Ligue Europa : après deux ans de guerre, le Shakhtar Donetsk toujours contraint à l'exil pour recevoir l'OM

Obligé de jouer ses matchs de Coupe d'Europe à l'extérieur en raison de l'invasion russe, le club ukrainien recevra l'OM à Hambourg en Allemagne, jeudi.
Article rédigé par Anna Carreau, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
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Les joueurs du Shakhtar Donetsk remercient le public après le match face à Anvers, le 28 novembre 2023. (EIBNER-PRESSEFOTO/MARCEL VON FEHRN / EIBNER-PRESSEFOTO)

Presque deux ans après le début de l'invasion russe en Ukraine, le Shakhtar Donetsk affronte, jeudi 15 février, l'Olympique de Marseille en barrages de Ligue Europa "chez lui", au stade Volksparkstadion de Hambourg (Allemagne). Déjà exilés à Kiev depuis 2014 et le début du conflit dans le Donbass, les Mineurs continuent tant bien que mal à jouer au football, entre un championnat ukrainien sous haute sécurité et des voyages complexes pour disputer la Coupe d'Europe.

"En championnat, on fait la plupart de nos trajets en bus parce que l'espace aérien ukrainien est toujours fermé à cause de la guerre", explique à franceinfo: sport Oleksandr Zubkov, ailier du Shakhtar et international ukrainien (29 sélections). La Premier-Liha, le nom du championnat local, a repris en août 2022, six mois après les premières bombes envoyées par Vladimir Poutine sur le territoire ukrainien. Des rencontres jouées sans public, avec des clubs souvent obligés de délocaliser leurs matchs au gré des batailles et des protocoles très stricts pour la moindre alerte au bombardement.

Un quotidien près des bombes, loin des proches

Le Shakhtar Donetsk, lui, a dû quitter le stade olympique de Kiev pour poser ses valises à Lviv, tout à l'ouest du pays, où les bombardements se font plus rares et où la proximité avec la frontière polonaise permet au club de voyager pour les rencontres européennes. "À cause de la guerre, presque tous les joueurs vivent à l'hôtel, décrit Zubkov. C'est comme si nous étions en camp d'entraînement tous les jours, avec tous les jours le même programme, les mêmes activités. C'est assez ennuyeux."

L'international ukrainien a laissé sa femme et sa fille à Varsovie et ne peut les retrouver qu'à l'occasion des matchs de coupe d'Europe, lorsqu'elles font les déplacements pour chaque rencontre. Lui n'a pas le droit de quitter l'Ukraine en raison de la loi martiale. "Parfois, elles viennent passer juste une semaine ici, quand c'est calme. Mais nous ne voulons pas que notre fille entende les roquettes." Les soirées européennes revêtent donc un caractère très particulier pour lui et les autres joueurs ayant fait le même choix pour leurs proches.

Le Shakhtar est contraint de disputer ses matchs de Ligue Europa loin des frontières ukrainiennes. La saison passée, c'est le Legia Varsovie qui accueillait les Mineurs (surnom des joueurs du Shakhtar) dans son enceinte. Cette saison, c'est le HSV. "Hambourg est devenu notre maison, on a eu de bons résultats ici en Ligue des champions et on a un super public, qui crie, qui chante, qui nous encourage", sourit Oleksandr Zubkov, qui rappelle tout de même que lui et ses coéquipiers doivent faire "huit à dix heures de trajet" pour jouer "à la maison".

Le retour des Brésiliens au Shakhtar

Avant d'affronter Marseille, le Shakhtar mettra un peu moins de temps pour atteindre la ville du nord de l'Allemagne. Le club ukrainien, qui a joué son dernier match en compétition officielle le 13 décembre 2023 (défaite 5-3 face au FC Porto), est, depuis, en présaison en Turquie et fera le trajet directement par les airs. Sans avoir à passer les check-points en bus pour quitter le territoire ukrainien et rejoindre l'aéroport polonais le plus proche. Le championnat ukrainien, lui, ne reprendra que le 26 février.

"Notre saison est un peu particulière, on a vécu presque deux ou trois périodes différentes. On a eu trois coachs différents. Depuis que Marino Pusic est arrivé, on aime notre façon de jouer et on a pris beaucoup de points", défend Oleksandr Zubkov, alors que le Shakhtar, habitué aux premières places, pointe en 4e position. Avec des motifs d'espoir puisque cet hiver, le club détenu par le richissime oligarque ukrainien Rinat Akhmetov a dépensé 24 millions d'euros pour deux Brésiliens très prometteurs : Kevin et Marlon Gomes. Son mercato le plus dépensier depuis le début de l'invasion.

"Pendant la présaison cet hiver, on s'est dit, tous ensemble, que notre objectif c'était les demi-finales de la Ligue Europa, surenchérit le passeur décisif face au FC Barcelone lors de la victoire historique du Shakhtar (1-0). On a fait une bonne préparation, on est optimiste. Les joueurs brésiliens apportent toujours des choses inhabituelles que ça soit une technique incroyable ou du sourire à l'entraînement. J'espère donc qu'ils nous aideront."

Un appel au soutien international

Au-delà de l'enjeu de la double confrontation décisive face à l'Olympique de Marseille (les 15 et 22 février), Oleksandr Zubkov est conscient que ce genre de rencontres est aussi une occasion de témoigner de la réalité d'une guerre qui dure : "En 2014, j'habitais à Donetsk et j'ai dû partir [à cause des Russes]. Je n'ai jamais pu y retourner. Puis neuf ans après, je dois de nouveau déménager. Qu'ils nous laissent tranquilles. Il faut que les gens sachent qu'on continue de lutter face à un voisin très méchant."

Le conflit est omniprésent dans la vie du vestiaire qui "passe son temps à lire les boucles d'informations sur Telegram". "Aujourd'hui nous connaissons tous un ami, un membre de la famille ou un proche qui est parti défendre l'Ukraine, explique l'ailier de 27 ans. Grâce à eux, nous pouvons continuer de jouer au football, donc nous les aidons du mieux que nous pouvons." Face à Marseille, la victoire serait aussi un peu pour eux.

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