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Fifa : les cinq opposants qui sont tombés avant Sepp Blatter

Jeudi, le comité d'éthique de la Fifa a suspendu le président de l'organisation, mais aussi deux des trois candidats à sa succession, Michel Platini et Chung Mong-joon. Ils ne sont pas les premiers rivaux du Suisse à voir leur ascension brutalement stoppée. 

Article rédigé par Louis Boy
France Télévisions
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Le président de la Fifa, Sepp Blatter, célèbre sa réélection, le 29 mai 2015, à Zurich (Suisse). (ARND WIEGMANN / REUTERS)

Et si Sepp Blatter parvenait, une nouvelle fois, à sauver sa tête au sommet de la Fifa ? Le président de l'organisation, qui doit quitter son poste, a été suspendu quatre-vingt-dix jours, jeudi 8 octobre, par le comité d'éthique de son institution. Mais l'élection de son successeur en février 2016 semble déjà fortement menacée : deux des trois candidats, Michel Platini et Chung Mong-joon, ont également été suspendus, et pourraient devoir déjà tirer un trait sur le scrutin. Vendredi, plusieurs sources évoquent un possible report de l'élection.

Il faut dire que les opposants et rivaux de Sepp Blatter ont une fâcheuse tendance à être évincés ou rattrapés par la patrouille au moment critique où ils semblent en mesure de faire de l'ombre au Suisse. Tour d'horizon de ceux qui se sont perdus dans ce triangle des Bermudes qui entoure le président de la Fifa.

1Michel Zen-Ruffinen, numéro 2 de la Fifa, évincé après un rapport critique

En 2002, Sepp Blatter n'a pas encore achevé son premier mandat, et il s'est déjà fait des ennemis au sommet. A quelques semaines du scrutin dans lequel il joue sa réélection, son numéro 2, Michel Zen-Ruffinen, publie un rapport assassin sur la gestion financière de la Fifa : en quatre ans, Blatter lui aurait fait perdre 500 millions de dollars. Ses accusations rappellent, de façon troublante, celles de la justice américaine aujourd'hui : Blatter est accusé d'utiliser les caisses de la Fifa pour arroser les fédérations nationales et continentales et s'assurer de leur soutien, au nom du développement du foot. Le rapport pointait en particulier le rôle d'un certain Jack Warner, déjà à la tête de la Concacaf, arrêté en mai dernier. Le tout alors que Blatter avait interdit à Zen-Ruffinen l'accès aux comptes de l'organisation.

Onze des 24 membres du comité exécutif de la Fifa déposent plainte contre Blatter. Parmi eux, certains de ses principaux rivaux, comme le Suédois Lennart Johansson, qu'il a battu en 1998, et, déjà, le Coréen Chung Mong-joon. Au congrès de la Fifa, le président est hué. Il interdit à ses opposants de monter à la tribune. Mais, le jour du vote, c'est lui qui l'emporte, balayant son challenger Issa Hayatou. Pour son numéro 2, la sanction est immédiate. "[Demain], je jette Zen-Ruffinen à la porte", lance Sepp Blatter après sa victoire. Les mutins du comité exécutif déposent les armes, et votent le départ du secrétaire général.

En juillet dernier, il n'excluait pas un retour à la Fifa dans les pas de Michel Platini, un plan qui semble bien compromis depuis jeudi. Quant à Issa Hayatou, qui avait osé défier Blatter et se présentait comme le candidat anticorruption, il est rentré dans le rang, et a acquis une réputation sulfureuse. Avec la suspension du Suisse, c'est lui qui dirige la Fifa par intérim.

2Mohammed Bin Hammam, candidat pour 2011, banni du football à vie

Réélu sans combattre en 2007, Sepp Blatter voit un nouvel obstacle se dresser contre lui, quatre ans plus tard : Mohammed Bin Hammam, président de la confédération asiatique. Longtemps dans l'ombre de Blatter, il lance sa campagne en promettant le changement et une limite de deux mandats à la tête de la Fifa. En avril, à un mois du scrutin, le Qatari se voit "bien placé", comptant notamment sur le soutien de l'Asie et des pays anglo-saxons, où les médias s'enthousiasment à l'idée d'un concurrent de Blatter. Plus dure sera la chute.

A quelques semaines du scrutin, Bin Hammam se rend à Trinidad-et-Tobago pour convaincre les représentants d'Amérique du Nord et des Caraïbes. Il leur offre un argument convaincant : des enveloppes contenant 40 000 dollars en cash. Des photos des enveloppes fuitent dans les médias. Le challenger de Blatter dénonce une "conspiration". Bin Hammam est persuadé que le président de la Fifa a été informé de ces paiements par Jack Warner, le président de la Concacaf, à l'initiative de la rencontre, et dont les liens avec Blatter sont troubles. Cela ne suffira pas à convaincre le comité d'éthique, qui lave Blatter de tout soupçon. Le 31 mai 2007, le président de la Fifa, seul en lice, est réélu par acclamation. Bin Hammam, lui, est banni à vie de toute activité liée au football.

3Harold Mayne-Nicholls, possible candidat pour 2015, suspendu sept ans

A la Fifa, le Chilien Harold Mayne-Nicholls jouissait d'une image rare : celle d'un dirigeant intègre. A la tête du comité chargé d'évaluer les candidatures à l'organisation de la Coupe du monde, il avait notamment mis en garde contre les températures estivales au Qatar, tout de même choisi pour organiser l'édition de 2022. En octobre dernier, il admet réfléchir à une candidature contre Blatter.

C'est le moment choisi par le comité d'éthique de la Fifa pour l'informer qu'une enquête a été ouverte contre lui. Impassible, Mayne-Nicholls assure, en novembre, que ce facteur n'influera pas sa décision. Avant de renoncer, deux mois plus tard. Officiellement, il ne croit plus en ses chances, impressionné par des candidats comme l'ancien joueur Figo. Qui, comme tous les autres outsiders à une exception près, n'ira pas au bout. Mayne-Nicholls, lui, chute finalement en juillet, après la réélection de Blatter. Pour avoir demandé aux responsables qataris d'embaucher son beau-frère, prof de tennis, et de trouver des stages à son fils et à son neveu, il est suspendu sept ans.

4Chung Mong-joon, candidat pour 2016, suspendu six ans

Chung Mong-joon savait ce qui l'attendait. Durant sa campagne à la présidence de la Fifa, le Sud-Coréen avait qualifié le comité d'éthique de l'organisation de "tueur à gages" à la solde de Sepp Blatter. Jeudi, le tueur à gages l'a rattrapé, lui infligeant une suspension de six ans. Une sanction politique selon lui : il affirme n'avoir été suspendu que pour avoir refusé de coopérer lors de l'enquête interne, et que les allégations contre lui (sur un accord d'échange de votes avec les Anglais pour l'attribution du Mondial, notamment) ont été éventées.

Chung était loin d'être favori du scrutin de février prochain face à Michel Platini. Mais il est un critique de longue date de la gestion de Sepp Blatter, et avait commencé sa campagne sur les chapeaux de roue, promettant de nettoyer "une organisation corrompue" et décrivant son président comme "un hypocrite et un menteur". Dénonçant un plan pour l'empêcher d'être candidat, il a promis, avant même sa suspension, d'attaquer le patron de l'organisation pour réclamer des "dommages et intérêts" au nom de la Fifa.

5Michel Platini, favori à la succession de Blatter, suspendu 90 jours

"Tombe avec moi", titre L'Equipe, vendredi. Sur la une du quotidien sportif, une photo de Sepp Blatter passant son bras autour de Michel Platini. Les deux hommes ont écopé la veille de la même suspension de quatre-vingt-dix jours de la part du comité d'éthique. Pour Blatter, la sanction est essentiellement un problème d'image. Le président français de l'UEFA, en revanche, voit sans doute s'évanouir ses chances dans une élection dans laquelle il était le grand favori.

Platini a juré de "faire triompher sa bonne foi", et n'est suspendu qu'à titre conservatoire, le temps de l'enquête sur un paiement qu'il a reçu de Sepp Blatter. Mais sa candidature, déposée en urgence jeudi matin, doit être validée par la commission électorale de la Fifa, ce qui passe par un avis favorable... du comité d'éthique. S'il ne pouvait définitivement pas se présenter, le prince Ali de Jordanie resterait seul en piste pour l'élection.

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