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Ligue des champions : Radamel Falcao, un pur produit du "football business" depuis sa plus tendre enfance

L'attaquant de l'AS Monaco n'est pas qu'un formidable joueur. C'est une machine à cash pour qui sait se greffer dans son entourage. En 15 ans, il a généré 130 millions d'euros de transferts.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
L'attaquant monégasque Radamel Falcao lors du 8e de finale de Ligue des champions opposant son équipe à Manchester City, le 21 février 2017. (LAURENCE GRIFFITHS / GETTY IMAGES EUROPE)

Radamel Falcao est un symbole. A double titre. Son retour à la pointe de l'attaque monégasque après deux prêts ratés en Angleterre matérialise le retour des ambitions de l'AS Monaco, devenue meilleure attaque d'Europe cette saison. La défense de Manchester City, qui va se frotter aux Monégasques mercredi 15 mars, en 8e de finale retour de la Ligue des champions, est prévenue. Le Colombien Falcao représente aussi toutes les combines en matière de transferts depuis quinze ans. Une forme de chronique financière à lui tout seul des dérapages du mercato.

Découpé en tranches dès ses 14 ans

Le talent du petit Radamel ne passe pas longtemps inaperçu à Chia, dans la banlieue de Bogota (Colombie). Silvano Espindola, alors entraîneur de jeunes (il s'est reconverti comme pasteur en Floride depuis), lui met le grappin dessus. Le jeune joueur intègre son école de foot, Fair Play, comme le raconte The Independant (en anglais).

Falcao quitte la Colombie en 2001 et rejoint, à seulement 14 ans, le prestigieux club argentin de River Plate, moyennant 380 000 euros. D'après Marca, River Plate obtient 50% des droits sportifs du joueur, la famille 30%, Silvano Espindola 10% (via son académie) et l'agent dépêché par River Plate, Nestor Sivori, 10% aussi. "Quatorze ans, ça me paraissait très jeune pour quitter son pays et sa famille", racontera Nestor Sivori à So Foot.

Le départ du nid familial aurait toutefois pu se produire encore plus tôt : Silvano Espindola, le pasteur-mentor de Falcao, s'était opposé à une offre de l'Ajax Amsterdam, distant de 9 000 km de Bogota. "Nous avons dit non. C'était très loin, dans un pays qui parle une langue très différente de l'espagnol, et un pays sans beaucoup de principes moraux", se souvient Espindola dans le livre Sueños de gol : El origen de las estrellas.

Détenu par un fonds d'investissement

Les sacro-saints principes moraux tournent au vinaigre quand les clubs huppés se bousculent, carnet de chèques à la main. Plus que la perspective d'accueillir un crack en leur sein, c'est la plus-value potentielle qui fait tourner les têtes. Le club argentin de Vélez Sarsfield propose par exemple de racheter 90% des droits sportifs du joueur en échange d'un joli contrat.

En 2008, les Espagnols de La Corogne entrent aussi en négociations avancées avec River Plate. L'affaire capote à cause d'un différend dans le clan colombien. "Fair Play voulait un pourcentage plus élevé que ce qui était convenu. Le transfert à La Corogne a échoué car ma famille n'aurait pas reçu la part qui lui était due", dénonce Radamel Falcao, cité par le site argentin MDZol.

Un an plus tard, Falcao atterrit finalement au FC Porto, au terme d'une lutte acharnée, moyennant... 5 petits millions de dollars. Une somme sous-évaluée ? C'est ce qu'affirme Espindola, qui brandit un document où River Plate s'engageait noir sur blanc à ne pas céder son joueur contre moins du double – ce qui aurait permis à l'agent de toucher un million de commission. Le contexte sportif peut expliquer la faiblesse de la somme : à l'époque, River se traîne en fin de classement du championnat et a besoin d'argent. L'affaire traîne toujours en justice.

L'attaquant de l'Atlético Madrid, Radamel Falcao, fête un but lors de la finale de la Ligue Europa, le 9 mai 2012, à Bucarest, contre l'Athletic Bilbao. (SCOTT HEAVEY / GETTY IMAGES EUROPE)

On apprendra par la suite que le club portugais n'a acquis que 60% des droits du joueur avec cette somme. Et que le tout-puissant fonds d'investissement Doyen Sports a avancé l'argent pour la majorité de la somme. Porto finira par acquérir officiellement 95% du joueur. Les 5% finissent dans la poche de... Devinez ? Un fonds d'investissement néerlandais, explique le Jornal de Noticias (en portugais).

Dans l'ombre, Doyen Sports détient la majorité des droits sportifs du joueur. Et a tout intérêt à le revendre à prix d'or à court terme chez un grand d'Europe. Comme on n'est jamais aussi bien servi que par soi-même, le fonds d'investissement aide l'Atlético Madrid à racheter la pépite 40 millions d'euros après deux saisons au Portugal. Cette fois, Doyen a abondé à hauteur de 33% dans la transaction, expliquera son patron dans L'Equipe. Un coup de billard à deux bandes qui va rapporter gros.

Représenté par le plus puissant agent d'Europe

A l'été 2013, "El Tigre" signe à Monaco moyennant 60 millions d'euros, record de France à l'époque. Une somme... dont l'Atlético Madrid ne verra pratiquement pas la couleur. Les Colchoneros n'auraient touché que 5 malheureux millions à cause de leurs traites en retard à payer à Porto, de la part du lion que se taille Doyen Sports dans la somme, et car Falcao, courtisé par Chelsea à l'été 2013, a négocié une part du gâteau contre une année de plus sous le maillot rouge et blanc.

L'agent qui a négocié l'affaire, Jorge Mendes, s'arroge 6 millions d'euros... pour se débarrasser de Doyen Sports. Le torchon brûle entre l'agent le plus puissant d'Europe et le fonds d'investissement sur lequel il s'appuyait quelques années plus tôt. Victime collatérale de la guéguerre des agents, Nestor Sivori, qui avait accompagné les premiers pas de Falcao en Argentine. "Je n'ai même pas essayé de rencontrer Mendes pour négocier quelque chose."

A l'époque, il se murmure que Monaco n'est qu'une étape de courte durée dans la carrière du joueur colombien. Que Jorge Mendes l'a fait passer par la case monégasque uniquement pour solder l'épisode Doyen Sports. Ce que laissent entendre les textos échangés par les patrons de Doyen Sports révélés par les "Football Leaks" : "Il a choisi Monaco ce bâtard !" C'est effectivement Mendes qui a présenté l'attaquant colombien au milliardaire russe qui préside aux destinées du club monégasque, Dimitri Rybolovlev, indique le magazine économique colombien Dinero.

L'attaquant colombien Radamel Falcao fête son but marqué pour Monaco sur la pelouse de Manchester City en 8e de finale de la Ligue des champions, le 21 février 2017. (ALEX LIVESEY - UEFA / UEFA)

Ce que semblait aussi confirmer le prêt payant de Falcao à Manchester, moyennant 10 millions d'euros (dont un dans la poche de Mendes) un an après son arrivée. Puis celui à Chelsea – contre environ 6 millions – d'un Falcao un peu démonétisé par sa saison en demi-teinte chez les Reds. Par défaut, le Colombien est revenu à Monaco cette saison pour enfin briller à la pointe de l'attaque d'une équipe joueuse. Mais pour combien de temps ?

Cet hiver, le club chinois de Tianjin a révélé qu'il s'apprêtait à engager Falcao. "Les contrats étaient rédigés, le prix et le salaire avaient été discutés". Qu'est-ce qui a fait capoter l'affaire ? Deux versions s'opposent. Soit parce que le gouvernement chinois a durci les règles pour aligner des étrangers dans le championnat local. Ou alors parce que l'entraîneur du club chinois a finalement changé d'avis. "Nous nous sommes platement excusés auprès de Jorge Mendes", a fait savoir le club.

Ce n'est peut-être que partie remise, tant le parcours de Falcao semble épouser les contours mouvants de la mondialisation financière (et un peu sportive) du football.

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