: Enquête Mediapro : on vous explique comment le match LFP-Canal+ sur les droits télé a poussé tout le football français au hors-jeu
Le Covid-19 a bon dos. Le fiasco Mediapro, qui a conduit les clubs de football français au bord du gouffre, trouve ses racines dans la bataille souterraine que se mènent Canal+ et la Ligue de football professionnel (LFP) depuis des années. Un accident industriel qui révèle les fragilités d'un modèle économique à bout de souffle.
Le 7 octobre 2020, Jaume Roures, le président de Mediapro, lâche une bombe dans L'Équipe : "Nous voulons rediscuter le contrat de cette saison. Elle est très affectée par le Covid-19." L'homme qui avait fait rêver les dirigeants du foot français en raflant 80% des droits de diffusion de la Ligue 1 pour 780 millions d'euros (1,153 milliard au total avec le lot emporté par BeIn Sports) devient leur pire cauchemar. Le groupe sino-espagnol acte son départ deux mois plus tard, après avoir négocié un accord de sortie. La Ligue de football professionnel (LFP) n'a d'autre choix que de retourner, pour la moitié du tarif initial, chez Canal+, que son appel d'offres "machiavélique" avait sorti du terrain après 34 ans de bons mais pas forcément loyaux services.
Les relations entre Canal+ et la Ligue étaient dégradées. L'arrivée de Mediapro, à l'initiative de la LFP, n'a été que le dernier épisode d'un affrontement larvé qui durait depuis vingt ans. Ce que la Ligue ne pouvait pas prévoir, c'était l'arrivée du Covid-19. Ce qu'elle aurait pu anticiper en revanche, c'est que les données de son modèle économique avaient changé depuis le début des années 2000, et que sa quête perpétuelle de nouveaux acheteurs risquait de la conduire dans le mur. La cellule investigation de Radio France refait le match et revient sur plus de vingt ans d'appels d'offre et d'un jeu dangereux entre la Ligue et les diffuseurs.
1999 : la surprise TPS, "presque un Mediapro avant l'heure"
Le premier accroc dans le mariage d'argent, mais heureux, que vivaient Canal+ et la Ligue nationale de football, son nom de l'époque, date de 1999. Après 15 ans de monopole sans partage, la chaîne cryptée voit débarquer le bouquet TPS (filiale de TF1 et M6). La Ligue doit alors organiser, pour la première fois, un appel d'offres pour déterminer qui aura le droit de diffuser ses matchs. À l'ouverture des enveloppes, stupeur... TPS a gagné. "Nous avions sans doute pêché à cause de l'habitude confortable du monopole, admet aujourd'hui Pierre Lescure, l'ancien patron de Canal+. Mais les dirigeants de la Ligue se sont fait peur. Ils se sont dit : 'On joue avec les allumettes, TPS n'a que 700 000 abonnés, vont-ils pouvoir rentabiliser leur investissement ?' C'était presque un Mediapro avant l'heure."
"La réalité, c'est que Canal+ a su jouer de toute son influence auprès de certains présidents de clubs à l'époque", modère un ancien dirigeant de la Ligue. À l'époque, la chaîne avait aussi des relations financières directes avec les clubs dans le cadre des achats de droits de la Coupe d'Europe. Après deux jours de négociations houleuses, la Ligue décide finalement de partager les droits entre TPS et Canal+. Mais l'inflation des prix a commencé.
2003 : le retour de Canal+, ou la malédiction du vainqueur
Quatre ans plus tard, les dirigeants de Canal+ ne commettent pas la même erreur lors du renouvellement du contrat. Ils proposent 600 millions d'euros lors du nouvel appel d'offres. TPS est K.-O. et finira par disparaître après avoir été rachetée par Canal+. Mais la facture est énorme. "À cette époque, on se demande si Canal+ n'a pas été victime de ce que l'on appelle la malédiction du vainqueur, décrypte l'économiste du sport Christophe Lepetit, du Centre de droit et d'économie du sport (CDES) de Limoges. Dans un système de concurrence exacerbée, pour l'emporter, vous pouvez être amené à mettre tellement d'argent sur la table que vous ne pouvez plus rentabiliser votre investissement. C'est ce qui est arrivé à Mediapro plus tard." Aux "Guignols de l'info", la marionnette de Patrick Le Lay, le PDG de TF1, s'en donne à cœur joie : "On les a fait grimper au cocotier, et maintenant, ils sont morts ! On va les crever ces cons !"
Canal+ échappera à la malédiction, mais trouve déjà l'addition trop salée. "À cette époque, Bertrand Méheut [le PDG qui a succédé à Pierre Lescure] a tenté de renégocier, se souvient un ancien cadre de la Ligue. Il voulait nous imposer tout un tas de pénalités qui auraient fait baisser le montant qu'il nous devait. Mais on a tenu bon." L'époque où Noël Le Graët, alors président de la Ligue, et Charles Biétry, patron des sports de Canal+, réglaient la négociation autour d'un pique-nique arrosé au cidre dans leur Bretagne natale est terminée. "Entre les deux, c'est 'je t'aime moi non plus', analyse Arnaud Simon, ancien patron d'Eurosport France, désormais consultant. La Ligue a presque développé un syndrome de Stockholm vis-à-vis de Canal+ qui fait du très bon boulot, qui donne de la valeur à son produit mais dont elle n'arrive pas à s'extirper parce que Canal+ a aussi son lot d'arrogance et sait être dominant." De fait, à partir de 2004, les dirigeants du foot iront en permanence solliciter des concurrents potentiels à leur partenaire historique pour éviter de se retrouver seuls face à Canal+.
2004 : Orange, un petit tour et puis s'en va
Le premier "nouvel entrant" s'appelle Orange. Le PDG du groupe de télécommunications, Didier Lombard, croit à la "convergence entre tuyaux et contenus". Pour la période 2004-2008, Orange arrache un tiers de la Ligue 1 à Canal+, qui conserve néanmoins les meilleures affiches. L'idée, qui sera expérimentée plus tard par Altice-SFR, est que le football peut constituer un produit d'appel pour attirer des abonnés internet et mobile. Quatre ans plus tard, l'opérateur se retire sur un constat d'échec. "C'est aussi le résultat du lobbying de Canal+ auprès des pouvoirs publics pour qu'Orange n'investisse pas trop quand même, croit savoir un ancien proche de Frédéric Thiriez, le président de la LFP de l'époque. Canal+ a toujours su utiliser ses relais politiques pour tuer la concurrence."
"Nous sommes trop télé-dépendants, 57% des ressources de nos clubs proviennent des droits télé [ce ratio est toujours d'actualité]", se lamente Frédéric Thiriez, président de la LFP de 2002 à 2016, en août 2011 sur France Inter. Mais dans le même temps, ses services approchent ESPN, pour tenter de faire monter les enchères face à Canal+. Le réseau américain, qui diffuse notamment le championnat de basket NBA, ne viendra pas. Ce seront les Qataris.
2012 : BeIn Sports et le coup de fil de François Hollande
Dans la foulée de l'arrivée du fonds d'investissement QSI au PSG, BeIn Sports fait une entrée sur le marché français. Lors de l'appel d'offres pour 2012-2016, BeIn prend les 3e et 4e meilleurs matchs, ainsi que les droits internationaux de la Ligue 1 et ceux de la Ligue 2, tandis que Canal+ garde les deux meilleures affiches. La totalité des droits atteint 607 millions par an, en régression. Mais la tension monte entre Canal+ et son nouveau concurrent qatari. En 2014, persuadée qu'elle va bénéficier à plein de leur affrontement, la LFP avance son appel d'offres et remet ses droits sur le marché. "L'idée, c'était de faire grimper Canal+ aux rideaux", explique un ancien cadre de la Ligue. "De nombreux présidents étaient persuadés qu'on allait atteindre un milliard d'euros", se souvient un ancien membre du conseil d'administration de la LFP.
Mais une nouvelle fois, l'activisme de Canal+ va avoir raison des prétentions du foot français. La chaîne ferraille sur le terrain juridique en attaquant l'appel d'offres, mais aussi, en coulisses, du côté politique. Dans le livre Un président ne devrait pas dire ça, François Hollande avoue aux journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme qu'il est intervenu pour que BeIn Sports retienne ses coups. "J'ai appelé l'émir du Qatar, je lui ai dit : 'Vous allez venir en France, en juin, on vous a défendu par rapport aux Saoudiens, on est à vos côtés, mais, là, qu'allez-vous faire sur les Rafale ? Il y a aussi l'histoire du foot… Je souhaite qu'il y ait un partage.'" De fait, les droits télé n'atteignent "que" 750 millions d'euros. Quand ils apprennent la manœuvre, deux ans plus tard, certains présidents s'étranglent, d'autres réclament des poursuites judiciaires.
Cet épisode va avoir des conséquences durables et contribuer à nourrir un certain ressentiment vis-à-vis de Canal+ dans l'esprit de certains présidents de clubs. Les manœuvres et les attaques judiciaires de la chaîne payante ont durablement dégradé les relations avec la LFP. "Canal était le principal client de la Ligue mais aussi son principal fournisseur de contentieux, soupire un ancien proche de Frédéric Thiriez. C'est quand même une drôle de relation, surtout quand les deux parties sont incontournables. Je doute par exemple qu'Air France ait le même relationnel avec Airbus..."
En outre, à la LFP, la crise interne couve. Les présidents des grands clubs veulent la tête de Frédéric Thiriez à qui ils reprochent notamment d'avoir mal géré l'affaire du statut fiscal de Monaco. "Pour sauver son siège, Thiriez leur a accordé une modification des statuts de la Ligue, qui donnait un énorme pouvoir au directeur général", se souvient un ancien membre du conseil d'administration de la Ligue. La LFP missionne un cabinet de chasseurs de tête pour trouver l'homme idoine. "À l'époque, les présidents disaient qu'ils voulaient 'trouver le futur Carlos Ghosn du foot français'", se souvient notre ancien membre du CA. Thiriez ne sauve pas son siège, mais Didier Quillot est nommé directeur général en mars 2016.
2018 : le "Carlos Ghosn du football", Mediapro et le milliard d'euros
À la LFP, Didier Quillot a une mission prioritaire : vendre les droits télé pour plus d'un milliard d'euros par saison. Cet ex-président de Lagardère Active est aussi un ancien de France Télécom et d'Orange. "Je ne savais pas qu'il était un grand vendeur, persifle, un peu vachard un ancien de l'équipe Thiriez, je me souvenais surtout qu'il avait acheté très cher les droits de diffusion mobile du championnat en 2001, et qu'Orange n'avait pas trop su quoi en faire derrière, ce qui nous faisait bien rire à l'époque." Mais Quillot a la confiance des présidents de club, et les pleins pouvoirs. Comme ses prédécesseurs, il va se mettre en quête de concurrents potentiels à son diffuseur historique. Problème : les opérateurs télécoms se désengagent, BeIn est devenu un allié de Canal+ via des accords de distribution, et aucun grand diffuseur international ne semble intéressé par le marché français, y compris du côté des plateformes numériques.
C'est ainsi que Didier Quillot va rencontrer Mediapro à plusieurs reprises, pour convaincre le groupe espagnol de faire une offre. Mediapro n'est pas un diffuseur comme Canal+. Il est surtout connu pour être un "broker", une agence de gestion de droits (qui les revend à des diffuseurs) et un acteur de la production cinématographique et sportive. "Pour attirer Mediapro, Quillot va introduire dans l'appel d'offres une clause qui n'existait pas jusque-là en France, explique Pierre Maes, consultant spécialisé en droits télé, auteur du livre Le business des droits TV du foot (FYP, 2019). Elle va permettre à un acheteur de sous-licencier les droits qu'elle achètera, c'est-à-dire de les revendre." Pour autant, personne ne voit venir les Espagnols, pas même les présidents de club qui font partie du comité de pilotage de la LFP censé superviser la procédure. "Mediapro, je n'ai entendu ce nom qu'à partir du moment où nous étions réunis en conclave chez un cabinet d'avocat, le jour de l'appel d'offres, alors que j'avais remis mon téléphone aux huissiers", confirme Claude Michy, l'ancien président de Clermont (Ligue 2) qui était membre du comité. "La venue de Mediapro, c'est Quillot, et seulement Quillot", confirme un autre membre.
Le 29 mai 2018, Mediapro devient le diffuseur principal du football français. Le groupe sino-espagnol remporte trois lots dans les enchères des droits pour la période 2020-2024, au détriment de Canal+. En contrepartie, il devra verser à la LFP 780 millions d'euros annuels pour la Ligue 1, et 34 millions d'euros pour la Ligue 2. En additionnant les montants dûs par BeinSport, et Free pour des lots moins importants, les droits télé atteignent 1,153 milliard d'euros.
Sitôt signé, les premiers doutes sur Mediapro
À trop vouloir "faire grimper Canal+ au cocotier", Didier Quillot a-t-il fait le pas de trop ? Celui qui consistait à confier les droits du football français, son plus précieux trésor, à un partenaire peu fiable qui allait en détruire la valeur ? "Il y a eu tout au long de la procédure, une agressivité vis-à-vis de Canal+ que je n'ai pas comprise", se désole aujourd'hui Pierre Ferracci, le président du Paris FC (Ligue 2). "Beaucoup de présidents avaient encore en tête l'histoire de l'appel à l'émir du Qatar, rappelle également un ancien membre du CA de la Ligue. Ils ne l'avaient pas digéré et certains étaient même persuadés qu'on pouvait aller jusqu'à 1,5 milliard la fois d'après !" Lors de sa première réaction face aux médias après l'attribution des droits, le président de l'Olympique lyonnais, Jean-Michel Aulas, évoque un "jour béni" et ne manque pas de rappeler l'intervention présidentielle de 2014.
Par la suite, certains présidents ont pourtant essayé d'émettre des réserves sur le modèle économique incertain du groupe espagnol. Bernard Caïazzo, président de l'AS Saint-Etienne et dirigeant du syndicat Première ligue, regroupant les grands clubs, avait dès septembre 2018 exprimé dans L'Équipe qu'il voyait "difficilement" comment Mediapro pourrait revendre les droits plus chers qu'il ne les avait achetés. Dans la journée, il rétropédalait dans un communiqué intitulé "Confiance en Mediapro".
Claude Michy a également reçu un SMS furibard de Didier Quillot quelques mois plus tard : "J'avais juste dit dans la presse que le pari me semblait difficile et que j'espérais que tout allait bien se passer, et là Quillot me harponne en m'écrivant que je véhiculais un message d'inquiétude." Pourtant le doute était permis après que la Ligue italienne a décidé, quelques jours après l'attribution des droits français, d'annuler le contrat qu'elle avait passé avec Mediapro, faute de garantie financière.
L'affaire italienne tombe mal. Pourtant, Didier Quillot affirme ne pas être inquiet. "Il nous a affirmé qu'il avait une garantie portant sur la première saison de contrat et qu'il travaillait sur la suite", affirme Pierre Ferracci. Dans la presse, le directeur général de la LFP explique qu'il a "une caution solidaire de l'actionnaire de référence de Mediapro". "En fait, quand Quillot disait cela, tout le monde pensait qu'il faisait référence au fonds d'investissement chinois, Orient Hontai Capital, qui est actionnaire majoritaire chez Mediapro, analyse Pierre Maes. On se disait : 'Les Chinois ont de l'argent, c'est rassurant.'" Mais en octobre 2020, L'Équipe révèle qu'en réalité, la garantie est exigible auprès de Joye Media, qui n'est autre que la holding qui possède Mediapro. "C'est un peu comme si Mediapro s'était portée caution pour Mediapro, poursuit Pierre Maes. C'était une garantie de papier !"
"La Ligue a été trop bien habituée pendant des années, explique un bon connaisseur du dossier. Ils n'ont eu affaire qu'à des clients ultrasolides. Orange, avec l'État français comme actionnaire ou BeIn, avec le Qatar derrière lui, ne risquaient pas de leur claquer entre les doigts. Ils n'ont pas intégré que Mediapro pouvait les planter sans aucun état d'âme."
L'histoire de Mediapro recèle pourtant de nombreux épisodes qui montrent que le groupe espagnol ne recule parfois devant rien pour arriver à ses fins. En Espagne "la guerre du foot" qui l'a opposé pendant huit ans au groupe Prisa a fini à son avantage à l'issue d'un énième procès en 2015. Mediapro a par ailleurs été convaincu d'avoir corrompu un dirigeant de la Concacaf, la fédération nord-américaine de football, et a payé plus 22 millions d'euros au Département de la Justice des États-Unis pour échapper aux poursuites (lire l'accord ici).
"La Ligue s'est montrée légère, estime le député LREM Cédric Roussel, président du groupe d'étude "économie du sport" à l'Assemblée nationale, qui a auditionné la plupart des acteurs de ce dossier (à l'exception de Mediapro). Il nous est apparu qu'aucun audit financier sérieux des candidats n'avait été effectué, poursuit le parlementaire. Il y a peut-être eu deux ou trois slides lors des présentations, mais rien de plus." Dans le même temps, la LFP semble avoir agi en ignorant les menaces qui pèsent aujourd'hui sur son modèle économique, perfusé aux droits télé. Pourtant, pour de nombreux spécialistes du secteur cet âge d'or est révolu.
Derrière Mediapro, c'est tout le modèle du foot payant qui se fissure
"Avant la crise du Covid, les audiences télé de toutes les grandes franchises de sport mondiales étaient en baisse, de 15% en moyenne", note ainsi Arnaud Simon. L'ancien directeur général d'Eurosport, aujourd'hui dirigeant d'une agence de conseil, estime que "regarder du sport en direct est devenu une exception et non plus la règle" : "Vous avez 300 millions de personnes dans le monde qui regardent Netflix au moins une heure par jour, nous passons deux heures par jour sur les réseaux sociaux, et bien plus chez les jeunes, donc votre 'temps de passion disponible' n'est plus le même. Évidemment, vous regarderez toujours le match de l'équipe de France, et encore s'il est décisif, mais vous ne serez plus prêt à accumuler les abonnements pour suivre tout le championnat."
Aux États-Unis, le mouvement est déjà bien enclenché. La chaîne ESPN, qui a longtemps régné sur le sport US perd des abonnés par millions et doit supprimer des postes. Dans ce contexte, l'échec de la chaîne de Mediapro, Téléfoot, qui ne comptait que 100 000 abonnés à son lancement, quand il en aurait fallu 3,5 millions pour être rentable, est probablement moins dû à la crise du Covid-19 qu'à celle que traverse le secteur depuis des années.
"Les droits de certains championnats européens ont baissé ces dernières années, note l'économiste du sport Christophe Lepetit, c'est un signal." C'est le cas en Angleterre et en Allemagne, dont les ligues de foorball sont pourtant considérées comme les plus solides économiquement parlant. Pour Pierre Maes, "tout cela est vrai, mais ce n'est rien par rapport au danger que le piratage fait peser sur le modèle des chaînes à péage". D'après une étude de l'Hadopi, en décembre 2020,, le piratage de contenus sportifs a augmenté de 20 à 30% en 2019 par rapport à l'année précédente. "On estime qu'au moins quatre millions de personnes en regardent de façon illicite tous les mois", avance Pauline Blassel, secrétaire générale de l'autorité en charge de la lutte contre le piratage. Face à l'incapacité des opérateurs à endiguer le phénomène, l'Assemblée nationale examine actuellement une loi prévoyant des mesures qui devraient entrer en vigueur la saison prochaine. Mais que faire quand des pirates proposent des boîtiers qui permettent de voir toutes les chaînes diffusant du sport pour quelques dizaines d'euros par an ?
"Pour s'en sortir, le football doit proposer autre chose à ses fans, pronostique Arnaud Simon. Il faut être capable de vendre des contenus plus personnalisés, plus qualitatifs avec des coulisses, des documentaires axés sur votre équipe favorite par exemple." Aux États-Unis, le championnat de basket NBA tente de récupérer les abonnés perdus en leur proposant des offres à un dollar par match pour voir uniquement le "money time" (les dernières minutes). Mais ces offres, aussi imaginatives soient-elles, permettront-elles de dégager les mêmes revenus ? "C'est probablement le bon moment pour penser à une nouvelle régulation du football professionnel français, estime Christophe Lepetit. Il faut une nouvelle régulation financière, du capital, des masses salariales. Et puis il faut repenser la façon dont on propose les droits du football de demain. Sinon, faute d'endiguer le phénomène massif du piratage, ce modèle économique risque de s'effondrer."
Nous avons contacté la LFP, le syndicat Première Ligue, Mediapro et Didier Quillot. Aucun n'a souhaité répondre à nos questions, pas plus que certains présidents de club.
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