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Sheffield United, le surprenant promu rêve d'Europe

Présent dans le haut de tableau de la Premier League sans jamais fléchir depuis le début de la saison, Sheffield United est désormais un prétendant sérieux aux places européennes. Le discret promu est une des équipes les plus difficiles à battre en ce moment en Angleterre. Face à Brighton samedi, les Blades tiennent une occasion de monter à la 4e place du championnat. Focus sur le club entraîné par le surprenant coach anglais Chris Wilder.
Article rédigé par Andréa La Perna
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6 min
 

C'est sûrement l'équipe avec l'effectif le moins clinquant du championnat d'Angleterre et pourtant elle pourrait bien se prendre à rêver d'une place pour la prochaine édition de la Ligue des Champions. Sixième de Premier League avant ce week-end, Sheffield United a un joli coup à faire contre Brighton ce samedi (16h). S'il venait à s'imposer contre le quinzième du championnat, le club promu pourrait récupérer la 4e place, synonyme de qualification virtuelle en C1. Mais pour cela, il faudra aussi compter sur un match nul entre Chelsea et Tottenham à Stamford Bridge. Les deux cadors londoniens, respectivement 4e et 5e, n'ont pas une avance suffisante pour ne pas regarder dans leur rétroviseur (les trois équipes se tiennent en 2 points).

La rédemption d'un club historique

Sheffield United a beau faire partie des membres fondateurs de la Football Association, très rares sont ceux ayant misé sur un si bon début de saison de la part des Blades. Le club est une institution dont l'existence remonte à 1889. Mais, sa dernière apparition en première division n'a pas laissé un grand souvenir. Alors promu pour l'exercice 2006/07, les Sorciers rouge et blanc ont directement connu la relégation après avoir décroché une fade 18e place. Par ailleurs, Sheffield United est passé au second plan à la fin des années 1970, au même moment où le déclin de l'activité sidérurgique a affecté la ville ouvrière. En 1979, les Blades vivent leur première descente en troisième division. Ils touchent le fond deux ans plus tard avec un court passage au dernier échelon professionnel.

En League One (D3) il y a encore trois ans, le club du Yorkshire a connu deux promotions pour retrouver la Premier League cette saison. Il a marqué les esprits en rendant la tâche ardue aux monstres que sont Liverpool et Manchester City. Si les actuels deux premiers du championnat anglais se sont tous les deux imposés à Bramall Lane, ils l'ont fait par la plus petite des marges (1-0) et ils ont à chaque fois attendu les 20 dernières minutes pour enfin prendre le dessus. Les Blades ont surtout pour fait d'arme d'avoir battu Arsenal fin octobre (1-0) ou encore d'avoir répondu au retour de Manchester United en novembre (3-3). Et leur forme est actuellement très bonne. Sur ses 13 derniers matches toutes compétitions confondues, Sheffield n'a perdu que trois fois (pour 8 victoires et 2 nuls) : deux fois contre City, une fois contre Liverpool. 

La patte Wilder

Le retour en grâce des Blades est en grande partie à mettre à l'actif de l'entraîneur Chris Wilder, sur le banc depuis 2016. Le technicien de 52 ans a repris Sheffield United en D3. Aujourd'hui, son équipe fait partie des prétendants sérieux à une qualification européenne. "Il maîtrise parfaitement son sujet parce qu'il a connu toutes les divisions du football anglais", raconte Djoumin Sangaré, qui a évolué sous les ordres de Wilder à Oxford United, en 2011. Le défenseur français, aujourd'hui physiothérapeute, décrit un homme méthodique. Au-delà de ses attributions de coach, Chris Wilder agit en premier lieu dans la constitution de son effectif. Observateur, il regarde énormément de matches, en a environ 1000 au compteur en tant qu'entraîneur. Sa connaissance de l'antichambre du football anglais lui a permis de recruter à bas prix.

Quand Sangaré signe à Oxford, c'est parce qu'il avait attisé la curiosité du coach lors de la finale des play-offs à Wembley, 6 mois plus tôt (il évoluait alors à York City). Avant de retrouver la Premier League, Sheffield United a multiplié les achats en dessous des 2 millions de livres. Parmi les joueurs clés du club cette saison, John Fleck est arrivé libre en 2016 quand John Lundstram n'a coûté que 600 000 euros en 2017. Cet été, les investissements ont été revus à la hausse, même si poser 50 millions d'euros sur la table pour s'offrir 10 joueurs est un montant dérisoire à notre époque. Egalement promu cette année, Aston Villa a sorti 150 millions d'euros sur la même fenêtre de transferts. Cet hiver, Sheffield est passé à la vitesse supérieure en s'offrant le convoité Sander Berge pour plus de 22 millions d'euros.

Innovations tactiques

C’est un bon vivant, il est très chambreur avec ses joueurs. Il leur dit : ‘je vais vous mettre bien. Mettez-moi bien’. Et il est très malin dans sa communication, un peu comme Mourinho. Il sait ce qu’il veut et il a toujours une méthode", explique Sangaré. Chris Wilder fait l'unanimité en Angleterre. Apprécié pour le fait d'aligner des onze à très forte majorité britannique et irlandaise, pour son parcours dans les divisions inférieures, son histoire avec Sheffield est particulière puisqu'il y a évolué au poste de latéral droit entre 1986 et 1992. "C'était son rêve d'entraîner Sheffield", se remémore Djoumin Sangaré. L'homme continue de prendre le bus parfois pour rentrer chez lui, et il est fréquent de le croiser au pub avec des amis. Mais, Wilder suscite surtout l'admiration pour son travail sur le pré.

"Je suis très impressionné par ce qu'ils (les joueurs de Sheffield) font. J'apprends en les regardant. Certaines de leurs combinaisons tiennent du jamais vu. C'est grâce à cela qu'ils en sont là où ils sont aujourd'hui", félicitait Pep Guardiola avant de se déplacer à Bramall Lane. Sûr de ses idées, Wilder est le coach qui a effectué le moins de changements de onze de départ depuis le début de la saison. Son 3-5-2 est une valeur sûre. Sur le plan défensif, l'axe est densifié pour forcer l'adversaire à user de centres et ainsi jouer sur la capacité des défenseurs centraux à remporter les duels aériens. Dans l'animation offensive, il demande à ses trois hommes de derrière de s'étirer au maximum, et même de dédoubler, pour constamment créer des surnombres.

"Ce qui m'a surpris (quand je l'ai connu à Oxford en 2011), c'est que, contrairement aux autres coaches des divisions inférieures, il aime le jeu. Tous les exercices à l’entraînement se faisaient avec ballon. L’objectif c’était de produire un jeu de vitesse et d’aller toujours vers l’avant", se souvient Sangaré. Le Français insiste : Wilder est sûr de lui, de ses idées (un peu trop rigide parfois). 9 ans après avoir évolué sous ses ordres, il est surpris de le voir accepter une adaptation, notamment dans sa manière de jouer face aux grosses équipes. Son équipe est désormais réputée pour sa défense de fer, la deuxième de Premier League avec seulement 24 buts encaissés.

Si Sheffield n'a pas les capacités financières de Manchester United, le club peut compter depuis 7 ans sur la présence d'un prince saoudien. Entré au capital du club en 2013, lorsque le club naviguait en 3e division, Abdullah Bin Mossad Bin Abdulaziz Al-Saoud a peu à peu remis le club sur les bons rails, sans injecter de sommes colossales. A l'époque, il obtient 50% du capital pour un livre sterling avec la promesse d'investir environ 10 millions de livres (environ 11 millions d'euros). Malgré des démêlés avec Kevin McCabe, à l'époque détenteur de 50% des parts restantes, le Saoudien a fini par devenir l'actionnaire majoritaire depuis la fin 2019 et le club est à présent plus apaisé en coulisses.

Les plus optimistes prédisent un destin à la Leicester (champion en 2016) pour les Blades, au sens où le promu pourrait s'installer parmi les meilleures équipes. Il n'est cependant pas question de parler de titre tant Liverpool tyrannise le championnat (76 points pris sur 78 possibles). Le contexte qui a permis à Leicester d'être titré il y a quatre ans était bien plus ouvert. Mais rarement un promu aura réussi à jouer les premiers rôles aussi vite, avec un projet de jeu cohérent et sans mobiliser d'énormes sommes d'argent.

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