus des athlètes féminines dépendent aussi fortement de leur physique, puisqu'il est bien plus courant d'utiliser l'image des championnes à des fins commerciales comme ça...
Olympic hopeful @AshWagner2010 is rocking this voluminous look created with @Pantene stylers! pic.twitter.com/44gvbvsahb
— P&G Beauty (@PGBeauty) 10 Janvier 2014
...que pour leurs réelles performances sportives. Comme dans cette publicité :
Même dans les sports où les femmes sont sur-représentées, les hommes se taillent la part du lion. Prenez la fédération des sports de glace, forte de 82% de licenciées. Sur les 57 athlètes de haut niveau aidés par l'Etat et qui représentent la France dans les grandes compétitions, 35 sont des hommes.
Il y a moins d'épreuves pour les femmes
Certes, le saut à ski féminin a fait son apparition aux Jeux, après des années de lutte des féministes canadiennes face au CIO qui trouvait ce sport "pas adapté" au corps féminin. Reste désormais à imposer le combiné nordique (qui allie saut à ski et ski de fond) chez les dames. La discipline dans laquelle brille d'habitude Jason Lamy-Chappuis est la dernière à résister encore à la mixité. Sans parler du fait que le saut à ski féminin ne propose qu'une seule épreuve, contre trois pour les hommes – petit tremplin, grand tremplin et par équipes. Sur l'ensemble des Jeux, les femmes disputent quatre épreuves de moins que les hommes.
Un jour peut-être, le CIO se rendra compte que dans certaines disciplines, les femmes font presque jeu égal avec les hommes, chose impensable aux JO d'été. La différence entre le meilleur et la meilleure au kilomètre, en patinage de vitesse, n'est que de 6 secondes, relève le Washington Post (en anglais) et seulement 85 cm d'écart séparent les hommes et les femmes en moyenne en saut à ski, note Business Insider.
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