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Mondial 2019 : a-t-on vraiment assisté à la "meilleure Coupe du monde féminine de l'histoire" ?

L'engouement autour de la Coupe du monde féminine de football a été sans précédent. Franceinfo passe en revue quelques indicateurs qui prouvent que la compétition est une franche réussite.

Article rédigé par Camille Adaoust
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10min
La capitaine de l'équipe de France Amandine Henri célèbre la victoire des Bleues face au Brésil, le 23 juin 2019 au Havre. (FRANCK FIFE / AFP)

Pour le patron de la Fifa, pas de doute : le Mondial 2019, qui a vu (encore une fois) les Etats-Unis s'imposer en finale (2-0 face aux Pays-Bas, dimanche 7 juillet à Lyon) est tout simplement la "meilleure Coupe du monde féminine de l'histoire". Pour savoir si Gianni Infantino dit vrai, franceinfo a passé en revue six indicateurs.

Dans les stades

Cette Coupe du monde a battu les records. Celui du nombre de spectateurs assistant à une rencontre de l'équipe de France féminine, tout d'abord. En effet, 45 261 personnes ont assisté à la rencontre entre la France et la Corée du Sud au Parc des Princes le 7 juin. En moyenne, le site Statista nous rappelle que 26 000 personnes assistaient aux matchs, toutes équipes confondues, lors des deux dernières Coupes du monde.

Les Bleues ne sont pas les seules à avoir fait se déplacer les foules. "Au Canada, il y a quatre ans [lors de la précédente édition], aux Pays-Bas lors de l’Euro [en 2017] ou aux JO, alors oui il y avait un élan pour suivre l’équipe qui jouait à domicile, mais à côté il n’y avait personne dans les stades ! Il faut avoir ça en tête. Ce qu’il se passe là est hallucinant", notait auprès de 20 Minutes Frédérique Jossinet, responsable du football féminin à la Fédération française de football (FFF).

La Fifa s'est en effet félicitée d'avoir dépassé la barre du million de tickets vendus quatre jours seulement après le début de la compétition. France Inter ajoute que "24 rencontres se sont jouées à guichets fermés, dont tous les matchs de l’équipe de France". A l'heure de la finale, la question est de savoir si la barre du million de spectateurs a bel et bien été franchie dans les différentes enceintes françaises qui ont accueilli les rencontres de ce Mondial.

Devant les écrans

Même mobilisation devant les petits écrans. Le match d'ouverture entre la France et la Corée du Sud a réuni 10,655 millions de téléspectateurs (9,829 millions sur TF1 et 860 000 sur Canal+), record d'audience pour un match de football féminin en France. Un record qui n'a tenu que quelques jours puisqu'il a vite été dépassé par les différents matches des Bleues. Le quart France-Etats-Unis a attiré 11,8 millions de téléspectateurs et le huitième de finale France-Brésil avait fait encore mieux avec 12 millions de personnes réunies devant leur télé. Le record avant ce Mondial se situe à des années-lumière de ces chiffres (4,12 millions de téléspectateurs pour Allemagne-France en 2015).

Les autres rencontres ont, elles aussi, été très suivies. La demi-finale entre les Etats-Unis et l'Angleterre "a largement surpassé la finale de la Ligue des champions Liverpool-Tottenham diffusée sur BFMTV, avec 6,2 millions de téléspectateurs contre 2,5 millions", note L'Equipe (article payant).  

Sur le terrain

Avec un 17e but marqué mardi 18 juin, la Brésilienne Marta est devenue la meilleure buteuse en Coupe du monde, hommes et femmes confondus. Pour la légende auriverde, ce record en dit beaucoup sur l'évolution du jeu chez les femmes : "On est en train de briser de nombreuses barrières et ce record représente beaucoup. Il ne m'appartient pas, il est à nous toutes."

Plus largement, cette Coupe du monde offre-t-elle un jeu de meilleure qualité ? C'est l'avis qu'expriment plusieurs spécialistes. Pour Camillo Vaz, ex-entraîneur du PSG féminin, "au niveau de l’intensité, on est sur des standards et des critères de très haut niveau", décrit-il à Libération.

Ça va vite, ça tape fort, les espaces se rétrécissent, il n’y a pas quarante occasions par match. Sur l'intensité, on peut parler d'une vraie progression et d'un pied d'égalité, dans l'approche et dans l'esprit, avec les garçons.

Camillo Vaz, ex-entraîneur du PSG féminin

à "Libération"

Un constat que partage Marinette Pichon, meilleure buteuse de l'histoire des Tricolores. "Aujourd'hui, il y a davantage de qualité technique, un talent collectif et des profils individuels complets. Beaucoup plus d'agressivité et de modularité dans les choix tactiques. Les joueuses d'aujourd'hui sont capables d'évoluer à n'importe quel poste", analyse-t-elle pour franceinfo. Toutefois, "il reste des disparités entre les nations", comme lors du match entre les Etats-Unis et la Thaïlande, qui s'est soldé par un cinglant et remarqué 13-0.

Dans les médias

En dehors des matchs, le public a montré un engouement sans précédent pour cette Coupe du monde. Pour la rencontre entre les Pays-Bas et le Cameroun, le 15 juin à Valenciennes, des milliers de Néerlandais ont enflammé les abords du stade. "On n'avait jamais vu ça", écrit 20 Minutes.

Sur les réseaux sociaux, la Fifa s'est félicitée d'avoir attiré de nouveaux internautes : "1,25 million de nouveaux suiveurs sur les réseaux sociaux dédiés au football féminin", expose le site de la fédération internationale.

Les médias ont également bien plus suivi la compétition que lors des éditions précédentes. Pour la première fois, le site de franceinfo a ainsi mobilisé cinq personnes pour le traitement du Mondial féminin en amont et durant la compétition. De son côté, L'Equipe a consacré pas moins de dix unes à cette Coupe du monde entre le 7 juin et le 7 juillet. En comparaison, la compétition n'avait fait la couverture que quatre fois en 2015 et trois fois en 2011.

Cet intérêt a d'ailleurs étonné la sélectionneuse des Bleues, Corinne Diacre, et la capitaine de l'équipe de France, Amandine Henry, lors de la conférence de presse précédant le match d'ouverture entre la France et la Corée du Sud. "Ça fait un petit moment qu'on n'avait pas eu autant de monde, avait déclaré la première. "On n’avait même jamais vécu ça ! C’est un rêve de voir autant de médias", avait complété la seconde. 

Après la compétition, Corinne Diacre a commenté cette ferveur : "Je suis ravie pour mes joueuses, la fédération et les femmes des générations passées, celles qui n'ont pas eu le droit de jouer au football, que la discipline ait recueilli un tel engouement", a-t-elle réagi dans Le Parisien.

Dans le portefeuille

Avant même de constater l'engouement du public, les marques avaient flairé le bon filon. Ainsi, pour la première fois, un maillot différent de celui de l'équipe masculine a été réalisé pour les Bleues. "Le foot féminin grandit à grande vitesse. Le futur nous le dira, mais nous sommes confiants en notre stratégie d'être présents dans le foot féminin à long terme", confiait au début de la compétition Bert Hoyt, vice-président de l'équipementier Nike en charge du football. "Nous pensons que nous sommes au début de notre voyage et que la Coupe du monde en juin sera un point de basculement pour le futur du foot féminin", avait-il ajouté. La marque espère ainsi renouveler le record battu avec le maillot des Américaines, puisque c'est devenu "la tenue la plus vendue de tous les temps sur le site internet de Nike", rapporte L'Equipe.

Plus largement, la Fifa a elle aussi décidé de miser sur le foot féminin. Gianni Infantino a récemment annoncé un investissement global d'un milliard d'euros à destination du football féminin. "Il faut investir pour faire croître le football féminin dans le monde entier", a-t-il affirmé. Les joueuses y trouveront leur compte puisque le patron de la Fifa a annoncé que la dotation accordée aux nations participantes sera doublée (60 millions de dollars au lieu de 30 cette année) pour la prochaine édition du Mondial, en 2023 en Afrique du Sud.

De quoi réjouir TF1, qui a investi dix millions d'euros pour la retransmission de la compétition. Le Monde en profite pour rappeler qu'"en 2015, W9 avait payé 850 000 euros pour les droits de diffusion". La première chaîne a largement remboursé son investissement puisque, signe de la bonne audience qu'ont apporté les matchs, elle a revu "ses tarifs publicitaires à la hausse", note Le Parisien. Si lors de la première rencontre, le passage de trente secondes coûtait 63 000 euros aux marques, le tarif a augmenté à 95 000 euros pour la deuxième entrée des Françaises sur le terrain.

Dans les clubs

Cet intérêt pour le foot féminin va-t-il durer ? C'est ce que croit la FFF. "L'impact sera moindre qu'avec un titre [de championne du monde] mais le mouvement est enclenché quoi qu'il arrive", assure la Fédération au Parisien. Le journal décrit les ambitions de la FFF : "L'objectif de la Fédération française, qui a mis en place un 'Plan Héritage 2019' avec une enveloppe de 15 millions d'euros, est d'atteindre 200 000 licenciées en 2020. (...) Elles n'étaient que 51 000 il y a huit ans, 185 000 aujourd'hui. Dans l'intervalle, le nombre de clubs ayant au moins une équipe féminine a doublé (de 3 000 à 6 000). La barre est fixée à 8 000."

En Bretagne, on est confiant sur ce dernier objectif. Comme l'écrit Le Télégramme, "la Ligue de Bretagne prévoit une augmentation de 10-12% de pratiquantes". A confirmer dès la rentrée, lors des premiers entraînements.

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