: Témoignages "J'aurais préféré vivre une autre vie" : 30 ans après la catastrophe de Furiani, la mémoire à vif des rescapés
Trente années jour pour jour après la catastrophe de Furiani, le 5 mai 1992, la blessure est encore vive pour les rescapés du drame. Franceinfo les a rencontrés.
"Cette nuit, je n'ai pas dormi". Paul Calassi est un rescapé de la catastrophe de Furiani du 5 mai 1992. Il y a trente ans, il était dans le stade de Bastia lorsque les tribunes se sont effondrées, faisant 19 morts et plus de 2 350 blessés. Comme chaque année, Paul redoute cette date de commémoration. "Cette nuit, je n'arrivais pas à trouver le sommeil. Je retrouve tout ce stress, toute cette angoisse..."
Le 5 mai 1992 le temps s’est arrêté à 20h23 avec l’effondrement de la tribune Nord du Stade Armand Cesari.
— Mairie de Furiani (@MairieFuriani) May 5, 2022
Ce qui devait être une fête est devenu la Catastrophe de Furiani, plongeant la Corse dans le deuil.
30 ans plus tard, le devoir de mémoire est plus fort que jamais.#memoria
Comme Paul, nombreux sont ceux dont la blessure de cet instant ne s'est jamais vraiment résorbée. Karine Grimaldi, rescapée elle aussi du drame, se souvient des moindres détails de cette soirée qui allait bouleverser sa vie : l’ambiance de fête avant le match, le changement de tribune au dernier moment. Enfin, la chute vertigineuse dans un fracas assourdissant.
"C'est un souvenir qui ne peut pas sortir de nos mémoires"
"Quand je suis tombée, je me souviens de cette aspiration, de ce choc au sol, de ce bruit, de ce brouhaha, de ces gens qui criaient". Karine avait 18 ans ce 5 mai 1992. Dans la catastrophe, elle a perdu sa soeur cadette, décédée dans la chute. Elle fera trois ans et demi de rééducation, devenue tétraplégique après l'accident.
"Aujourd'hui, il suffit que j'aille quelque part où il y a beaucoup de monde et je me sens oppressée. Dès qu'il y a du bruit, ça me fait sursauter et ça ravive des mauvais moments", raconte-t-elle.
"J'ai la colère, j'ai la haine, ça ne peut pas s'estomper."
Paul Calassifranceinfo
"J'aurais préféré vivre une autre vie, c'est sûr", poursuit la quadragénaire. "Mais j'avais besoin de relever ce défi. Il fallait que je m'en sorte pour mes parents, pour ma sœur qui n'était plus là."
À 73 ans, Paul Calassi, lui-aussi, a connu un long chemin entre les hôpitaux et les centres de rééducation. Malgré un procès et malgré la décision tardive prise à l’automne dernier de ne plus jouer un match de foot un 5 mai, Paul Calassi est toujours en colère. Amputé d’une jambe, il assure avoir toujours "la haine" : "Ça ne peut pas s'estomper car il y a toute ma famille qui doit supporter les conséquences de cette catastrophe."
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"Les stigmates existent toujours qu'ils soient physiques ou psychologiques", a expliqué quant à lui ce jeudi 5 mai sur franceinfo Didier Grassi, porte-parole du collectif de victimes de la catastrophe du 5 mai 1992."C'est un souvenir qui ne peut pas sortir de nos mémoires et ça reste ancré. C'est quelque chose qui reste en nous de façon constante."
Karine assure aujourd’hui être un peu plus apaisée mais elle n’est jamais retournée au stade de Furiani depuis 30 ans, cet endroit, dit-elle, où elle a tout perdu.
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