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Coupe du monde 2018 : jeux vidéo, courses de licornes... Comment les joueurs trompent l'ennui entre deux matchs

La compétition est longue durant un Mondial et les entraînements durent tout au plus deux heures par jour. Jeux vidéo, animations, parties de cartes, concours... Les footballeurs tentent tant bien que mal de s'occuper. 

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Des joueurs de la sélection anglaise lors d'une séance de récupération dans leur camp de base, près de Saint-Pétersbourg (Russie), le 19 juin 2018. (EDDIE KEOGH FOR FA/SHUT / REX / SIPA)

"C’est simple, résume Florian Thauvin. On fait un entraînement par jour, parfois des séances vidéo, le reste du temps, ce sont nos repas, du repos, des soins avec le kiné et du temps entre nous pour rigoler." Pas mal de temps, même.

Et plus la Coupe du monde avance, plus l'ennui guette les joueurs. Le cas le plus célèbre est peut-être celui du joueur anglais Jermain Defoe, en 2010. Totalement désœuvré, il avait fini par regarder l'intégralité du mariage de Wayne Rooney en vidéo. Des années plus tard, les détails de la cérémonie sont encore gravés dans son cerveau.

Les Bleus friands de "Fortnite"... et de dés

Pour éviter ce genre de traumatisme, les hommes de Didier Deschamps ont de quoi s'occuper. Ils disposent notamment d'une salle toute équipée avec des jeux vidéo, une table de casino et un babyfoot. Ils multiplient les parties de Mario Kart, Football Manager ou Fortnite. Ils raffolent également d'une borne de mini-basket, un passe-temps auquel excelle le gardien remplaçant Alphonse Areola, révèle Le Parisien, avec un record établi à 163 points.

La salle de jeux du camp de base des Bleus à l'hôtel Hilton Garden Inn d'Istra, à une soixantaine de kilomètres environ de Moscou (Russie). (FEDERATION FRANCAISE DE FOOTBALL)

Mais les Bleus se contentent parfois de parties de ping-pong, de batailles acharnées de Uno et disputent surtout de nombreuses parties de Perudo, un jeu de société comparé au poker par Florian Thauvin et auquel semble très attaché Kylian Mbappé. 

Les Tricolores disposent également d'une salle de cinéma dans l'hôtel. Lors de la diffusion de Ça, "ils ont fait semblant d'avoir peur", explique le journaliste ciné David Honnorat, qui s'est amusé à suivre sur les réseaux sociaux les films et les séries regardés par les Bleus. "Antoine Griezmann et Paul Pogba sont partis avant la fin. On sent que beaucoup n'avaient pas l'habitude de voir des films, ils n'étaient pas hyper concentrés", ajoute-t-il, contacté par franceinfo. Et les séries ? Alphonse Areola est branché sur 13 Reasons Why, Presnel Kimpembe sur La Casa de Papel et El Chapo et Samuel Umtiti sur Le Bureau des légendes...

A un moment donné, ils ont tous regardé 'Les Tuche 3'. C'est lié à la blague avec Benjamin Pavard. Les premiers à vanner ont été Benjamin Mendy et Kylian Mbappé.

David Honnorat, journalisté cinéma

à franceinfo

Peu d'informations, en revanche, sur leur bibliothèque. En 2014, Didier Deschamps avait ramené des biographies de sportifs, mais seuls deux joueurs les avaient alors consultées, rapportait Le Parisien

"On avait du bon vin à table"

Face à l'ennui qui menace les équipes, le sélectionneur anglais Gareth Southgate aime citer l'un de ses anciens préparateurs physiques d'Aston Villa : "Seuls les gens ennuyeux se plaignent de l'ennui." Le message a semble-t-il été reçu. Certains de ses joueurs ont enfourché des licornes gonflables dans une piscine, pour une course improbable qui a fait le bonheur des journaux britanniques. Dele Alli, lui, s'est illustré lors d'une partie de fléchettes disputée avec les journalistes.

Les joueurs s'essaient parfois à d'autres sports, comme le tennis de table ou le basket – l'Allemand Thomas Müller a tiré quelques paniers en tongs. Les Brésiliens, eux, se sont pris d'affection pour le futbol mesa, une sorte de tennis-ballon pratiqué sur une table incurvée. Doucement messieurs, gare à la blessure. A Clairefontaine, avant le départ pour la Russie, Didier Deschamps a piqué sa colère quand il a surpris Djibril Sidibé et Benjamin Mendy – tous deux convalescents – en train de courir autour d'une table de ping-pong, rapporte L'Equipe.

Les délégations tentent également de vaincre la routine dans les assiettes. "C'est très long, il faut quand même se faire plaisir, se souvient Vikash Dhorasoo pour Yahoo Sports. [En 2006] on avait du bon vin à table (...) Le truc, c'est pas de prendre quatre verres." Merci du conseil. Les Suisses, eux, ont droit à une entrecôte-frites après les matchs. Pour vaincre le mal du pays, les Uruguayens ont acheminé 150 kg d'herbe de maté, une boisson plébiscitée en Amérique du Sud. Le chef Aldo Cauteruccio prépare également d'immenses barbecues, les asados.

"Les habitants d'Istra, on ne les voit pas beaucoup", s'amuse Raphaël Varane, cité par L'Equipe. En effet, pour d'évidentes raisons de sécurité et de concentration, les délégations n'ont pas l'occasion de faire beaucoup de tourisme en Russie. Samedi dernier, Didier Deschamps a bien accordé une permission de minuit aux joueurs, mais les tentations sont limitées à Istra, une ville de 35 000 habitants isolée au centre du pays. Le risque de voir les joueurs rentrer d'un Macumba local à 5 heures du matin était donc limité.

Des visites, mais pas trop

Seuls les entraînements ouverts au public permettent de conserver un lien avec les supporters. Avant le début de la compétition, les Bleus ont tout de même accueilli 23 supporters français triés sur le volet. Quant à l'équipe du Panama, elle a trouvé la parade en transmettant des courriers d'enfants aux joueurs.

Certaines délégations choisissent de briser la monotonie en organisant des rencontres avec des personnalités extérieures. Avant le départ des joueurs, le roi Philippe de Belgique avait conseillé à Eden Hazard de ne pas abuser des hamburgers, mais ce dernier a insisté sur l'importance des frites après les matchs – on ne se refait pas.

Le roi Philippe de Belgique rend visite aux joueurs belges, le 9 juin 2018 à Tubize (Belgique), avant leur départ pour la Russie. (PCRO / BELGA MAG / AFP)

Les Japonais ont reçu la visite de la princesse Hisako dans leur camp de base russe. Mine de rien, il s'agissait de la première visite d'une membre de la famille impériale en Russie depuis plus d'un siècle. Quant aux Mexicains, ils ont échangé quelques ballons à Moscou avec le chanteur colombien Maluma, véritable star au pays.

Le chanteur colombien Maluma (au centre) rend visite aux joueurs mexicains lors de leur premier entraînement à Moscou (Russie) le 12 juin 2018. (YURI CORTEZ / AFP)

L'Islande a également choisi d'inviter des célébrités locales dans son camp d'entraînement – un groupe de comiques, en l'occurrence. Lors d'un spectacle improvisé, le sélectionneur Heimir Hallgrimsson en a pris pour son grade face à des joueurs hilares. "L'équipe est là pour un moment et nous y sommes tous ensemble, a commenté Omar Smarason, un porte-parole cité par l'AFP. Il est important de rester frais et de faire quelque chose de complètement différent." Ambiance colo assurée.

Mais rien ne remplace la visite des familles, un moment particulièrement attendu par les joueurs. Une délégation de proches et de compagnes des Bleus a atterri à Moscou avant la rencontre contre le Danemark, avant de passer une nuit et une journée au camp de base. "C'est comme ça avec le coach, certaines nations voient plus souvent leurs proches, résume Raphaël Varane, un brin agacé par la position de Didier Deschamps. Si ça ne dépendait que des joueurs, on essaierait de les voir plus souvent, mais c'est lui qui décide." Même si elle est courte, Hugo Lloris semble en tout cas apprécier cette visite, comme il le confie dans Le Figaro.

Mes deux filles ne viendront pas, mais mon épouse et une partie de ma famille, oui. Plus on avance dans la compétition et plus voir notre famille fait du bien.

Hugo Lloris, gardien de l'équipe de France

Reste enfin le choix du camp d'entraînement, capital pour éviter de déprimer les joueurs. Demandez à la Mannschaft, recluse dans un bunker de luxe à Vatutinki, au milieu d'immenses barres d'immeubles héritées des cités de l'ex-Union soviétique. Un choix guidé par des raisons logistiques. La presse allemande, elle, s'interroge sur le lien entre les débuts poussifs de l'équipe et la morosité ambiante dans le camp de base retenu par le staff.

"Ça ne sert à rien de pleurnicher", a sobrement commenté Joachim Löw, qui doit toutefois regretter le paradisiaque site brésilien de Campo Bahia, il y a quatre ans. Il n'empêche. L'étape de Sotchi, survenue lors du déplacement pour le match face à la Suède, a été vécue comme une libération : jogging pour le sélectionneur, balade à vélo pour Manuel Neuer, lecture sur la plage pour Mats Hummels et virée en scooter électrique pour Mario Gomez ou Sami Khedira... La vie, la vraie !

Le joueur allemand Mario Gomez arrive en scooter à l'hôtel où est rassemblée son équipe à Sotchi (Russie), le 21 juin. (INA FASSBENDER / DPA / AFP)

Que pensent les générations précédentes face à cette débauche d'énergie pour tromper l'ennui ? En 1986, par exemple, le rassemblement des joueurs avait débuté 45 jours avant la Coupe du monde. "A cette époque, il n'y avait pas encore toutes les technologies actuelles. On s'occupait avec la radio, des livres et des jeux de société, expliquait l'ancien joueur mexicain Luis Garcia, dans un entretien accordé à La Vanguardia (en espagnol). Comme dans n'importe quel groupe humain, après un certain temps ensemble, des problèmes apparaissent. Mais nous les avons toujours résolus avec le dialogue."

"Nous voulons être ennuyeux !"

L'Anglais Jamie Carragher, qui a participé aux éditions 2006 et 2010 de la Coupe du monde, est également critique envers les joueurs qui confessent leur ennui au camp de base."L'un de mes souvenirs les plus mémorables est d'avoir suivi les matchs de groupe à la télé avec [seulement le sélectionneur] Fabio Capello, [et les joueurs] Stuart Pearce et Steven Gerrard, explique-t-il dans The Telegraph (en anglais). Je ne sais pas ce que faisaient les autres. C'était pourtant une chance de voir nos potentiels futurs adversaires."

Mais parfois, certaines sélections préfèrent embrasser l'ennui plutôt que de le combattre, notamment pour des questions de communication. "Nous voulons être ennuyeux ! résume sans détour le sélectionneur de la Belgique, Roberto Martinez. Nous ne voulons pas faire la une des journaux pour de mauvaises raisons." Une analyse partagée par Noël Le Graët, président de la fédération française. "Les joueurs ont besoin de se préparer et de se concentrer, explique-t-il. C’est assez logique d’être dans des conditions très protégées, mais c’est plutôt pas mal." Pourvu qu'ils s'amusent sur le terrain.

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