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Les Bleus qualifiés pour le Mondial : quel bilan pour Didier Deschamps ?

Le match parfait réalisé contre l'Ukraine ne doit pas masquer le fait que la France ira à la Coupe du monde en outsider et sans grandes certitudes.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Le sélectionneur de l'équipe de France, Didier Deschamps, lors d'une conférence de presse à Clairefontaine, le 12 août 2013. (CHRISTIAN HARTMANN / REUTERS)

Deux ans, dix-huit matchs et huit victoires plus tard, Didier Deschamps a rempli sa mission. Les Bleus se sont qualifiés in extremis pour la Coupe du monde 2014, grâce à leur victoire 3-0 contre l'Ukraine, qui comble le handicap de deux buts concédé au match aller. Le sélectionneur a vu son contrat aussitôt prolongé de deux ans par le président de la Fédération française de football. Entre deux gorgées de champagne, faisons le bilan de ses deux premières années à la tête de l'équipe de France.

Le discours : Deschamps, roi du fond et de la forme

Didier Deschamps, qui a pris des cours de com' alors qu'il n'était qu'un jeune joueur du FC Nantes, puis les a perfectionnés au contact de Bernard Tapie ("il m'a beaucoup apporté", a-t-il reconnu dans L'Equipe), demeure un fin communicant.

Contrairement à Laurent Blanc, qui traînait une image de dilettante, vivant toujours à Bordeaux, ne décrochant jamais son téléphone et même pas abonné à toutes les chaînes pour suivre la Ligue 1, Didier Deschamps donne régulièrement des interviews dans les médias et s'implique personnellement lors des séances d'entraînement des Bleus. Une image de bosseur aux antipodes de son prédécesseur, et de communicant honnête qui tranche avec le profil provocateur de Raymond Domenech. Après la victoire contre l'Ukraine, il a eu le beau rôle de l'homme qui a toujours su que la France se qualifierait : "C'est la magie du foot. Il y a quatre jours, on était mal, très mal. Ce soir [mardi], les joueurs ont répondu présent. Je n'avais pas de doute. Il fallait un grand match, on a fait un très grand match"

Le style : un sélectionneur comme les autres

Appelez ça une métamorphose, ou la chrysalide devenue papillon. Didier Deschamps, entraîneur à l'éternel survêt' et coiffé comme Bart Simpson, un temps embrigadé par le parti Chasse, pêche, nature et traditions, s'est transformé en coach "normal". Il a jeté le pot de gel et porte beau le costume-cravate – encore que la cravate soit un peu courte et le pantalon trop large, juge GQ. Didier Deschamps a d'ailleurs complété sa panoplie made in France en vendant sa Ferrari et depuis, il "roule en Citroën", a-t-il confié au JDD.

Hormis ces changements cosmétiques, rien n'a vraiment évolué. Dans les instances de la fédération, c'est le statu quo. Côté com', les joueurs essayent de se rapprocher de leurs supporters lors d'opérations qui font toujours très artificiel. Côté cœur, les Bleus sont toujours mal-aimés du grand public, conséquence d'un après-Knysna qui s'éternise depuis trois ans. Frémissement attendu après l'exploit contre l'Ukraine en attendant une embellie durable pour l'Euro disputé en France en 2016.

Le jeu : pas sa priorité

Laurent Blanc avait promis monts et merveilles, un jeu au sol fait de passes courtes, avec l'ambition de bien jouer. Hormis quelques matchs amicaux touchés par la grâce (notamment contre l'Allemagne en février 2012) on n'a pas vu grand-chose. Didier Deschamps, lui, s'est bien gardé de telles promesses lors de son intronisation. "Je ne m'amuse pas par le jeu, je ne m'amuse que par la victoire", disait-il déjà, en 2000, à Libération

Curieusement, les Bleus de Deschamps ne ressemblent pas du tout au joueur qu'il était. Laxistes en défense (seulement six matchs sur dix-sept sans encaisser de but), une intelligence de jeu sur courant alternatif, et parfois même pris en flagrant délit de refus de combat, comme face à l'Ukraine au match aller des barrages. "L'équipe de France n'a aucune marge face à des adversaires de bon niveau. Si elle faillit sur le plan de l'engagement, le collectif peut vite se déliter et ne plus rien proposer", écrivait déjà le spécialiste tactique Florent Toniutti sur Eurosport, presque un an après le début du mandat de Deschamps. A la fin de cette campagne qualificative, le constat est le même. A une nuance près : la victoire contre l'Ukraine a mis en valeur le caractère des joueurs, qualité dont les équipes tricolores précédentes ne pouvaient pas se prévaloir. "J'espère qu'on a montré que la France, c'est une équipe", défend Noël Le Graët, le président de la fédération, sur TF1.

Les joueurs : cherche leader désespérément

Didier Deschamps a lancé beaucoup de jeunes joueurs lors de sa première année en bleu, dont les déjà indispensables Paul Pogba et Raphaël Varane. Pas un chambardement comme l'avait expérimenté Raymond Domenech contre la Bosnie en 2004 (contraint et forcé avec les retraites internationales de Zinedine Zidane, Lilian Thuram et Claude Makelele), mais un renouvellement des générations osé, en confiant des postes clé (défenseur central, milieu axial) à de très jeunes joueurs. 

Mais ces derniers sont encore tendres pour endosser le rôle de leader. Des meneurs dont l'équipe de France manque encore cruellement, en-dehors de Franck Ribéry, leader technique, Patrice Evra, très écouté dans le vestiaire ou Hugo Lloris, capitaine par défaut. Relire le livre de Raymond Domenech, Tout seul, montre que de ce point de vue, les Bleus n'ont pas avancé d'un pouce : "Aucun leader capable de fédérer les joueurs n'existait (…). C'est pourquoi entre 2006 et 2010, les moments magiques furent si rares. Et si l'état de grâce a parfois duré une mi-temps, il s'est rarement éternisé un match entier. Cette équipe avait des étincelles, mais pas vraiment de flamme." Copie conforme pour l'équipe de France de Deschamps, uniquement capable de se sublimer pendant une mi-temps magique contre l'Espagne (1-1) et dos au mur, contre l'Ukraine (3-0)

Et dans la tête des joueurs, le "moi je" l'emporte toujours sur le "nous". Lors de sa toute première conférence de presse, Didier Deschamps déclarait, ferme : "S'il y a un objectif individuel qui passe au premier plan, ce n'est pas possible." Deux ans plus tard, en mars 2013, le discours était tout autre dans Le Parisien : "Ils joueront pour eux. Chacun joue d’abord pour sa réussite personnelle, puis pour la réussite de groupe et ensuite pour les gens." Il est encore trop tôt pour savoir si l'éclatante victoire contre l'Ukraine a rebattu les cartes. 

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