Foot et coiffure : les racines du mal
Leurs fantaisies capillaires font presque plus parler que leur jeu. Retour sur une stratégie marketing qui n'a pas attendu David Beckham.
Vous n'avez pas pu passer à côté de l'affaire Florian Thauvin, ce joueur de Lille qui a fait grève pour partir à l'OM avant la fin du mercato. Vous avez donc forcément remarqué la touffe de cheveux, soulignée d'un petit liseré blond, qui orne le haut de son crâne et qui a presque fait autant parler que son transfert. L'occasion de s'interroger sur les coiffures fantasques des footballeurs.
"Il fallait que je tape dans l'œil des gens"
N'allez pas croire que la tignasse des pousse-citrouille est un sujet frivole. Plusieurs spécialistes se sont penchés sur la question, comme l'anthropologue Christian Bromberger dans son article Trichologique, les langages de la pilosité. Extrait : "Jamais les équipes n’ont présenté une plus grande diversité capillaire qu’aujourd’hui, cette variété traduisant des tendances lourdes dans le façonnage de l’apparence : l’individualisation – on est loin des coupes uniformes des joueurs des années 1960 –, l’ethnicisation, le brouillage ostentatoire, voire dérisoire, des codes : la blondeur n’a-t-elle pas été la marque de l’aryanité triomphante et, sur un autre mode, celle de la beauté féminine à travers l’histoire de l’Occident ?"
Le foot est devenu, l'argent aidant, un des sports collectifs les plus individuels. L'ex-footballeur Edouard Cissé expliquait, dans une chronique sur Rue89, qu'avoir une coupe de cheveux extravagante permet d'attirer l'attention des recruteurs : "Jay-Jay Okocha [international nigérian qui a évolué au PSG], à la Coupe du monde 98, avait une coupe à la Ibrahim Ba. Quand il arrive à Paris, je lui dis : 'Mais pourquoi t’as fait ça ?' Il me répond : 'J'étais en fin de contrat, il fallait que je tape dans l'œil des gens.'" Un joueur comme Mario Balotelli, le fantasque attaquant du Milan AC, fait autant parler de lui pour ses prouesses sur le terrain que pour ses bourdes en dehors. Est-ce un hasard si, dans une récente pub pour son équipementier, on le voit chez un coiffeur, qui lui demande ce qu'il veut. Sa réponse : "Qu'on se souvienne de moi."
"A neuf ans, mon fils m'a demandé la coupe de Beckham"
Il y a pourtant un souci : le mimétisme. Combien de footballeurs arborent une crête penchée dans le championnat de France aujourd'hui ? L'attaquant du Real Madrid Cristiano Ronaldo (un des principaux instigateurs de ce style) a inspiré de nombreux joueurs tricolores, comme le Montpelliérain Rémy Cabella. Et les supporters ne sont pas épargnés. Le journal Sud-Ouest rapporte qu'en 2010, nombre de jeunes Bordelais voulaient la coupe de Marouane Chamakh, alors attaquant vedette des Girondins. Même constat en région parisienne, devant le succès d'un PSG très starsystem. Une coiffeuse parisienne confiait en avril à l'auteur de ces lignes : "A neuf ans, mon fils m'a demandé la coupe de Beckham. C'est toujours mieux que celle de l'attaquant, là, Ibrahim machin."
Derrière les stars du ballon rond se cache souvent un coiffeur attitré. Ainsi, Daniel Johnson, capilliculteur du gratin de la Premier League, comme Gareth Bale ou Rio Ferdinand, dispose de sa propre marque de produits capillaires et d'un site officiel un rien prétentieux. "On peut vous pardonner de penser que vous ne connaissez pas Daniel J., mais si vous croyez que vous n'avez jamais vu son œuvre, vous vous trompez sûrement." En France, la star de la tondeuse, c'est "Barber Gé" alias Gérald Lerandy.
"Se montrer hors du terrain, c'est important"
Contacté par francetv info, il livre les petits secrets des footballeurs. Car Gérard Lerandy coiffe aussi bien un Blaise Matuidi, plutôt sage capillairement parlant, qu'un Pierre-Emerick Aubameyang, l'attaquant passé de Saint-Etienne à Dortmund cet été et référence des coiffures incroyables. "Aubameyang est l'un des joueurs qui se fait couper les cheveux le plus souvent, une fois tous les quinze jours. Comme il va bientôt découvrir la Ligue des champions, il m'a demandé de préparer une coupe surprise." Le logo de la compétition, un ballon formé d'étoiles ? "Je ne peux pas vous dire, mais il y a de ça."
Même si des handballeurs, des basketteurs de la NBA et des rugbymen ont déjà fait appel à ses services, le foot représente le gros de son activité. "Chaque époque avait son style, mais aujourd'hui, les footballeurs sont beaucoup plus médiatisés. D'où leurs coupes plus excentriques, pour attirer l'attention. Mais je ne pense pas qu'ils prennent beaucoup plus soin d'eux que leurs aînés. Ce sport est devenu plus bling-bling, et se montrer hors du terrain est important."
Des bigoudis dans le vestiaire
Le pionnier du marketing capillaire, c'est bien sûr David Beckham. "Il semble renouveler sa marque à chaque fois qu'il change de coupe de cheveux", analyse Melissa Davis dans le livre More Than A Name: An Introduction to Branding (en anglais). Mais n'allez pas croire que tous les footballeurs sont devenus des fashion victims à cause du Spice Boy (surnommé aussi "The Haircut", "la coupe de cheveux", outre-Manche). Un chroniqueur du journal britannique The Independent se souvient de la fois où il a croisé Graeme Souness, rugueux milieu de Liverpool dans les années 70-80, bigoudis sur le crâne dans le vestiaire. "A cette époque, l'équipe de Liverpool était plus permanentée qu'un car de personnes âgées", se souvient-il.
Un petit quiz pour finir : un lanceur de fléchettes professionnel, un golfeur, un joueur de foot américain et un footballeur se cachent sur cette image. Qui est qui ?
Réponse : 1) le footballeur gallois Gareth Bale ; 2) le lanceur de fléchettes australien Simon Whitlock ; 3) le golfeur américain Charley Hoffman ; 4) le footballeur américain Troy Palumalu. Comme quoi, les footballeurs ne sont pas les seuls à se faire des cheveux avec leur tignasse. Palumalu a même fait assurer sa toison (article en anglais) pour un million de dollars. Même David Beckham n'y avait pas pensé.
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