CAN 2024 : "Une compétition qui offre autant d'émotions, c'est une compétition réussie", selon Claude Le Roy

La Coupe d’Afrique des nations s’est achevée dimanche par la consécration de la Côte d'Ivoire à domicile. Qualité du jeu, arbitrage, infrastructures… Cette édition a rempli toutes les cases d’une compétition réussie.
Article rédigé par Sasha Beckermann, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Sébastien Haller le 3 février 2024, pendant la CAN en Côte d'Ivoire. (ISSOUF SANOGO / AFP)

La Coupe d’Afrique des nations (CAN) fait régulièrement l’objet de railleries, notamment sur les réseaux sociaux, en raison d’arbitres parfois un peu légers, de pelouses peu entretenues, ou d’un niveau de jeu faible, voire très faible. Que nenni pour cette édition 2024 en Côte d’Ivoire, qui a vu le pays hôte s’imposer en finale face au Nigeria (2-1), dimanche 11 février, après un parcours qui restera dans les annales. Le pays organisateur rêvait d'en faire "la CAN du siècle", voire "la meilleure CAN de l’histoire"

Pour Claude Le Roy, neuf CAN au compteur en tant que sélectionneur et premier entraîneur français vainqueur d'une édition (en 1988 avec le Cameroun), cette édition semble cocher toutes les cases d'une coupe réussie : "Il y a eu certains matchs moyens mais la plupart ont donné de telles émotions, parce que c’est ça le football aussi… Il y a eu du rythme, des buts, des renversements invraisemblables. Et une compétition qui offre autant d’émotions, c’est une compétition réussie.

Nivellement vers le haut

Parcours inattendus, scénarios renversants, ajoutez-y un arbitrage au niveau et des infrastructures globalement satisfaisantes, et vous obtiendrez le cocktail de cette année en Côte d’Ivoire. "Cette édition donne un signal très positif sur pas mal de points qui étaient critiqués. Je trouve que c’est une CAN parmi les plus relevées que j’ai pu couvrir, avance Patrick Juillard, spécialiste du football africain et consultant à RFI. On a aussi eu des scénarios, avec des matchs renversants, ou la Côte d’Ivoire qui est passée de zéro à héros, de pratiquement éliminée à championne d’Afrique." 

Sénégal, Maroc, Algérie, Cameroun… L’élimination précoce de certaines grosses équipes a donné un tournant inédit à la compétition. Aucun des quarts de finaliste de la CAN en 2021, n’était présent dans cette phase finale de la CAN 2024. "Il y a eu beaucoup de qualifications aux tirs au but, qui sont beaucoup plus un exercice mental et psychologique qu’un exercice technique, analyse Claude Le Roy. Des équipes qu’on disait favorites subissaient beaucoup plus la pression de l'exercice. Leur adversaire se disait : 'De toute façon, tout ce qu’on a fait c’est déjà bien. Et si on se qualifie ce n’est que du bonus'."

Baisse du niveau des grosses équipes ? Ou rattrapage de ces sélections par d'autres jugées plus "faibles" ? "Je trouve qu’il y a un plus grand nombre de pays bien armés. Il y a dix, quinze, vingt ans, c’était toujours les mêmes, constate Patrick Juillard. Aujourd’hui, on a vraiment une montée en puissance des compétences. Les équipes dites moyennes voire petites sont mieux préparées. On le voit avec le cas de la Mauritanie par exemple." En battant l'Algérie en poules (1-0, le 23 janvier), la Mauritanie s'est offert la toute première participation de son histoire aux huitièmes de finales de la compétition.

En 2017, une nouvelle mouture de la compétition avait été dévoilée par la Confédération africaine de football (CAF). Exit le format à 16 équipes, la CAN se joue désormais à 24 depuis l’édition 2019, et prend un format similaire à celui de l’Euro. Certains craignaient une baisse du niveau avec l’entrée de sélections jugées plus faibles dans le contingent des équipes qualifiées. "On s'aperçoit qu’il y a peu d’équipes vraiment faibles, observe Patrick Juillard. Les rencontres sont très disputées, il n’y a pas de match à sens unique."

Claude Le Roy, aussi appelé le "Sorcier Blanc", pousse la réflexion encore plus loin et estime que la réussite de cet élargissement au niveau africain se ressentira sur la scène mondiale : "Je faisais partie de ceux qui doutaient. Désormais, ça veut dire qu’il y a une quinzaine d’équipes africaines qui peuvent postuler à une place au Mondial et in fine, en avoir une championne du monde."

Du mieux dans l’arbitrage

Seuls deux matchs se sont terminés par un score avec quatre buts d’écart, et pas forcément pour l’équipe que l’on attendait le plus : la Côte d’Ivoire s’est inclinée face à la Guinée équatoriale en poule (4-0). C’est sur ce même score que l’Afrique du Sud a corrigé la Namibie, au premier tour également. 

L’arbitrage, souvent l’objet de débats, de moqueries, et surtout de polémiques lors des précédentes éditions, semble également avoir été à la hauteur. L’introduction de la VAR, lors de l’édition 2022, n’avait pas été convaincante, les arbitres ne le maîtrisant pas suffisamment. Deux ans plus tard, les outils ont été aiguisés, la Goal Line Technology ajoutée, et l’arbitrage africain a pris un nouveau tournant : "Ça aligne la CAN sur les autres grandes compétitions européennes. C’est positif et pour l’instant, il n’y a pas eu d'erreur flagrante dans leur utilisation", souligne Patrick Juillard avant d’ajouter : "Une nouvelle génération d’arbitres a émergé en Afrique. On avait aussi une arbitre marocaine, Bouchra Karboubi, ça va dans le bon sens. C’est globalement mieux dans le rapport au joueur." 

Côté infrastructures, joueurs, entraîneurs, et suiveurs sont globalement satisfaits des services proposés : "Je pense que c’est la meilleure CAN que j’ai disputée. La qualité des terrains, les stades...", confiait Ahmed Musa, international nigérian, en conférence de presse la veille de la finale. "On critiquait souvent la qualité des pelouses, on estimait qu’on jouait sur des terrains indignes d’une compétition de ce niveau, des champs de patates, pointe Patrick Juillard. Là, sur presque l’ensemble des stades, les pelouses sont d'excellente qualité." 

"Les Ivoiriens ont voulu montrer qu’ils étaient capables, que c’était un pays sérieux."

Patrick Juillard

à franceinfo: sport

De quoi crédibiliser un peu plus le football africain aux yeux des Européens ? "Vous connaissez un sujet sur lequel les Européens ne se sentent pas supérieurs aux Africains ?, ironise Claude Le Roy. Je ne suis pas sûr. La bêtise vit sur ses certitudes. Quand on voit le ton sur lequel les gens parlent de la CAN…"

Dans des pays où l'organisation d'une telle compétition est intégralement dépendante du contexte politique et économique, impossible de calquer les critères européens sur ceux africains. La Côte d'Ivoire fait partie des dix plus grandes puissances économiques du continent depuis 2021, un facteur non négligeable et à prendre en compte lorsque l'on juge la qualité de la compétition. "La CAN et l’Euro ne sont pas comparables. Il ne faut pas s’aligner sur les standards européens, met en garde Patrick Juillard. Chaque continent a sa vérité, il ne faut pas tout aligner sur l’Europe." 

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