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Coupe du monde féminine : pourquoi les tribunes des matchs "à guichets fermés" sont-elles si peu remplies ?

Un million de billets déjà vendus et une quinzaine de matchs annoncés à guichets fermés… La Coupe du monde féminine dans l'Hexagone est présentée comme un formidable succès populaire. Elle l'est, indéniablement, mais pas autant que le marketing le proclame.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Une supportrice écossaise avant le match Angleterre-Ecosse, le 9 juin 2019 au stade Allianz Riviera de Nice (Alpes-Maritimes). (JEAN-PAUL PELISSIER / REUTERS)

La Fifa le claironne sur tous les toits depuis des semaines : la Coupe du monde féminine en France est un succès. Pour le grand public hexagonal, l'affirmation paraît au premier abord exacte : les deux matchs des Bleues se sont déroulés devant des stades pleins, ou presque. Quelque 45 000 personnes au Parc des Princes, 35 000 cinq jours plus tard à Nice, alliées à des audiences télé stratosphériques : les conditions sont réunies pour que la fête soit belle. 

Là où le bât blesse, c'est quand les Bleues ne sont pas sur le terrain. Non que les arabesques de l'Américaine Alex Morgan ou de la Néerlandaise Shanice van de Sanden ne vaillent pas le déplacement, mais parce que la communication de la Fifa est prise en flagrant délit d'exagération. Tout a commencé à un mois de la compétition, quand le compte Twitter de l'évènement claironnait à son public qu'il pouvait "encore acheter des tickets pour quelques matchs".

A peu près au même moment, on apprenait que 800 000 des 1,3 million de sésames étaient déjà partis. Faites le calcul, cela faisait encore 500 000 tickets dans la nature.

Le compte n'est pas bon

Arrive le congrès de la Fifa, concomitamment au début de la Coupe du monde, lors de la première semaine de juin. Son président, Gianni Infantino, s'enflamme à la tribune en évoquant une vingtaine de matchs à guichets fermés. Quelques jours plus tard, dans un communiqué où la Fifa se gargarise d'avoir dépassé le million de billets vendus, le nombre de matchs où les tickets ne sont plus disponibles a baissé d'un tiers, avec 14 affiches complètes, dont le match Etats-Unis-Chili du dimanche 16 juin au Parc des Princes. Les Américaines font recette : Etats-Unis-Thaïlande, l'entrée en lice des championnes du monde dans la compétition, figure aussi sur la liste des rencontres annoncées comme complètes. Et pourtant, le soir du match, le stade Delaune de Reims, une des plus petites enceintes de la compétition, n'est rempli qu'aux deux tiers…

Même chose pour Allemagne-Espagne à Valenciennes le 12 juin. Là encore, le match est annoncé à guichets fermés, mais les grosses masses rouges que l'on distingue au stade du Hainaut – 24 926 places au total – sont des sièges vides et non les supporters de la Roja. Le rapport officiel du match fait état de 20 761 spectateurs, mais certaines de ces places n'étaient pas occupées, car il y avait bien plus de 4 000 sièges vides ce jour-là.

Les médias anglo-saxons sont les premiers à s'être posé des questions, quand le derby Angleterre-Ecosse, dont on promettait qu'il remplirait presque l'Allianz Riviera de Nice, s'est déroulé dans une ambiance feutrée avec 13 000 spectateurs environ sur les 35 000 que peut accueillir l'enceinte azuréenne. Le Telegraph donne les détails : la FA anglaise a écoulé 1 300 billets, la fédération écossaise 725, et 11 323 habitants du Royaume-Uni sont passés par la billetterie de la Fifa. Il restait donc plus de 20 000 tickets à écouler aux locaux, lesquels ont préféré se mobiliser massivement pour les Bleues quelques jours plus tard.

La BBC a révélé que la capacité cumulée de toutes les enceintes sur tous les matchs atteignait près de 1,6 million de places, quand seulement 1,3 million étaient mises en vente. Ce qui veut dire que 300 000 tickets n'ont purement et simplement pas été proposés au public. La Fifa n'a pas expliqué la raison de cette sous-capacité : peut-être pour pouvoir avancer un taux de remplissage respectable ? D'ailleurs, environ 60% des sièges ont trouvé preneurs, selon les chiffres officiels (statistique arrêtée après France-Norvège, le 12 juin). Un taux éminemment respectable. Comparez avec les tribunes de France-Islande lors d'un Euro 2017 batave qui n'avait fait le plein que pour les matchs des Pays-Bas

L'attaquante russe Tatiana Shcherbak marque un but face à l'Allemagne lors de l'Euro 2017, à Utrecht (Pays-Bas) devant des tribunes clairsemées, le 25 juillet 2017. (ANKE WAELISCHMILLER/ SVEN SIMON / AFP)

… ou avec les affluences constatées lors du Mondial féminin au Canada, en 2015, où il ne restait plus grand monde quand on enlevait la famille et les amis des joueuses. Officiellement, lors d'un alléchant France-Angleterre, 11 686 personnes avaient pris place dans l'enceinte, qui pouvait en accueillir 20 000.

L'équipe de France pose avant son match de poules contre l'Angleterre lors du Mondial 2015 au Canada, le 9 juin 2015. Notez les tribunes du stade de Moncton, bien clairsemées. (ISAAC ORTIZ / MEXSPORT)

Ce Mondial canadien avait d'ailleurs été l'objet d'une drôle de manipulation. Officiellement, 1 353 506 spectateurs avaient assisté aux matchs, nouveau record de l'histoire de la Coupe du monde féminine. Le souci, c'est que ce chiffre est faux : pour les 24 matchs du premier tour, les affluences avaient tout simplement été doublées, chaque possesseur de ticket comptant deux fois, explique le Sydney Morning Herald. Il faut dire que les malheureux spectateurs n'avaient pas eu le choix : les deux premiers matchs de chaque pays étaient vendus ensemble, sans possibilité de découpler les places.

"Comme c'est compliqué de compter techniquement le nombre de gens présents dans les tribunes, on fait le total des billets vendus pour chaque match", avait expliqué sans sourciller un responsable de la Fifa au journal australien. Et même avec cette tambouille, le comité d'organisation avait échoué à atteindre l'objectif de 1,5 million de tickets écoulés

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