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"L'intervention de Sandrine Rousseau sur Kylian Mbappé dessert la question de la retraite des sportifs", déplore l'économiste Pierre Rondeau

Ironique, la députée écologiste s'est servie de l'exemple de l'international français pour tacler le président de la République, mardi, à l'Assemblée nationale, avant de s'emparer de la question de la retraite des sportifs de haut niveau.
Article rédigé par Andréa La Perna, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4min
La député Europe-Ecologie-Les Verts, Sandrine Rousseau, lors des questions à l'Assemblée, à Paris, le 17 janvier 2023. (THOMAS SAMSON / AFP)

"Que va-t-il faire après 50 ans ?". Sandrine Rousseau a utilisé l'exemple de Kylian Mbappé en pleine commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, mardi 31 janvier. "Je ne sais pas si Emmanuel Macron, au moment où il lui a fait des papouilles (après la finale de la Coupe du monde), lui a parlé de sa carrière quand il serait senior", s'est amusée la députée d'opposition Europe Ecologie-Les Verts, au moment d'étudier l'index des seniors que doit introduire la nouvelle réforme des retraites.

"Au-delà de la plaisanterie (...), le vieillissement des sportifs est un réel sujet. Comment réinsère-t-on des personnes au corps parfois abîmé et blessé par une pratique sportive intensive ? Que fait-on de ces sportifs seniors ?", a-t-elle ensuite ajouté, défendant l'idée d'intégrer les sportifs retraités dans ce nouvel index, pensé pour offrir un meilleur accès à l'emploi aux plus de 55 ans et dont l'entrée en vigueur est prévue au 1er novembre 2023, dans les entreprises de plus de 1000 salariés.

Si l'idée de la députée de la IXe circonscription de Paris était de relancer la question de la retraite des sportifs, dont la majorité a de grandes difficultés à cotiser, c'est bien le choix de Kylian Mbappé qui a fait réagir. Pour le spécialiste de l'économie du sport, Pierre Rondeau, co-auteur d'une note sur la retraite des sportifs de haut niveau en 2020 (Améliorer et repenser la retraite des sportifs de haut niveau), Sandrine Rousseau a adopté une posture "hypocrite", dans un sujet qu'il estime "important".

Mbappé et le reste du monde

"Madame Rousseau cite le cas de Mbappé en le victimisant, ou en tout cas en donnant l'impression qu'à 50 ans, le pauvre Mbappé ne sera pas en capacité de pouvoir vivre décemment faute de retraite". D'après Rondeau, le joueur du Paris Saint-Germain fait justement partie de ces exceptions qui n'auront pas à se poser de question une fois leur carrière sportive terminée. "Kylian Mbappé peut déjà mettre de côté et terminera très certainement entraîneur ou consultant. Il restera une tête de gondole. Il dispose, à la fois, de son salaire mais aussi de sa visibilité, qui lui garantit quasiment une reconversion", explique Rondeau.

D'après l'économiste, il n'est que la partie émergée du sport de haut niveau, la majorité des autres devant se battre pour ne pas être sous l'eau. "Hormis certains footballeurs, et surtout Mbappé, la plupart des sportifs de haut niveau éprouvent de grandes difficultés à vivre décemment", explique ce dernier, s'appuyant sur un rapport de 2015 sous la direction du secrétaire d'Etat aux Sports, Thierry Braillard, qui avait montré que "quatre sportifs de haut niveau sur dix gagnaient moins de 500€ par mois". Difficile de cotiser à taux plein avec si peu de revenus et une carrière sportive souvent hachée, et parfois partagée avec un autre métier à côté.

En 2012, un pas avait été fait avec la mise en place d'un nouveau dispositif, à travers lequel l’Etat s’est engagé à cotiser à la place des sportifs qui remplissent les conditions et qui en font la demande, sur une durée de seize trimestres. Ledit dispositif cotise en moyenne pour seulement 500 sportifs par an. En 2019, Philippe Gonigam, le président de l’Union nationale des sportifs de haut niveau (UNSHN) en nuançait l'impact :"C’est une retraite conditionnée, ça reste très en deçà de ce à quoi un salarié normal peut prétendre".

La question reste sans réponse

"Dans le débat public, hormis l'intervention de Rousseau qui la dessert totalement en utilisant le cas de Mbappé, la question de la retraite des sportifs n'est jamais prise en compte, regrette Pierre Rondeau. Ils n'ont toujours pas de régime spécifique. Après la carrière sportive, il y a un taux de chômage assez élevé pour les sportifs à la retraite qui, une fois passé 35 ans, n'ont plus les moyens, les qualifications et l'expérience pour retrouver un emploi." Une zone grise que le projet de loi du gouvernement, pour l'instant, n'éclaire pas.

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