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Zagreb-Lyon : sept raisons de ne pas croire à la théorie du complot

L'écrasante victoire du club français (7-1), qui lui permet de se qualifier miraculeusement, a éveillé des soupçons. Tentons de demêler le vrai du faux.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
La joie des joueurs lyonnais après leur victoire 7-1 en Ligue des Champions à Zagreb (Croatie) (HRVOJE POLAN / AFP)

A l'issue de la large victoire de Lyon contre Zagreb en Ligue des champions (7-1) mercredi 7 décembre, quelques blagues ont fusé sur Twitter : "maintenant, la salle de muscu du stade de Zagreb s'appellera la salle Jean-Michel Aulas", "amis lyonnais, il n'y aura pas de fête des lumières jeudi car on a dépensé les derniers sous de la ville". Après vous avoir exposé ici les accusations de la presse espagnole, on peut aussi remarquer que les contre-arguments ne manquent pas.

1- Un gros score pas si rare en Ligue des champions...
L'an passé, en phase de poule, l'OM s'était imposé 7-0 à Zilina, le champion de Slovénie. André-Pierre Gignac avait signé un triplé, ce qui en avait surpris plus d'un. Le PSG qui s'impose 7-2 à Rosenborg, Lyon qui pulvérise 7-2 le Werder de Brême, autant de victoires qui n'avaient pas suscité la controverse. 

Un seul match de Ligue des champions a été officiellement soupçonné de tricherie par l'UEFA, quand Liverpool avait atomisé le club turc du Besiktas en 2007 (8-0). Un score fleuve qui avait fait l'objet d'une enquête, suite à des sommes anormales misées sur ce match dans des paris. Une enquête qui n'a débouché sur rien. 

2- ... et pas si rare tout court
L'OL a mis une fessée à une équipe démobilisée, déjà éliminée de toute compétition européenne et en vacances jusqu'au 18 février. Il n'est pas inconcevable que les défenseurs croates aient levé le pied. Il s'agit là d'un cas de figure courant : les Lyonnais se rappellent peut-être d'une rouste infligée à Marseille lors de la saison 1996-1997 sur leur pelouse de Gerland (8-0). Les exemples de ce type sont légion. Le site de la FIFA propose un récapitulatif des scores les plus larges de ces dernières années.

3- Sur quoi reposent les accusations?
Les accusations de la presse espagnole (Marca et AS, en général premiers à démentir ce qu'ils ont révélé la veille) reposent sur trois points :
- le clin d'œil d'un défenseur croate à Gomis quand l'attaquant lyonnais voulait récupérer le ballon dans les filets pour procéder au coup d'envoi au plus vite ; 
- la faiblesse abyssale de la défense croate ;
- le corps arbitral qui a accepté deux buts hors-jeu des Lyonnais. 

C'est oublier un peu vite que :
- l'entraîneur de l'OL avait aligné une équipe B, pensant que la qualification était compromise ;
- le scénario est tellement incroyable qu'une tricherie paraît difficilement envisageable : les joueurs de Zagreb ont dominé en première mi-temps, avant de s'effondrer après la pause, en 30 minutes ;
- l'expulsion avant la pause du joueur croate Leko (un habitué du carton rouge) est amplement méritée ; 
- la défense de Zagreb avait déjà encaissé quinze buts en cinq matchs de Ligue des champions, dont 6 à Madrid. 
- le président du Dinamo ne se faisait pas beaucoup d'illusions sur la motivation de son équipe avant le match. Il avait même déclaré dans les médias (ici cité dans le mensuel Lyon Capitale) : "Lyon va largement gagner, au moins 3-0. Le Dinamo est éliminé, donc nos joueurs pensent déjà aux filles qu'ils vont pouvoir accoster durant les vacances de Noël dans les hôtels de la Costa Brava ou sur les plages de Rio de Janeiro". 

La joie des joueurs lyonnais après la large victoire de leur club à Zagreb (7-1), le 7 décembre 2011.  (HRVOJE POLAN / AFP)

4- Un truquage difficile à mettre en place
Pour que Lyon se qualifie, il fallait non seulement qu'ils gagnent 7-1, mais aussi que l'Ajax prenne une fessée à Madrid. Ce qui a été possible parce que l'arbitre de ce match, (mal) conseillé par son assistant, a refusé deux buts valables aux Néerlandais. Si l'Ajax avait mis ces deux buts, il n'aurait sans doute pas perdu contre le Real et Lyon aurait été reversé en Ligue Europa. Donc il aurait aussi fallu acheter l'arbitre du match Real-Ajax (qui a été désigné quelques jours avant la rencontre), en plus d'une bonne partie de la défense du Dinamo Zagreb...

Dans son livre Comment truquer un match de foot, le journaliste Declan Hill explique que pour truquer un match, il faut s'arranger avec l'équipe la plus faible, et corrompre les joueurs qui peuvent avoir une influence directe sur le jeu : le gardien et les défenseurs centraux. Mais mercredi soir, après la pause, c'est toute l'équipe croate qui s'est effondrée, pas un ou deux éléments. 

Il est prouvé que de nombreux matchs sont "arrangés" chaque année en Europe. Le dernier scandale en date, en Turquie, le démontre. En revanche, dans une compétition européenne ultra-surveillée, truquer un match est beaucoup plus risqué. 

5- Que change l'enquête de l'ARJEL ?
Rien d'étonnant à ce que l'Autorité de régulation des jeux en ligne ouvre une enquête. L'ARJEL explique que des vérifications sur les paris sont en cours, tout en soulignant que c'est une procédure classique pour tout résultat sportif atypique. Le gendarme des paris sportifs n'a rien détecté d'anormal. 

De toute façon, même si par exemple une mafia asiatique avait truqué le match et que cela se retrouvait sur les volumes de paris, cela ne mettrait pas en cause Lyon.

6- L'entraîneur remercié après le match ? Assez habituel
A la fin du match, l'entraîneur croate Krunoslav Jurcic a été démis de ses fonctions.  Rien d'anormal, vu que le sanguin président du club a remercié jusqu'à quatre entraîneurs pendant l'année 2008. "C'est la plus grave défaite dans l'histoire de Dinamo", a justifié un dirigeant. 

7- Un club sujet à caution ? Pas plus que d'autres
Certes, le Dinamo traîne plusieurs casseroles. Un joueur du club roumain de Timisoara avait révélé en 2008 avoir été approché pour laisser filer un match pour 500 000 euros en provoquant un penalty. Une accusation qui n'a pas été prouvée. 

Mais d'autres clubs traînent des réputations douteuses. L'adversaire de Lille mercredi soir, Trabzonspor, est ainsi impliqué dans un scandale de corruption massif, qui mine le championnat turc. En 2004, le FC Porto avait été mis en cause dans l'affaire de corruption d'arbitre baptisée "le Sifflet Doré", précisément l'année où le club a remporté la Ligue des champions. Quant au championnat belge, il a été régenté par un mystérieux homme d'affaires chinois en 2005. En France, chacun a gardé en mémoire le scandale de corruption VA-OM en 1993.

L'UEFA doit attendre le rapport de son délégué pour ouvrir une enquête. Ce rapport devrait lui être rendu dans les deux jours. L'institution a déjà fait savoir que rien dans les sommes pariées n'était suspect. 

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