Arbitrage vidéo au Mondial 2014 : la fin d'un dogme
Le président de la Fifa a annoncé mardi l'introduction de cette technologie… après l'avoir rejetée farouchement pendant vingt ans.
Le président de la Fédération internationale de football (Fifa) Joseph "Sepp" Blatter a annoncé mardi 6 décembre sur le site sportif espagnol Mundo Deportivo que l'arbitrage vidéo sera utilisé pendant la Coupe du monde 2014.
Cela permettrait d'éviter des controverses sans fin, comme savoir si le ballon de l'Anglais Geoff Hurst a franchi ou non la ligne lors de la finale du Mondial 1966 contre l'Allemagne (finalement remportée par l'Angleterre après prolongations). Il a fallu que l'attaquant anglais reconnaisse, 44 ans plus tard, que le but n'était pas rentré pour qu'on aie le fin mot de cette histoire. Mais comme c'était un 1er avril, le doute subsiste.
Pourquoi ne se décider que maintenant ? On peut dégager quatre raisons à cette annonce inattendue.
• Une décision rendue possible par le progrès
Des essais ont été menés à plusieurs reprises par la Fifa, mais jusqu'à présent, aucun n'a été concluant. Aujourd'hui, la donne a changé : Blatter affirme que la Fifa "dispose de deux bons systèmes, répondant à toutes nos demandes : fiabilité, immédiateté et simplicité d'utilisation".
Le premier, comme Goalminder, ressemble au système de ralenti 3D du tennis, tandis que le second fonctionne grâce à une puce intégrée au ballon. La Fifa souhaitait un système fiable à au moins 90 % et surtout que l'information soit envoyée à l'arbitre en quelques fractions de seconde.
• Une décision un peu prématurée
Blatter propose, mais l'International Board dispose. Le Board, ce sont les gardiens du temple, un conseil constitué de papys écossais, anglais, gallois et nord-irlandais. Ce sont eux qui décideront en dernier ressort d'avoir ou non recours à la vidéo.
Dans ce conseil, la Fifa dispose de quatre voix, les fédérations britanniques de quatre également, mais la décision, prise à la majorité des trois quarts, ne sera connue qu'en février, voire en mars 2012.
• Une décision après l'indécision
Cette inflexion au dogme de l'interdiction de la vidéo intervient après la polémique du but refusé à l'Anglais Frank Lampard contre l'Allemagne, le 27 juin 2010. Un but valable sur une merveilleuse frappe tirée des 30 mètres, mais que l'arbitre a refusé (voir photo ci-dessous).
Mais que se passera-t-il quand un arbitre oubliera un but hors-jeu dans un match important ? Est-ce que Blatter ne sera pas obligé de battre sa coulpe, et de dire, comme il l'avait fait après ce match Allemagne-Angleterre, qu'"il faut rouvrir le dossier de la technologie" ? Un dossier au sujet duquel le porte-parole de la Fifa avait déclaré, trois mois plus tôt, que "la porte est fermée", comme le rapporte le Telegraph ?
L'auteur du livre Le match de football télévisé, Jacques Blociszewski, s'interrogeait dans un article publié par Les Cahiers du Football en 2008 : "Pourquoi l’utiliserait-on pour vérifier un penalty mais pas une expulsion, une simulation mais pas un but marqué sur hors-jeu, etc. ? L’assistance vidéo crée par essence de la discrimination. Elle entraînerait des contestations sans fin, hacherait le match et attirerait le football dans un dangereux engrenage."
• Une décision très politique
Violemment opposé à la vidéo, cette nouvelle, si elle devait se confirmer, ne ravira pas Michel Platini, président de l'UEFA et successeur désigné de Blatter. Lequel ne daigne plus s'opposer à son dauphin, qui le pousse un peu trop vite vers la sortie.
L'argument de Platini est que la vidéo empêcherait le foot de rester un sport universel, joué partout de la même manière. C'est pour cela qu'il a promu l'arbitrage à cinq, testé en ce moment en Ligue Europa. Avec un succès mitigé.
Ce n'est pas un hasard si Blatter, auparavant prudent sur la vidéo, a choisi d'utiliser ce nouveau système d'arbitrage uniquement lorsqu'il s'agit de statuer sur un but. Toute autre aide vidéo pour les décisions arbitrales (penalty, hors-jeu, faute) serait beaucoup plus sujette à caution.
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