Football : sept erreurs à ne pas commettre pour les bleus de l'équipe de France
Cinq nouveaux joueurs ont été appelés par Didier Deschamps pour les matchs de samedi face au Luxembourg et l'Espagne, mardi. Mais les premiers pas en Bleus peuvent être compliqués.
Ils avaient à peine posé la bouteille qui faisait office de micro que la vidéo tournait déjà sur les réseaux sociaux. Kylian Mbappé, Florian Thauvin, Corentin Tolisso et Benjamin Mendy (en attendant Tiémoué Bakayoko), néo-Bleus appelés pour les matchs face au Luxembourg, samedi 25 mars, et l'Espagne, mardi 28 mars, sont ainsi montés sur une chaise, dans un coin de la salle à manger du château de Clairefontaine (Yvelines), et ont repris, avec plus ou moins de bonheur, Jul ou Soprano. Ces quelques secondes gênantes ne sont que la partie émergée de l'iceberg du bizutage des petits nouveaux, qu'on vous raconte par le menu.
1Ne pas se rater
Blasés, les footballeurs d'aujourd'hui ? Pas quand ils gravissent les marches de l'entrée du château de Clairefontaine, après avoir été déposés, le plus souvent, en taxi. Le cœur qui bat la chamade, les mains moites, l'angoisse de commettre un impair... C'est bien beau de toucher son paquetage d'équipements floqués du coq, encore faut-il s'intégrer dans un groupe pour espérer pouvoir connaître une deuxième sélection.
Règle n°1 : se débrouiller tout seul. Grégory Coupet, passé par l'OL et le PSG, décrit dans son livre un groupe auréolé de titres assez rétif aux pièces rapportées. "On est aussitôt relégué au second plan lorsqu'on arrive dans un tel groupe, souligne l'ex-gardien de Lyon. Rien de méchant, mais je ne fais pas alors partie du monde de certains. Tous ces joueurs qui ont tout gagné et se connaissent parfaitement bien. Ils se mettent parfois à parler en anglais, en espagnol ou en italien, car ils ne veulent pas que tout le monde comprenne leur conversation."
Règle n°2 : éviter les déclarations tapageuses dans la presse, c'est bien. S'abstenir de déclarations trop humbles aussi. Emmanuel Petit avait ainsi lancé, quelques minutes avant d'être sélectionné, qu'à son avis, d'autres joueurs méritaient plus la sélection. Certes, il n'avait que 20 ans et, à l'époque, les formations en media-training se limitaient à quelques minutes devant une caméra, mais Michel Platini, tout frais sélectionneur, n'avait que moyennement apprécié : "Je t'excuse parce que tu es jeune, mais ne me refais jamais un truc pareil."
2Ne pas se louper à l'entraînement
Raymond Domenech se souvient, dans L'Equipe, de l'arrivée difficile de Bafétimbi Gomis, alors à Saint-Etienne, appelé comme un sauveur lors des matchs amicaux précédant l'Euro 2008. "Tout joueur qui vient de l'extérieur pour prendre la place de quelqu'un établi depuis longtemps doit prouver, assure le coach des Bleus de 2004 à 2010. Oui, on est contents de te voir arriver, mais t'as intérêt à montrer quelque chose. S'il est fragile, s'il se laisse un peu faire... Par rapport à ça, les deux premiers jours sont essentiels."
Prenez ce commentaire de Didier Deschamps, au lendemain des débuts en bleu du timide N'Golo Kanté - "un petit bonhomme". "Quand il était sur le terrain, il nous a montré ce qu'il était capable de faire." Le milieu de terrain de Chelsea a désormais son rond de serviette chez les Bleus, et vient d'expliquer en conférence de presse qu'il n'hésitait plus à "recadrer ses coéquipiers". Un an seulement après sa première sélection.
Cette phrase extraite du livre de Djibril Cissé, alors bizut auxerrois au milieu des champions du monde, en 2001, résume le pouvoir qu'ont les membres installés du groupe France. "Ils m'ont donné l'opportunité de prouver en m'acceptant parmi eux, lâche l'attaquant. Ils avaient le pouvoir de me refuser cette chance."
3Ne pas arriver tout seul
La chance des nouveaux appelés par Didier Deschamps pour les matchs face au Luxembourg et l'Espagne, c'est qu'ils débarquent en nombre. Et le petit Kilian Mbappé, déjà labelisé "nouvelle star", peut compter sur plusieurs de ses coéquipiers de Monaco, eux aussi sélectionnés. Lors de sa première cape face à l'Uruguay en août 2012, le défenseur Mapou Yanga-Mbiwa, alors à Montpellier, avait ainsi pu bénéficier de l'expérience d'Olivier Giroud, arrivé en éclaireur : "Je garde [ses conseils] pour moi, mais s'il n'avait pas été là, j'aurais eu plus de pression", concède celui qui évolue désormais à Lyon.
Le bizutage d'Emmanuel Petit, dont la carrière internationale a commencé en pleine domination de l'OM version Bernard Tapie, a duré plus longtemps que prévu à cause de son isolement. L'écorché vif du foot français raconte sur SFR Sport les vives réactions liées à ses critiques de l'époque visant le fonctionnement du club phocéen. D'abord, les paroles, avec les nombreux Marseillais de l'équipe de France, qui lui lancent, un peu à l'écart du château : "Ici, c’est nous les boss. Et toi, tu fermes ta gueule !" Ensuite, les actes : "Dans l’entraînement de l’équipe de France qui a suivi, c’est à Eric Cantona que je dois mon salut. Lors d’un petit jeu, où je suis dos tourné au but, c’est lui qui m’a gueulé : 'Saute !' Je n’ai pas réfléchi, j’ai sauté. J’ai vu un mec qui passait les deux pieds en avant, qui arrivait de derrière [pour le tacler]."
4Ne pas poser ses fesses n'importe où
La première question que Mapou Yanga-Mbiwa a posée à Olivier Giroud lors de son arrivée en sélection ? "Je lui ai demandé où on avait le droit de marcher à Clairefontaine..." Il faut dire que les règles non-écrites sont légion chez les Bleus, comme la place à table ou le siège réservé dans le bus. Le gardien Grégory Coupet n'en conserve pas forcément un très bon souvenir : "On ne s'asseoit jamais sans demander au préalable si la place est réservée."
Le conflit entre Samir Nasri et Thierry Henry lié au siège du bus réservé au second et occupé par le premier était encore frais quand Franck Ribéry livrait ses conseils à Steve Savidan, tout juste appelé. "Il m’annonce très sérieusement qu’il est strictement interdit de téléphoner dans les chambres, que, de toute façon, le réseau est brouillé à certaines heures, sourit l'éphémère international dans son livre Une balle en plein cœur. Ou encore que les combinés téléphoniques dans chaque pièce sont sur écoute. Il m’informe que les remplaçants ne sont jamais sur le même terrain que les titulaires, qu’il n’y a jamais de séance où se mêlent les nouveaux et les anciens. Devant mon inquiétude grandissante, il éclate de rire et ponctue toujours ses vannes d’un : 'Eh, j’déconne !'"
5Ne pas l'ouvrir à tout bout de champ
Didier Deschamps s'est taillé, au fur et à mesure de son bail en équipe de France, une réputation de grand chambreur. Mais quand Michel Platini le convoque en catastrophe, alors qu'il s'apprête à évoluer avec les Espoirs, il change de ton. Son biographe Bernard Pascuito raconte : "Personne n'aura l'occasion d'entendre le son de la voix du petit nouveau. Ecrasé par la circonstance, il écoute, apprend, et ne parle pas." Même le soir, dans l'intimité des chambrées, "DD" ne moufte pas. Du haut de leur soixantaine de sélections cumulées, Joël Bats et Daniel Xuereb terrorisent l'actuel sélectionneur des Bleus.
D'autres grandes gueules ont perdu leurs moyens face à une icône. Vous imaginez le bouillant Luis Fernandez se faire tout petit ? C'est pourtant l'attitude qu'il a adoptée face à Michel Platini, boss des Bleus sur le terrain : "Michel nous a chambrés tous les deux [avec son coéquipier parisien Jean-Claude Lemoult] mais je n'ai pas répliqué, raconte l'ex-milieu international dans son livre. Je n'ai pas osé. Il était le patron indiscutable. Pas question de faire le fanfaron."
Michel Platini a beau avoir troqué les crampons pour l'imperméable beige du sélectionneur, son aura continue de faire du dégât. L'ailier Christophe Cocard, qui figure parmi les nouveaux appelés en 1989, n'ose pas lui adresser la parole : "J'évitais de le vouvoyer, j'évitais de le tutoyer, j'essayais de lui parler sans lui dire vous ou tu", sourit-il.
6Ne pas prendre tout de suite le numéro 10
Rares sont les internationaux en herbe qui clament haut et fort leur intention de marcher sur les Bleus. Ils leur arrivent de ne pas être gâtés par le sort, comme le malheureux Julien Faubert, "bébé Domenech" lancé pour la première du sélectionneur, dans un obscur match amical face à la Bosnie, juste après la première retraite internationale d'un certain Zinédine Zidane. Rien à redire sur son attitude, sur son numéro de maillot, en revanche...
"Personne ne voulait du maillot floqué du numéro 10, se souvient celui qui évolue aujourd'hui dans l'improbable club finlandais de Turku, sur SFR Sport. Je venais d'arriver, je n'avais pas du touuuuut la pression. On m'a fait un super cadeau..." Drôle de souvenir pour son unique cape, assortie d'un but, tout de même. "William Gallas, Sylvain Wiltord, Eric Abidal et surtout Patrice Evra, le plus grand chambreur, ne me ratent pas. On me chambre, car je suis le petit jeune qui vient d'arriver."
7Ne pas (trop) rater son speech
Ne surestimez pas le rituel de la chanson. Bien sûr, une voix qui part dans les aigus ou un trou de mémoire valent au malheureux chanteur une bonne semaine de moqueries. Le gardien du PSG, Alphonse Areola, a ainsi été aidé par ses partenaires à finir le tube de Maître Gims Sapés comme jamais. Mapou Yanga-Mbiwa a chanté Une souris verte sans (trop) souffrir.
Les nouveaux arrivants n'ont pas toujours dû pousser la chansonnette. Du temps de Robert Pirès, qui débarque à Clairefontaine en 1996, il fallait faire un discours. Quelques jours auparavant, le joueur messin avait participé à son premier talk-show sur RTL9 et en était ressorti traumatisé, réalisant que son vocabulaire se limitait à "une trentaine de mots, synonymes compris". Didier Deschamps n'en a cure, quand il fixe le petit jeune et lâche, d'une voix qui n'autorise pas la contestation : "Bon Robert, faut parler maintenant, faut que tu nous dises ce que tu penses."
L'ailier prend une grande inspiration, et débite laborieusement : "Eh bien, je suis content... Content d'être là, avec vous... Et j'espère... Ben... J'espère qu'on va gagner plein de matchs." Il raconte la suite dans son livre Les Canards ne savent pas tacler. "Je me rassois. Silence. Les mecs attendent la suite, mais je m'arrête là. J'ai tout donné."
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