A Rio, "tout ce que vont nous laisser les JO, c'est une société encore plus divisée"
Une manifestation se tenait vendredi 5 août, quelques heures avant la cérémonie d'ouverture. Galerie de portrait d'opposants hétéroclites, mais déterminés.
Sur la Praça Saens, la place emblématique des contestataires de Rio, l'heure n'est pas franchement aux réjouissances. A quelques heures de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques, vendredi 5 août, quelques centaines de manifestants ont répondu à l'appel du comité "Rio 2016, os jogos da exclusao" — comprenez "Rio 2016, les Jeux de l'exclusion". Francetv info est allé à la rencontre de plusieurs d'entre eux pour comprendre les raisons de leur colère.
Marina, des anneaux olympiques derrière les barbelés
Avec son t-shirt jaune canari, sur lequel les anneaux olympiques sont cachés par les barbelés, on ne peut pas la rater. Marina dirige un comité populaire contre les Jeux. Pas exactement contre les quelque 10 000 sportifs venus à Rio pour décrocher une médaille, mais contre la politique des autorités brésiliennes et de la ville de Rio en matière d'urbanisme. Pour protester, Marina a aidé à mettre en place une semaine de tables rondes rassemblant intellectuels, militants et habitants victimes des Jeux olympiques. Avec cette manifestation en point d'orgue, consciente que son message risque ensuite d'être noyé dans le flot des actualités sportives. "Nous prévoyons des actions de moindre ampleur pendant les Jeux", concède-t-elle.
Aujourd'hui, Marina espérait voir davantage de manifestants. "Je connais beaucoup de gens qui auraient souhaité défiler mais qui n'ont pas osé venir, assure-t-elle, alors que la police, venue en nombre, commence à encercler la place d'où doit s'élancer le défilé. Depuis les lois d'exception de 2013, tout le monde peut être considéré comme un terroriste. C'est suffisamment flou pour que manifester contre les Jeux puisse rentrer dans cette catégorie." Elle l'assure : son combat continuera après la quinzaine olympique. "Vous savez, dans quelques mois, il y a des élections municipales..."
Inalva, expropriée après 35 ans de favela
Un peu plus loin, Inalva parle un français presque parfait, simplement mâtiné d'un accent brésilien. Elle porte fièrement un t-shirt au nom la Vila Autodromo, son ancienne favela. Un jour, Inalva a reçu une lettre d'expulsion de la mairie. Et pour cause, la Vila Autodromo est située juste à côté du parc olympique. Dans ce quartier, architectes et autorités n'ont laissé en place que 20 maisons sur les 700... Inalva n'a pas fait partie des heureux élus, et a dû s'installer "à la campagne, après 35 ans à la Vila Autodromo". Un crève-coeur pour cette militante qui continue à se battre pour ceux "qui vivent dans les poubelles", qu'ils fassent partie des 22 000 expropriés des Jeux ou pas.
"Tout ce que vont nous laisser les Jeux olympiques, c'est une société encore plus divisée." Et n'allez pas lui dire qu'il est un peu tard pour se rebeller contre les JO. "Je me bats depuis les Jeux panaméricains de 2007, peste-t-elle. Tout ce que ces méga-évènements nous ont apportés, c'est plus de souffrance. Ce n'est pas comme si le gouvernement avait demandé son avis à la population !"
Edneida, chassée par un parking
Les Jeux olympiques, ça bottait bien Edneida. Course, saut, sprint et fond n'ont plus de secrets pour cette prof de sport. Pendant des années, elle a transpiré sang et eau dans un petit stade local, situé près du mythique Maracana. Mais quand le Brésil a obtenu coup sur coup la Coupe du monde et les Jeux olympiques, les ennuis ont commencé.
Le stade d'Edneida a été rasé sur un oukase gouvernemental, pour devenir un parking. Transférée avec ses élèves dans une autre enceinte, elle a été chassée quelques mois plus tard avec la consigne on ne peut plus vague de se débrouiller. "Nous sommes les sans-abris des Jeux olympiques, soupire-t-elle. Je pensais vraiment qu'on allait profiter de l'évènement, en recevoir quelque chose." Son groupe d'élèves a logiquement fondu. Il est passé de 300 à 22 en trois ans. Autant de têtes blondes défavorisées qui n'enfileront plus de baskets. Alors sur le drapeau brésilien qu'elle tient à bout de bras, Edneida a voulu faire passer un message : "Nous voulons un héritage olympique. SOS. A l'aide".
Misako, en stage d'observation avant Tokyo 2020
Parmi les banderoles accrochées aux palmiers de la place Praça Saens, celle de Misako, noire entourée de caractères japonais, n'est pas passée inaperçue. "Non aux Jeux olympiques 2020 à Tokyo ! Revenons sur cette décision !" Misako a lancé le comité contre les Jeux de Tokyo, et passe quelques jours au Brésil pour observer ses homologues de l'autre côté du Pacifique. "J'apprends beaucoup", confie-t-elle.
Entre visite de favelas, manifestations et opérations de sensibilisation, Misako se réjouit : elle va repartir avec plein d'idées pour sensibiliser le Japon. "Ce qui m'a décidé à m'engager, ce sont les images des manifestations géantes à Rio contre la Coupe du monde 2014. Pour le moment, les habitants de Tokyo s'en moquent. Ils se disent que c'est dans longtemps. Mais non, c'est maintenant que ça se joue. Des familles pauvres sont en train d'être expulsées pour agrandir le stade olympique", insiste-t-elle.
De là à imaginer une manifestation monstre dans un Japon où l'on proteste à quelques dizaines en tournant en rond en agitant des pancartes, ou envisager sérieusement une marche-arrière sur l'organisation des Jeux de Pékin ? "On peut toujours essayer ! Si on ne se fixe pas cet objectif, qui le fera ?"
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