Euro 2016 : à Lille, les CRS n'ont pas quitté les supporters anglais d'une semelle
Après les violences commises à Marseille, la présence de centaines de supporters russes et anglais à Lille inquiétait les autorités. Récit de la soirée de mercredi.
Alors que la France offre une piètre prestation face à l'Albanie, mercredi 15 juin, pour son deuxième match de l'Euro 2016, un brouhaha interrompt les conversations de la mi-temps, place de la Treille à Lille (Nord). Des supporters anglais déboulent en courant, pourchassés par des ennemis furtifs. L'un d'eux s'empare d'une chaise et se retourne, puis la balance sur le pavé. Le temps d'y voir plus clair, il est déjà trop tard. "C'était 15 ou 20 Russes, explique un gros bras britannique, encore sonné. Ils nous ont poursuivis, on a essayé de les repousser." Une grosse tache de sang témoigne de la violence de l'échange, tout au bout de la rue. Le blessé –un Anglais– est évacué par les pompiers.
Les autorités redoutaient de revivre le scénario marseillais, quand les supporters anglais et russes se sont opposés lors de violents affrontements en pleine rue. Mardi, une rixe a éclaté en plein après-midi, à la terrasse d'un bar, face à la gare de Lille-Flandres. "Nous avons inventé le hooliganisme il y a une vingtaine d'années, résume un Anglais, venu de Londres avec ses deux frangins. Les Russes veulent prendre le leadership dans ce milieu. Quand ils nous attaquent, c'est donc un symbole. Sauf que nous, nous avons arrêté le hooliganisme !" Difficile d'évaluer la présence de ces éléments violents dans la foule des fans russes inoffensifs. Plusieurs hooligans en lien avec les violences de Marseille ont été arrêtés dans la journée, assure toutefois la préfecture du Nord.
"Où étiez-vous à Marseille, les policiers ?"
"Nous sommes là et si les Russes viennent, nous les renverrons", promet un jeune homme, belliqueux, devant les brasseries prises d'assaut par ses concitoyens. Quand les policiers ont demandé à certains bars d'arrêter la vente d'alcool, vers la gare, en début d'après-midi, certains Anglais ont même laissé éclater leur colère contre les policiers, au point d'improviser un chant : "Où étiez-vouuuuus à Marseille ?" Un moustachu costaud enrage : "J'étais là-bas, ils nous ont abandonnés."
Cette fois, difficile de les manquer, alors que le centre-ville est quadrillé par 1600 agents. Cet important dispositif policier avait pour objectif de ne pas quitter les Anglais d'une semelle. Sur ce point, il n'a pas failli, malgré un mouvement de foule, du gaz lacrymogène et un pare-brise brisé, rue du Priez, en début de soirée.
A la veille d'une rencontre contre le pays de Galles, dans la ville voisine de Lens, des centaines d'Anglais se sont donné rendez-vous. Venus de toute l'Angleterre pour brailler leur répertoire pendant des heures, de l'hymne God Save the Queen au dernier refrain à la mode, Will Grigg's on fire. Sans oublier quelques mots fleuris adressés aux Russes. Un arrêté préfectoral interdit la vente d'alcool à emporter, mais les bars sont pris d'assaut. Sans compter la demi-douzaine d'infractions constatées dans des épiceries et autres commerces. Echaudés par des incidents, certains cafetiers ont préféré fermer leurs portes, avant même la rencontre de 21 heures. "J'ai eu des chaises qui ont volé hier [mardi], il faut rester aux aguets", confie l'un d'eux.
"Nous n'avons rien fait de mal, nous chantions !"
A Lille, malgré l'ambiance bon enfant –quoiqu'un peu virile– la présence de centaines de supporters enivrés semble agacer les forces de l'ordre. Vers 23 heures, quelques pétards explosent, près du théâtre, mettant en branle le cortège de chanteurs, exclusivement composé de jeunes hommes. Un fumigène est allumé. Les CRS emboîtent le pas à la troupe, dans les rues sombres de la ville, avant de donner la charge, quelques minutes plus tard.
Au niveau d'un carrefour, des Anglais tombent à terre, les yeux rougis par les gaz. La suite est confuse. Les supporters sont refoulés vers la gare, où les attend un cordon de policiers, qui donne la charge à son tour, sur la rue Faidherbe. Beaucoup de jeunes Français s'énervent à leur tour contre la police : "On est chez nous !"
Charge des CRS sur les supporters anglais. pic.twitter.com/y7zLjtiQbP
— fabien magnenou (@fmagnenou) 15 juin 2016
Un peu plus tard, tout ce petit monde est dispersé. "Hé, dites bonjour à ma mère !" commente un jeune homme venu de Hull, en pleine discussion. Son ami Jason n'en revient toujours pas. "Les policiers ont surréagi. Nous n'avons rien de fait de mal, nous chantions. Nous n'étions pas en train de nous battre. Même si nous étions beaucoup, c'est normal pour nous de chanter dans la rue. Et si nous faisons pareil aux Français qui viennent en Angleterre ?"
D'autres supporters anglais partagent le même constat : les incidents de Lille sont sans commune mesure avec ceux de Marseille. La journée n'a pas été calme pour autant, loin de là. Seize personnes ont été hospitalisées au total, dans les hôpitaux Roger-Salengro et Saint-Vincent.
Grand-Place, quartier de la gare ou du théâtre... Le temps d'une journée, Lille est passée sous pavillon anglais. Et à vrai dire, aucun sujet de sa Gracieuse Majesté n'a levé les yeux sur un écran pour suivre les rencontres du jour. "Notre but, c'est de faire en sorte que la fête soit belle", glissait le commissaire Olivier Dimpre, dans la matinée. Au total, 36 personnes ont été interpellées dans la journée, selon la préfecture du Nord. Pour de nombreux supporters anglais, la nuit s'est achevée sur une fausse note.
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