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"Will Grigg's on fire" : qui est l'attaquant de l'Irlande du Nord qui a mis le feu à l'Euro sans disputer le moindre match ?

L'attaquant, devenue star de l'Euro grâce au chant des supporters de l'Irlande du Nord, n'a pas joué du tournoi. Alors que l'Irlande du Nord affronte le pays de Galles, samedi, francetv info dresse le portrait de ce joueur au parcours modeste.

Article rédigé par Thomas Baïetto
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Le footballeur Will Grigg fête son premier but avec l'Irlande du Nord, le 27 mai 2016 à Belfast (Royaume-Uni). (PAUL FAITH / AFP)

C'est le remplaçant le plus célèbre de l'Euro 2016. Confortablement installé sur le banc de l'Irlande du Nord, Will Grigg, 24 ans, a vu les siens décrocher une qualification historique pour les huitièmes de finale sans disputer la moindre minute de jeu. Il a surtout entendu les stades de Nice, Lyon et Paris chanter "sa" chanson, une adaptation de Freed from Desire de Gala. "Will Grigg's on fire, your defense is terrified", s'enflamme la Green and White army ["Will Grigg est en feu, votre défense est terrifiée"], en faisant de ce chant l'hymne officieux de la compétition. La mélodie sera sans aucune doute la bande sonore du huitième de finale disputé par l'Irlande du Nord face au pays de Galles, samedi 25 juin.

"Les gars n'arrêtent pas de chanter, je ne peux pas y échapper (...) C'est un peu surréaliste", a commenté le joueur avant le début du tournoi. La folie est telle qu'un journaliste a demandé à l'Allemande Matt Hummels si la défense de la Mannschaft était "terrifiée" avant d'affronter l'Irlande du Nord, en dernier match de poule. "Je ne peux pas dire ça, a répondu le défenseur. Mais je suis un grand fan et j'adore son histoire". Gala, la chanteuse du tube original, s'est inquiétée de son temps de jeu. "Je ne comprends pas pourquoi il ne joue pas", a-t-elle déclaré à francetv info.

Un joueur qui revient de loin

Rien ne prédestinait Will Grigg à devenir la coqueluche d'un champion du monde et d'une chanteuse des années 1990. Né le 3 juillet 1991 à Solihull, une ville de la banlieue de Birmingham (Angleterre), ce fan d'Aston Villa frappe ses premiers ballons avec le deuxième club de la ville, Birmingham City (2e division).  A 15 ans, une fracture de la jambe porte un premier coup à sa carrière. "J'ai toujours cru que je pourrais décrocher une bourse, on me disait toujours que je faisais du bon travail. Mais ma fracture m'a empêché de jouer pendant un an", raconte-t-il en 2010 au Birmingham Mail. Deux mois après son retour, il est remercié par le club.

Cette déception m'a fait grandir plus vite que la plupart de mes coéquipiers de l'époque.

Will Grigg

au Belfast Telegraph

Son parcours se poursuit dans les profondeurs du football amateur anglais, à Stratford Town (9e division). Mais un club de League one (3e division), Walsall, vient rapidement le repêcher en décembre 2008. Après deux saisons blanches (un match, 0 but), Will Grigg s'impose progressivement à la pointe de l'attaque des Saddlers, jusqu'à inscrire 20 buts en 2012-2013. Ses performances le conduisent à Brentfort, puis Milton Keynes Dons. Avec les Dons, il marque un doublé contre Manchester United en coupe de la Ligue, avec un magnifique but de la poitrine. "C'est la plus belle soirée de ma carrière (...) C'était génial de jouer dans un stade plein, c'est la première fois que je voyais une ambiance comme ça", commente-t-il dans le Belfast Telegraph.

Un renard des surfaces

Il débarque à Wigan, son club actuel, en juillet 2015, pour 1,3 million d'euros. Relégué en troisième division après 8 ans au plus haut niveau (2005-2013), l'ancien club de Pascal Chimbonda et Charles N'Zogbia cherche un avant-centre. "Cela faisait des années qu'on n'avait pas eu un bon buteur, resitue pour francetv info Aaron, fan des Latics et animateur du compte WiganFanPage. Quand il a signé, notre président nous a garanti qu'il marquerait plus de 20 buts par saison". Il en inscrit 28, en 43 matchs, et propulse son équipe en Championship (2e division).

Journaliste pour le Wigan Evening Post, Paul Kendrick a chroniqué toute la saison les exploits du jeune attaquant. "C'est un travailleur infatigable, avec des mouvements très intéressants à l'extérieur de la surface de réparation", décrit-il à francetv info. Mais il prend vraiment vie dans les 16 mètres. Si l'équipe se créé des occasions, il est là pour les convertir".

Les supporters apprécient. "C'est un joueur qui court beaucoup. Il est très rapide et sait toujours où se trouvent les cages, même lorsqu'il joue dos au but. Il aide également l'équipe à défendre, en se repliant souvent, et il sait aussi centrer quand il se retrouve sur l'aile", détaille pour francetv info Jason, fan de Wigan et éditeur du site Cockney Latic. "Sa principale qualité, c'est qu'il est chirurgical dans la surface de réparation et qu'il rate très rarement le cadre", appuie Aaron, en concédant une "seule faiblesse" à son chouchou : "son jeu de tête".

"Sortir et boire des coups, ce n'est pas trop son truc"

L'homme sait aussi se faire apprécier hors du terrain. "Will est très accessible, explique Jason. Il est très famille, donc sortir et boire des coups n'est pas trop son truc. Mais il nous parle et accepte les photos quand on lui demande". Le supporter de Wigan garde un souvenir ému de la victoire à Blackpool (4-0) le 30 avril, synonyme de montée en Championship.

On est restés en tribunes pendant une heure après le match, en chantant 'LA' chanson, il a adoré.

Jason, fan de Wigan

à francetv info

Ecrite par Sean Kennedy et mise en ligne le 3 mai, Will Grigg's on fire berce la fin de saison des Latics. Une version remixée est même vendue sur iTunes, au profit de l'association Joseph's Goal, montée autour du fils de Paul Kendrick, atteint d'une maladie rare. "Will Grigg est un grand soutien pour notre association", explique le journaliste. Le joueur avoue avoir acheté la chanson "plusieurs fois".

Will Grigg sous le maillot de Wigan, le 7 janvier 2016 à Wigan (Royaume-Uni). (PROSPORTS / SHUTTERSTOCK /SIPA / REX)

En sélection, Will Grigg n'a pas le même statut. Appelé pour la première fois en juin 2012, il n'a porté que huit fois le maillot vert, pour un seul but, contre la Biélorussie en mai. Il n'était de toute façon pas destiné à jouer pour l'Irlande du Nord : comme quatre autres joueurs de l'équipe, il est né en Angleterre. "Jouer pour l'Irlande du Nord, je n'y avais honnêtement jamais pensé", confiait-il en 2010 au Birmingham Mail, alors qu'il évoluait avec les jeunes de l'Ulster.

Un grand-père nord-irlandais

Ses liens avec l'Irlande du Nord se résument à un grand-père originaire d'Enniskillen, une petite ville où le joueur n'avait, de son propre aveu, encore jamais mis les pieds en 2014. "Dès que j'ai su que je pouvais jouer avec l'Irlande du Nord, j'ai sauté sur l'occasion", expliquait-il au Belfast Telegraph.  Une occasion qui l'a mené jusqu'à l'Euro 2016. En concurrence avec Liam Boyce, l'avant-centre de Ross County (1ère division écossaise), Will Grigg décroche un strapontin à la dernière minute. "C'était mon choix le plus difficile", commente Michael O'Neill en dévoilant sa liste. Interrogé sur le buteur de Wigan, le sélectionneur assure qu'"il aura une chance de faire la différence", tout comme Conor Washington, une autre révélation tardive de la sélection.

La ville d'Enniskillen (Irlande du Nord), dont est originaire le grand-père de Will Grigg, photographiée le 1er mai 2013. (PETER MUHLY / AFP)

Si le second a été titularisé deux fois, contre l'Ukraine et l'Allemagne, le premier n'a pas disputé une seule minute de jeu. "Je comprends que le sélectionneur continue de faire confiance aux joueurs qui ont emmené l'équipe en France, analyse Paul Kendrick. Mais il dispose quand même d'un joueur en pleine bourre... Beaucoup de gens à Wigan se demandent pourquoi il n'a même pas eu une seule occasion de jouer".

Jason est de ceux-là. "Les supporters chantent son nom pendant tout le match alors qu'il ne joue même pas. Vous imaginez ce que ça donnerait s'il entrait ?", lance-t-il au sélectionneur Michaël O'Neil

Faites le jouer, il marquera et embrasera les tribunes !

Jason, fan de Wigan

à francetv info

Aaron est lui aussi déçu."Mais je pense que c'est bon pour nous, les autres clubs ne vont pas s'intéresser au quatrième attaquant de l'Irlande du Nord", expose-t-il. A moins que le joueur ne mette le feu à la défense galloise en huitièmes de finales. Réponse samedi, à 18 heures, au parc des Princes. 

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